Algérie: stress hydrique, pénuries et flambée des prix inquiètent les citoyens à quelques jours du Ramadan

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Le 22/03/2021 à 17h12, mis à jour le 22/03/2021 à 17h19

L’eau est rationnée dans la capitale et les responsables annoncent ouvertement une situation de stress hydrique inquiétante. Parallèlement, les citoyens font face à des pénuries et des flambées des prix sur de nombreux produits alimentaires dont la viande à quelques jours du Ramadan.

Les habitants d’Alger doivent faire face à une situation difficile à quelques jours du début du mois sacré de Ramadan. A un quotidien déjà complexe à cause de la flambée des prix des produits alimentaires, dont ceux de base, et des pénuries est venu se greffer un manque d’eau préoccupant.

En effet, le samedi 20 mars 2021, la Société des eaux et d’assainissement d’Alger (Seaal) a annoncé de fortes perturbations dans la distribution de l’eau potable dans la capitale et ce, du dimanche 21 au mercredi 24 mars, à cause d’un "arrêt technique, pour des travaux de maintenance obligatoires" au niveau de la station de dessalement d’eau de mer d’El Hamma qui alimente 20 communes d’Alger. Conséquence, l’eau est coupée chaque jour de 7h à 19h dans 40 communes d’Alger. Les 20 autres communes devant réduire leur consommation au profit des communes qui étaient jusqu’à présent alimentées par l’unité de dessalement d’eau de mer.

Seulement, cette perturbation n’est que la partie visible de l’iceberg. En effet, l’Algérie en général et la capitale en particulier, traversent une situation de stress hydrique inquiétante.

La sécheresse et les faibles investissements dans la production et l’entretien des unités de dessalement d’eau de mer se sont traduits par des déficits de production d’eau. En effet, selon le directeur général de l’ADE (l'Algérie des eaux), les barrages fournissent 40% de l’eau potable en Algérie. Et après deux années de faible pluviométrie, le taux moyen de remplissage des barrages est très bas cette année. Il se situe actuellement autour de 44%.

Le problème est que l’Algérie n’a pas beaucoup investi dans les barrages pour retenir les eaux des pluies, privilégiant les investissements onéreux des unités de dessalement de l’eau de mer et qui nécessitent des investissements constants en entretien.

Conséquence, les pénuries d’eau vont crescendo. D'autant qu'au-delà des travaux de maintenance, le pays fait face à un stress hydrique inquiétant, comme l’a bien expliqué Hussein Zair, le directeur général de l’Algérienne des Eaux (ADE). "On doit passer à une démarche économique de l’eau pour ne pas dire programme de rationalisation de l’eau", a t-il averti, lors de son intervention sur la Chaîne 3. Le responsable a annoncé des mesures draconiennes pour faire face à la pénurie d’eau en évoquant, "une réduction des plages horaires de distribution". Il explique que face à la situation désastreuse du stress hydrique, "la plage horaire de distribution de l’eau qui est de 10h à 18h va être réduite et ramenée d’abord entre 6h à 2h", n’écartant pas l’hypothèse d'un rationnement d’un "jour sur deux", après le Ramadan, durant la période estivale, si d’ici là, la situation de remplissage des barrages n’évolue pas favorablement.

Si la pénurie d’eau est stressante, les ménages font également face à la flambée des prix de nombreux produits alimentaires, accompagnée souvent par des pénuries.

Ainsi, les Algériens subissent depuis quelques semaines une préoccupante flambée des prix des viandes blanches. Le prix du kilogramme de poulet oscille actuellement entre 800 et 1.000 dinars, soit entre 6 et 7,5 dollars. Sachant qu'il était de 200 et 300 dinars en janvier dernier, il a donc triplé.

Toutefois, selon le directeur général de l’Office national interprofessionnel des légumes et des viandes (Onilev), Mohamed Kharroubi, le kilogramme du poulet de chair devrait baisser et s’établir autour de 320 dinars dans les prochains jours. Il avertit toutefois que les prix ne reviendront pas à leur niveau des 200 dinars/kg comme ce fut le cas en 2020, justifiant cette hausse par la flambée des prix du maïs, denrée utilisée pour l’alimentation de la volaille, sur le marché international.

Et selon Houcine Boudina, adjoint du directeur général de l’Office des aliments du bétail et de l’élevage avicole (Onab), la pandémie du Covid-19 a contribué à faire augmenter les prix des matières premières qui représentent entre 60% à 70% du prix de la volaille. Or, explique-t-il, les prix des aliments pour animaux ont augmenté de 40%. Du coup, les prix de la viande blanche resteront élevés dans les semaines à venir, particulièrement durant le mois de Ramadan où la demande de viande blanche est forte.

Craignant des pénuries de viandes durant le mois de Ramadan, le président Abdelmadjid Tebboune, qui s’est évertué depuis son arrivée au pouvoir, à limiter les importations, y compris celles qui sont essentielles, a autorisé, à titre exceptionnel, l’importation des viandes congelées par les importateurs actifs dans chaque wilaya, durant le mois de Ramadan. Une décision qui dénote d’une crainte d’un important déficit en viande durant le mois sacré de Ramadan qui débutera dans moins de 3 semaines.

Outre les viandes, la perturbation au niveau du marché de l’huile inquiète aussi les Algériens. Si le prix de ce produit de première nécessité est règlementé et qu'il ne connaîtra donc pas de flambée de prix, la pénurie a fini par s’installer poussant Issab Rebrab, le patron de Civital, à sortir de son silence. Il dégage toute responsabilité de son groupe, le leader du marché, suite à la tension observée sur le marché de l'huile à quelques jours du mois de Ramadan. "Il n’y a pas de problèmes de production d’huile de table dans le pays, nous avons même un surplus qui nous permet de couvrir à 130% les besoins du marché national", a souligné l’homme le plus riche du pays.

Cette pénurie s’explique par l’imposition de la facture aux commerçants de détails. Une facturation qui les poussent à s’acquitter d’une taxe et qui par ricochet tend à réduire leur marge bénéficiaire sur ce produit dont le prix de vente est règlementé. Comme le soulignent les détaillants, les producteurs d’huile du pays ont répercuté automatiquement l’augmentation des prix des matières premières importées sur le marché international et la dépréciation du dinar face aux devises étrangères. C’est donc la marge des petits revendeurs qui est grignotée. Une situation qui les poussent à refuser de commercialiser certaines huiles qui ne leur rapportent plus rien, à cause des effets combinés de la hausse des prix des producteurs et de l’imposition.

Conséquence, afin d’éviter cette taxation, les détaillants recourent à l’astuce de s’approvisionner en petites quantités auprès de plusieurs grossistes au prix du détail, ce qui les exempte de la facturation et donc de l’imposition. Résultat: ce sont les ménages qui se retrouvent face à une pénurie d’huile qui, en réalité, n’en est pas une.

Les Algériens s'inquiètent de toutes ces perturbations, surtout à la veille du Ramadan.

Par Karim Zeidane
Le 22/03/2021 à 17h12, mis à jour le 22/03/2021 à 17h19