Au commencement étaient des claquements de mains et des trépignements qui accompagnaient généralement des monologues chantés ou fredonnés. Cette œuvre était exécutée par des femmes de l’ethnie béti repérées dans les régions du centre et du sud-Cameroun. C’était un moyen pour celles-ci de débiter des frustrations, déceptions et autres peines auxquelles elles faisaient face au quotidien, car à cette époque, la femme n’avait pas le droit de faire des revendications en public.
Elles se réunissaient alors dans la soirée et formaient un cercle où chacune entrait à tour de rôle pour fustiger les manquements de la société. Les autres femmes reprenaient en chœur et l’ambiance était bon enfant. De villages à villages, ce rythme était connu et avait pris la dénomination de «bii kut si» qui signifie littéralement «frappons le sol». C’est ainsi qu'est né le bikutsi, ce rythme musical devenu célèbre à travers le monde.
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Un style musical qui s’est donc révélé dès les années 1970 suivant le mouvement du showbiz africain, et singulièrement des pays comme le Kenya, les Congo Kinshasa et Brazzaville ou encore la Côte d’Ivoire. Les chansonniers comme Abakuya, Ange Ebogo, Anne-Marie Nzié, Zanzibar et Gilbratar Drakus pour ne citer que ceux-là auront alors contribué à son expansion dès les débuts. Puis vint la génération des artistes comme Petit Prince, Mbarga Soukous, Messi Martin, Ntodo Sitony et Bisso Solo, qui auront aussi apporté leur touche particulière pour rendre ce rythme plus poignant.
La génération suivante est celle actuelle, qui fait «de la pluie et du beau temps», selon de nombreux mélomanes rencontrés dans les rues de Yaoundé. Pour la majorité, il s’agit de la génération où les simples applications d’ordinateurs ont remplacé les instruments musicaux. Pire encore, les chansons ne véhiculent plus de messages contrairement à celles de la bonne époque.
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«Les jeunes d’aujourd’hui ne connaissent rien de la musique. Ils passent leur temps à chanter les dessous de la ceinture et c’est pourquoi leurs œuvres ne durent pas plus de trois mois», c’est l'observation faite par d’un homme visiblement âgé d'environ 70 ans. Pour lui, il est important que la censure revienne dans la publication des œuvres musicales car les œuvres actuelles influencent négativement l’éducation des jeunes enfants.
Quant à eux, les jeunes soutiennent pourtant que chaque époque a ses réalités et que le monde s’adapte généralement à ce que la nature lui présente. Néanmoins, il faut relever que tous les artistes musiciens du rythme bikutsi ne versent pas dans la perdition. Certains sortent du lot et s’imposent grâce à leur style.