Les jeunes chômeurs en désespoir de Ouargla, ville de la région du Sud d’Algérie, l’une des régions théoriquement les plus riches du pays grâce à ses ressources en hydrocarbures, mais qui, dans la réalité, est parmi les plus pauvres, ont fait parler d’eux cette semaine.
En sit-in depuis bientôt deux mois pour réclamer du travail, les jeunes chômeurs ont ému l’opinion publique algérienne en se mutilant et en menaçant de se suicider dans un acte de désespoir face à l’indifférence des autorités vis-à-vis de leurs revendications légitimes de vivre décemment dans une région qui regorge d’hydrocarbures, donc pourvoyeuse d’emplois, mais dont les populations sont marginalisées.
Face à cette situation, les jeunes de Ouargla se radicalisent dans leurs démarches de se faire entendre des autorités tout en alertant l’opinion publique de leur désespoir.
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Ainsi, dans des vidéos et photos partagées sur les réseaux sociaux, on voit des jeunes désespérés se tailladent le corps avec des couteaux, se cousent la bouche et menacent de se suicider pour protester contre la politique de l’emploi et les passe-droits. Un spectacle d’automutilation insoutenable.
Ce n’est pas pour la première fois que les jeunes de la région procèdent à de tels actes. Depuis le début des années 2000, les manifestations des jeunes de la région riche en hydrocarbures ont fait naître un vaste mouvement de contestation de chômeurs. En 2016, lors d’une de leurs manifestations, des jeunes s’étaient tailladés publiquement le corps et avaient cousu leurs bouches.
Selon le site TSA, qui cite Echourrouk, «ces jeunes s’estiment lésés par des comportements douteux des responsables locaux qui, souvent, usent d’entourloupes pour recruter, ne respectant ni les priorités ni la proximité ni les cartes de chômeurs qu’ils délivrent ni l’ordre des numérotations suivi dans les cartes de demandeurs d’emploi».
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Pour TSA, «ces images de jeunes, torse nu et la bouche ensanglantée, doit interpeller et faire comprendre que la situation a atteint un point critique, d’autant plus que l’action des chômeurs de Ouargla n’est qu’un maillon d’une série de crises et de tensions simultanées qui touchent tous les secteurs, toutes les régions et presque toutes les franges de la société».
A ce titre, il fut souligné qu’Ouargla est, depuis quelques années, le fief de la contestation sociale, bien avant le déclenchement du mouvement populaire du Hirak. Et, malheureusement, malgré toutes les manifestations des populations, particulièrement des jeunes, les pouvoirs publics sont restés de marbre.
Selon les manifestants, «après l’incapacité des autorités régionales et centrales de résoudre le dossier du chômage des jeunes d'Ouargla, les jeunes sont toujours déterminés à combattre la corruption et les corrompus», avancent les protestataires.
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La réponse des autorités, via la sortie du ministre du Travail, qui a souligné que le taux de chômage dans les wilayas du Sud est inférieur à celui des wilayas du nord, a davantage conforté les manifestants qui estiment que les autorités ne comptent pas trouver une solution au chômage des jeunes de la région.
Reste que ces mutilations comme mode de protestation sont loin de faire l’unanimité. Ainsi, selon Algérie360, sur les réseaux sociaux, «certains y voient une forme de spectacle morbide, d’autres, une ultime expression de personnes désespérées, poussées à bout par l’impuissance de l’Etat à répondre à leurs revendications».
Aujourd’hui, les revendications s’accumulent. Outre les manifestations populaires pour un changement politique radical, ceux des militaires retraités et radiés de l’armée et des chômeurs du sud du pays, c’est toute l’Algérie qui est en ébullition.
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A ces revendications s'ajoutent les multiples pénuries de produits de consommation, dont la dernière est la crise de l'huile, la flambée des prix de presque tous les produits et la pénurie d'eau poussant à la rationalisation de celle-ci à Alger.
L’Etat est désarmé faute de ressources financières pour continuer à acheter la paix sociale à coups de milliards de dollars. Après l’épuisement du fonds souverain du pays, ce sont les réserves en devises du pays qui s’amenuisent de manière inquiétante poussant l’Etat à adopter l’austérité sans qu’il n’y soit imposé par le Fonds monétaire international (FMI).
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Cette austérité et le gel des projets d’investissements, faute de ressources financières, contribuent à un désinvestissement qui accentue la léthargie économique que traverse le pays et qui risque de durer des années encore. Du coup, c’est la croissance qui est hypothéquée et sans celle-ci point de création d’emplois, surtout que le secteur des hydrocarbures est durement touché par les cours bas du baril de pétrole de ces dernières années qui ont très fortement réduit ses ressources.
Ces réalités, combinées à l’impact de la pandémie du Covid-19 et aux conséquences des politiques tatillonnes désastreuses qui ont conduit au fiasco de nombreux secteurs (automobile, électroménager, électronique, etc.), ne peuvent être résolues par une classe dirigeante d’octogénaires totalement déconnectée de la réalité du pays et qui s’accroche uniquement à ses privilèges.