Algérie: flambée des prix, la loi anti-spéculation entre en vigueur avec de lourdes peines contre les commerçants

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Le 07/01/2022 à 18h00, mis à jour le 07/01/2022 à 18h01

Les autorités algériennes ont publié ce jeudi 6 janvier, au journal officiel, la loi anti-spéculation. Désormais, les commerçants qualifiés de spéculateurs sont passibles de très lourdes peines de prison et d’amendes. Une décision loin d’être un remède face aux pénuries qui alimentent l’inflation.

L’Algérie est touchée, depuis la fin de l’année dernière, par une nouvelle flambée des prix et des pénuries touchant de nombreux produits alimentaires. Dans ce lot, même le prix du pain, une denrée généralement intouchable et fortement subventionnée par les autorités, a connu une forte hausse le prix de la baguette ordinaire passant de 10 dinars (logiquement elle doit être vendue à 7 dinars) à 15 dinars d’un coup. Une situation dénoncée par les autorités qui reconnaissent du bout des lèvres que la situation est un peu tendue au niveau du marché international pour certains intrants non subventionnés et les hausses des factures de gaz et d’électricité. Pourtant, pour les autorités, il n’est pas question que les prix connaissent des hausses et ce, quel que soit les raisons.

En conséquence, elles ont décidé rapidement de promulguer et de publier la loi anti-spéculation, afin de faire planer une épée de Damoclès sur les têtes des commerçants et les pousser à respecter les prix fixés par les autorités, quand bien même ils ne s’en sortiraient pas.

Il faut dire que la loi anti-spéculation est très dissuasive. Elle dispose que la spéculation est illicite et «est punie d’un emprisonnement de 3 à 10 ans et d’une amende de 1 à 2 millions de dinars», (6.350 à 12.700 euros).

Et les autorités définissent la spéculation illicite comme «la diffusion de nouvelles ou d’informations fausses ou calomnieuses propagées, sciemment dans le public, afin de provoquer une perturbation du marché et une hausse subite et non justifiée des prix, le recours à des offres sur le marché pour provoquer des perturbations des prix ou le dépassement des marges de bénéfice fixées par la loi, la présentation d’offres de prix supérieurs par rapport à ceux pratiqués par les vendeurs habituellement».

De même, elle est définie comme «tout stockage ou rétention de biens ou marchandises visant à provoquer une pénurie ou une perturbation des approvisionnements au niveau du marché et toute hausse ou diminution artificielle des prix des biens ou marchandises ou des billets de banque de manière directe ou indirecte ou par le biais d’intermédiaire ou le recours à des moyens électroniques ou toutes voies ou moyens frauduleux quelconques».

A travers cette décision, les autorités essaient de mettre les pénuries et les hausses des prix récurrentes des produits alimentaires sur le dos des commerçants, taxés ainsi d’être derrière la perte de pouvoir d’achat des ménages algériens.

A travers cette mesure, les autorités veulent clairement montrer que l’inflation est le fait uniquement des commerçants spéculateurs. Pourtant, ce sont surtout les mesures prises par les autorités et la faiblesse de la production locale qui expliquent grandement cette inflation.

D’ailleurs, alors que l’une des raisons de la flambée des prix est liée à la politique d’interdiction des importations de nombreux produits entrainant un déphasage entre l’offre et la demande sur le marché et parfois des pénuries, les autorités viennent de mettre à jour la liste des produits importés soumis au droit additionnel provisoire de sauvetage (DAPS). Cette liste, qui comportait 992 produits, en comptera 1.616 nouveaux, soit un total de 2.608 produits qui seront soumis à des taxes prohibitives.

Cette taxe supplémentaire qui a été créée en 2018 «dans le but de protéger le produit national» a été fixé entre 30% et 200%. En clair, en plus des taxes supportées par les produits importés, ces 2.608 produits supportent des taxes supplémentaires exorbitants.

En réalité, cette mesure rentre dans le cadre de la politique d’interdiction d’importation de nombreux biens dans le but de réduire la facture des importations. Seulement, si cette mesure décourage les importations, elle entraîne des pénuries pour de nombreux intrants et produits et, en conséquence, une inévitable hausse des prix pour de nombreux produits.

A cela s'ajoute la dépréciation continue du dinar algérien, par les autorités, qui renchérie le coût des produits importés et que supportent, au dernier ressort, les ménages. Une dévaluation continue de la monnaie nationale dont le seul but est de gonfler artificiellement les recettes du budget en dinar algérien afin d'atténuer le déficit budgétaire abyssal, sans se soucier des ménages qui font face à la flambée des prix résultant de cette dépréciation continue de la monnaie locale face aux devises (dollar et euro). 

Par Karim Zeidane
Le 07/01/2022 à 18h00, mis à jour le 07/01/2022 à 18h01