Cameroun: l'impossible régulation face au désordre des motos-taxis

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Le 02/09/2019 à 07h33, mis à jour le 02/09/2019 à 19h36

Utile dans le cadre des transports publics et de la mobilité urbaine notamment, la profession est minée par de nombreux maux que les pouvoirs publics peinent à éradiquer. On estime que des dizaines de milliers de conducteurs d'engins à deux roues exercent dans le pays.

Il y a quelques jours au Cameroun, les moto-taxis ont défrayé la chronique à travers le mouvement de grève qu'ils projetaient d'organiser dès le 2 septembre 2019, jour de la rentrée scolaire. Ce, à travers un préavis de grève envoyé par le Collectif des moto-taxis du Cameroun au Premier ministre, Joseph Dion Ngute.

Un projet finalement abandonné le 26 août dernier, après une réunion de concertation avec le gouvernement, à travers le ministre des Transports, Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe.

Ces transporteurs à deux roues se plaignaient notamment de tracasseries lors des contrôles. Un bras-de-fer remporté par ce corps social très sensible que les autorités, malgré les nombreuses mesures prises, peinent à réguler, et avec lequel elles négocient avec beaucoup de précautions.

A titre d'exemple, le chef du gouvernement a signé en 2008, un décret fixant les conditions et les modalités d’exploitation des motocycles à titre onéreux. Une dizaine d'années plus tard, le texte peine à être appliqué. A travers ce texte, les pouvoirs publics voulaient mettre de l’ordre dans les rangs d’une profession utile, mais minée de l’intérieur par de nombreux maux.

Au niveau local, des municipalités ont essayé d'implémenter le texte. Mais à Douala par exemple, qui compte le plus nombre de moto-taxis, les mesures prises par la Communauté urbaine de la ville sont restées lettres mortes. Peu de conducteurs de deux roues se sont fait recensés. Très peu portent des chasubles d'identification tel que préconisé. Rares sont ceux qui ont des titres d'exploitation de transport, des permis de conduire ou les documents basiques pour une moto comme l'assurance.

Conséquence, la profession est minée par un incivisme grandissant, les motos-taxis s'illustrant particulièrement par leur propension à défier l'autorité et à faire foule lors de mouvements d'humeur parfois violents. La profession a ainsi mauvaise presse. Les accidents sont nombreux. Des bandits de grands chemin ont infiltré les rangs des conducteurs honnêtes.

«Il vaut mieux être très prudent en empruntant une moto-taxi la nuit. J'ai les numéros de téléphone de quelques bons conducteurs que je préfère appeler en cas de besoin, même si cela coûte plus cher », affirme Moriane Dissake, habitante de Douala, la métropole économique. Conséquence de cette recrudescence d'agression, certaines autorités ont imposer des restrictions dans certaines villes. A Bertoua, dans la région de l'Est, la circulation des motos-taxis est interdite entre minuit et 6h du matin.

En gros, une activité nécessaire pour le transport public et l'atténuation du chômage des jeunes est devenue un problème du fait des facteurs cités plus haut.

Afin de tenter de changer cette image, certaines start-up innovent. L'entreprise Bee par exemple offre un service premium de moto-taxis à la demande, avec des conducteurs mieux formés et identifiés, un transport sécurisé à travers l'usage des casques... tout en conservant les prix pratiqués usuellement. «Notre mission est de changer l'image des moto-taxis en faisant de ces derniers des professionnels et rétablir la confiance entre avec les clients et les moto-taxis», affirme Timani Wohayo, co-fondateur du projet.

Malgré tout, les pouvoirs publics ne baissent pas les bras. Le ministère des Transports organise de façon régulière des sessions pour le permis de conduire, facilite l'immatriculation des syndicalistes à la sécurité sociale volontaire, etc. Cependant, le combat de la régulation de cette profession est loin d'être gagné.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 02/09/2019 à 07h33, mis à jour le 02/09/2019 à 19h36