Coups d'Etat au Sahel: le Niger échappera-t-il à la contagion?

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Le 29/01/2022 à 15h38, mis à jour le 29/01/2022 à 15h48

Les récents coups d'Etat au Mali et au Burkina font craindre un effet domino au Niger, confronté aux mêmes défis économiques, sociaux et sécuritaires que ses deux voisins sahéliens.

L'histoire du Niger, parmi les pays les plus pauvres au monde et en proie à des attaques jihadistes meurtrières, est jalonnée de coups d'Etat.

Depuis l'indépendance de cette ex-colonie française en 1960, il y en a eu quatre: le premier en avril 1974 contre le président Diori Hamani, le dernier en février 2010 qui a renversé le président Mahamadou Tandja. Sans compter une série de tentatives entre 2011 et 2021.

L'irruption des armées sur la scène politique au Mali et au Burkina Faso est autant condamnée qu’applaudie à Niamey.

Comme dans ces deux pays, la persistance des attaques jihadistes qui endeuillent les familles, ainsi que les scandales de corruption, sont des sources de préoccupation au Niger.

Des détracteurs du régime du président Mohamed Bazoum inondent les réseaux sociaux en prédisant que «ce qui est arrivé à Bamako et Ouagadougou risque d’arriver à Niamey», allant jusqu'à inviter «l'armée à prendre ses responsabilités».

«Tout le monde craint une contagion mais franchement, le mécontentement populaire n'a pas atteint le niveau du Burkina Faso ou du Mali», note l'analyste nigérien Amadou Bounty Diallo.

«Pour l'essentiel, le président Bazoum doit prendre la mesure de l'ampleur du mécontentement suscité par les massacres jihadistes et y remédier», et s'attaquer aux dossiers de corruption, dont celui des surfacturations de près de soixante millions d'euros à l'armée, estime-t-il.

Putsch "pas envisageable"

Sous couvert de l'anonymat, un diplomate africain pense également que «l'hypothèse d'un effet domino n'est pas envisageable» au Niger, car «le cocktail n'est pas aussi explosif» que chez ses voisins.

Contrairement aux présidents renversés Ibrahim Boubacar Keïta du Mali et Roch Marc Christian Kaboré du Burkina, Mohamed Bazoum «n'est pas contesté dans la rue», selon lui.

«Il est vrai que le pays a une longue tradition de coups d'Etat, et qu'il fait face à une crise sécuritaire qui va de mal en pis», mais «pour autant, il me semble que les éléments immédiats qui ont servi de déclencheurs au Mali, au Burkina ou même en Guinée (où les militaires ont aussi pris le pouvoir) ne sont pas présents», selon Ornella Moderan, responsable du programme Sahel à l'Institut des études de sécurité (ISS) basé à Bamako.

Parmi les «déclencheurs», elle cite «une crise sociale de longue date aggravée par le manque de réactivité des gouvernements, une crise post-électorale ouverte, et l'ampleur de l'échec des gouvernements malien et burkinabè à juguler l'insécurité».

"Armée forte"

«Pour le cas du Niger, le prétexte de l'insécurité ne peut pas être brandi: on a une armée forte, présente sur l'ensemble du territoire (...) on est le seul pays qui tient debout face à plusieurs fronts», rétorque une source à la présidence interrogée par l'AFP.

Momahed Bazoum «multiplie les signes d'une volonté d'améliorer de la gouvernance», constate le constitutionnaliste nigérien Amadou Boubacar. «Il a pris le risque d'aller sur le terrain pour rendre hommage aux militaires (engagés contre les jihadistes) et il fait preuve d'une volonté d'instaurer le dialogue et lutter contre la corruption».

Pour Souley Oumarou, un des responsables de la société civile nigérienne, «l'idée (d'un coup d'Etat) peut tarauder l'esprit de certains militaires», mais «les conditions ne sont pas réunies», en l'absence «d'une opposition politique forte» ou d'une «société civile extrémiste» pour alimenter une fronde qui sert habituellement de déclic aux putschistes.

«L'armée n'a pas un rôle d'arbitre», soutient l'ex-ministre de la Défense Kalla Moutari: «si à chaque fois qu'on élit (un président) et qu'il échoue dans la mise en oeuvre de sa politique il faut faire un coup d'Etat, quand est-ce qu'on va en finir?», s'interroge ce député et membre influent du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir).

Les sanctions imposées par Commaunauté des Etats ouest-africains (Cédeao) risquent toutefois de porter un coup aux opérations conjointes de lutte contre les jihadistes qui ont conquis des pans entiers de territoires, surtout au Mali et au Burkina Faso.

«Il est clair que la lutte n'est pas faisable avec le Mali où la présence de forces russes (mercenaires de la société Wagner) est antagonique avec la logique du partenariat du G5-Sahel et la France», résume Souley Oumarou.

«Nous sommes déterminés à continuer cette lutte dans un cadre clair, dans des rapports civilisés avec des partenaires étatiques, pour combattre et vaincre le terrorisme», a déclaré jeudi à Paris Hassoumi Massoudou, ministre nigérien des Affaires étrangères.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 29/01/2022 à 15h38, mis à jour le 29/01/2022 à 15h48