Algérie: face aux expulsions massives, Amnesty International appelle au «respect des droits des migrants»

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Le 20/12/2018 à 14h56, mis à jour le 20/12/2018 à 15h02

Amnesty International demande à Alger de protéger les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile. Une énième sortie de l’ONG qui intervient au moment où Alger accuse les migrants d’être à l'origine de la menace terroriste et multiplie les arrestations et les expulsions parmi eux.

Face aux nouvelles arrestations et expulsions de migrants et aux annonces de ces derniers jours faisant des migrants des terroristes déguisés, l’inquiétude grandit chez les Subsahariens installés en Algérie.

En effet, depuis quelques jours, les médias pro-gouvernementaux algériens font état d’anciens soldats au Sahel qui s’infiltrent en Algérie comme migrants clandestins, justifiant ainsi l’inquiétude d’Alger face à ces migrants qui pourraient être sources de trafics et à l'origine du terrorisme.

Ces nouvelles accusations pourraient être un prélude à une nouvelle vague d’expulsions de migrants subsahariens, ces dernières s'étant multipliées au cours de ces derniers mois. Face à cette situation, l’ONG Amnesty International n’a eu de cesse de condamner et de demander leur arrêt.

Selon Hassina Oussedik, directrice d’Amnesty International Algérie, «malgré le nombre considérable de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés subsahariens présents en Algérie, notre pays ne dispose toujours pas d’un cadre juridique clair définissant le statut des travailleurs migrants ni d’une loi sur l’asile, plus de 50 ans après avoir ratifié la convention de 1951 sur les réfugiés».

D’après le décompte d’Amnesty International Algérie, au titre de l’année 2018, au moins 12.913 Nigériens et 649 Subsahariens originaires d’autres pays ont été expulsés d’Algérie via le Niger dans le cadre de convois autorisés par les autorités algériennes.

De plus, malgré le fait que l’Algérie n’ait pas conclu d’accords d’expulsions de migrants avec les autres pays du continent, selon l’ONG, elle a abandonné 11.238 migrants originaires d’Afrique centrale et occidentale à la frontière avec le Niger, en plein désert, et 3.000 autres ont été contraints de traverser la frontière avec le Mali. Parmi ces expulsés figurent des demandeurs d’asile et des réfugiés enregistrés au niveau du bureau du Haut-Commissriat aux Réfugiés en Algérie.

En clair, ce sont quelques 28.000 migrants qui ont été expulsés en 2018 par l’Algérie dans des conditions inhumaines. Les migrants affaiblis par les conditions de leur détention dans des camps de fortunes sont abandonnés en plein désert à la frontière avec le Niger et doivent marcher plusieurs dizaines de kilomètres pour espérer être sauvés.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), entre 2014 et 2018, ce sont plus de 35.600 Nigériens qui ont été expulsés d’Algérie. Et depuis septembre 2017, quelques 8.000 migrants d’Afrique de l’Ouest ont été expulsés par Alger via le Niger.

Décrivant la manière dont ces expulsions sont effectuées, le rapport souligne que «les migrants sont raflés à leur domicile en pleine nuit», «sans même avoir le temps de s’habiller, de prendre leurs affaires et leurs économies», puis sont amenés dans des postes de police, «battus» puis déportés par bus vers la frontière du Niger, où ils sont obligés de marcher pour rejoindre la ville la plus proche.

Il s’agit là d’expulsions contraires à la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, ainsi que de l’article 12 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine.

Rappelons qu’en octobre dernier, l’ONU avait appelé Alger à «cesser immédiatement les expulsions de migrants» africains. Felipe Gonzalez Morales, Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme des migrants, suite à une mission qu'il avait effectuée au Niger du 1er au 8 octobre dernier, avait appelé «le gouvernement algérien à cesser immédiatement les expulsions collectives de migrants».

Par Karim Zeidane
Le 20/12/2018 à 14h56, mis à jour le 20/12/2018 à 15h02