RÉTRO 2017. Afrique: une année politique agitée

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Le 25/12/2017 à 14h32, mis à jour le 25/12/2017 à 15h16

Entre manipulations constitutionnelles et cycle infernal de manifestations-répressions, le déficit de démocratie vire au drame pour les populations en Afrique. Illustration à travers une année 2017 agitée au Togo, en RDC et au Burundi.

La Mauritanie a connu un changement de Constitution à la faveur d’une consultation populaire controversée, organisée le 5 août dernier (voir dans un rétro précédent). Ailleurs, les équations politiques nées d’un criant déficit de démocratie ont viré au jeu de massacre, avec le cycle classique et infernal de «manifestations-répressions».

Il en est ainsi au Togo de la «Dynastie» des Eyadema, en République démocratique du Congo, où Joseph Kabila refuse de céder un pouvoir «hérité» de son père, malgré l’expiration de son ultime mandat depuis une année (au vu des dispositions de la Constitution), et au Burundi de Pierre NKurunziza, l’ancien rebelle, qui a forcé le coffre de la légitimité et foulé au pied un accord politique lui interdisant se représenter à l’élection présidentielle de 2015.

Tous ces pays sont en proie à des manifestations récurrentes et à la violence. Le Togo est agité par une grosse tourmente politique depuis le mois d’août 2017. Le régime de Faure Gnassigbé, qui a usé de la loi du plus fort pour succéder à son père en 2005, fait face à une énorme contestation sociale, une véritable lame de fond, bien loin d’un simple effet de mode.

Aux appels de l’opposition, regroupée au sein de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), les manifestations de rue se succèdent à Lomé, Sokodé et ailleurs. Des scènes de guérilla urbaines avec des morts, des blessés et des arrestations. Après chaque marche, les forces de l’ordre organisent des expéditions punitives parfois jusque dans les domiciles, semant ainsi le désordre.

Malgré la gravité de la situation, les protagonistes de la crise restent dans la logique d’un véritable dialogue de sourds. Le pouvoir veut revenir à la limitation des mandats et à la Constitution de 1992 qu’il avait découpée comme un saucisson pour permettre le maintien à vie d’Eyadema père.

Une limitation des mandats abrogée dans la pure tradition de ces nombreuses démocraties de façade en Afrique, habituées à traiter la Constitution comme un vulgaire torchon, à anéantir pour verrouiller toute possibilité d’alternance. Du côté de l’opposition «on veut négocier, mais juste sur les conditions de départ de Faure Gnassigbé». Un tableau qui renvoie désespérément à une absence de perspective de sortie de crise.

En RDC, la situation est de plus en chaotique. Une année après le terme constitutionnel de son ultime mandat, Joseph Kabila refuse de lâcher le pouvoir. Entre ruses et subterfuges, il promet des élections pour 2018. Des consultations conditionnées par à un recensement général de la population qu’il n’a jamais eu le temps d’organiser en 15 ans de règne sur ce vaste territoire de plus 2 millions de kilomètres carrés avec une population de 80 millions d’habitants.

Une opération dont il cherche à peine à réunir les conditions, tout en envoyant régulièrement au charbon une commission électorale peu crédible pour émettre des messages brouillés. Le gouvernement congolais s'efforce par ailleurs de mobiliser la contribution financière de partenaires invités à remplir une corbeille qui reste encore vide.

En attendant, les manifestations de l’opposition qui étaient parties sur les chapeaux de roue semblent s’essouffler. Les massacres de populations civiles se multiplient dans une confusion totale. Il est question de crimes d’une extrême gravité qui tombent sous le coup de la législation pénale internationale et dont certains seraient imputables aux forces gouvernementales, selon la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

Au Burundi, ce pays des Grands Lacs à l’histoire tourmentée et au parcours hanté par les conflits ethniques et des massacres, on est sous une nouvelle chape de plomb depuis 2015. Une année marquée par le refus de l’ancien rebelle, Pierre Nkurunziza, devenu chef de l’État dans l’intervalle, de respecter les clauses de l’accord sur lequel reposaient tout édifice politique et le pacte social. Une rupture aux conséquences dramatiques, qui marque le point de départ d’un cycle de manifestations/répression, massacres collectifs, exodes de réfugiés...

La Cour pénale internationale a autorisé l’ouverture d’une enquête pour de possibles crimes contre l’humanité. Mais NKurunziza défie la justice «des Occidentaux» et renforce son emprise sur un pays dont un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 25/12/2017 à 14h32, mis à jour le 25/12/2017 à 15h16