L’Afrique est la destination de l’industrie automobile mondiale. Selon les projections du cabinet de conseil Mordor, d’ici 2030, le secteur devrait connaitre un taux de croissance moyen annuel de 6%, soit deux fois plus que la moyenne mondiale, grâce à l’urbanisation et à l’émergence d’une classe moyenne. De plus, la volonté de développement industriel du continent pousse les acteurs mondiaux du secteur à s’implanter sur le continent pour y produire certains de leurs modèles.
Toutefois, pour attirer les géants mondiaux, il faut réunir les conditions favorables: des écosystèmes automobiles, un environnement des affaires favorable, des ressources humaines qualifiées, un marché intérieur significatif, des capacités logistiques indéniables et bien évidement une vision stratégique claire.
L'usine de Renault Maroc de Tanger est la plus grande d'Afrique. Le groupe dispose d'une capacité totale de 440 000 unités qui passera bientôt à 500 000 unités.. DR
Conséquence, seuls deux pays africains figurent parmi les constructeurs automobiles qui comptent dans le monde, même si l’Afrique reste un nain du secteur international. En effet, sur une production mondiale de 93,55 millions d’unités, l’Afrique n’en a produit que 1,17 million, soit 1,25% des voitures produites dans le monde en 2023.
Afrique du Sud: un siècle d’automobile
L’Afrique du Sud fête cette année ses 100 ans dans la construction automobile. C’est en 1924 que la première voiture, un modèle «Fort T», y a été assemblée. Un total de 1446 unités avaient été produites cette année-là.
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Depuis, le pays n’a cessé d’attirer d’autres constructeurs. Il en accueille actuellement plus d’une douzaine, toutes catégories confondues. Parmi ces derniers figurent Ford, Volkswagen, BMW, Isuzu, Mercedes, Toyota, Nissan, Hyundai… Le groupe Stellantis y construit actuellement une nouvelle unité qui sera opérationnelle en 2025. Un intérêt des constructeurs qui s’explique par les potentialités du marché sud-africain, de loin le premier marché de voitures neuves en Afrique et qui compte un parc de 13,1 millions de véhicules à fin 2023.
Parallèlement, le pays compte un véritable écosystème automobile avec plus de 430 fournisseurs et équipementiers qui fournissent le marché local et international. Ceux-ci produisent moteurs, pièces de moteur, chaises, pneus, radiateurs, faisceaux de câbles, jauges, batteries, systèmes d’alarmes, boites de vitesses, systèmes d’allumage, essieux, pièces de freins, verres automobiles, arbres de transmission, filtres…
Grâce à cet écosystème et à la présence de nombreux acteurs mondiaux de l’automobile, la production du pays s’est établie à 633.332 unités en 2023, contre 555.885 unités en 2022, affichant une progression de 13,9%. Avec ce volume, le pays revendique le 22e rang mondial.
Plusieurs modèles de voitures sont y fabriqués: BMW X3, Mercedes C-Class, Toyota Corolla, Volkswagen Polo, Hilux, Navara, D-Max, Ranger…
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Globalement, le volume moyen par modèle produit sur le marché sud-africain est passé de 52.490 unités en 2022 à 59.963 en 2023. Selon les données de l’Automobile Trade Manual 2024 de National association of automobile manufacturers of South Africa (NAAMSA), deux modèles ont atteint un volume de production supérieur à 100.000 unités et deux autres ont dépassé 85.000 unités.
Le pays arc-en-ciel ne compte pas en rester là. Dans le cadre de sa stratégie de développement, l’Afrique du Sud ambitionne d’atteindre 1% de la production mondiale en produisant 1,4 million d’unités à l’horizon 2035.
A noter que les exportations du secteur automobile sud-africain ont généré un volume d’affaires de 270,8 milliards de rands (14,71 milliards de dollars), dont 203,0 milliards pour les voitures et 70,3 milliards pour les composants automobiles.
Le Maroc, premier producteur africain de véhicules particuliers
A l’instar de l’Afrique du Sud, le Maroc est aussi un des pionniers de la construction automobile en Afrique avec la Société marocaine de constructions automobiles (Somaca) créée en 1959. Celle-ci a été privatisée en 2003 au profit de Renault. Le pays est toutefois resté un producteur mineur jusqu’à l’implantation de Renault. En 2010, le pays produisait moins de 60.000 véhicules par an. L’essentiel de l’industrie du secteur automobile était axé sur la fabrication de composants automobiles, notamment les câbles électriques.
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Cependant, l’implantation de Renault à Tanger en 2012 va chambouler la donne. Cette installation a été favorisée par une vision industrielle stratégique dont le Plan d’Accélération industrielle 2014-2020 et l’approche nouvelle des écosystèmes introduite par l’ancien ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy. Aujourd’hui, le Maroc dispose d’une capacité de production totale d’environ 700.000 véhicules par an.
Avec 535.825 véhicules produits, toutes catégories confondues, le Royaume occupe le second rang des producteurs africains de voitures derrière l’Afrique du Sud.
Toutefois, le Maroc domine le segments des voitures particulières avec un volume de 471.950 unités produites par les deux acteurs du secteur marocain -Renault Maroc et Stellantis Maroc-, contre 336.980 voitures particulières produites en Afrique du Sud.
Le groupe Renault Maroc reste le leader de la construction automobile du continent. Disposant de la plus grande usine automobile d’Afrique à Tanger, le constructeur a produit 382.661 unités en 2023 dans ses deux unités industrielles de Tanger et Casablanca.
Ce volume est en hausse de 9,3% par rapport à 2022. La plateforme de Tanger, dotée d’une capacité d’environ 400.000 unités, a fabriqué 287.860 véhicules en 2023, un volume en hausse de 12,6%. L’usine de Casablanca -Somaca-, d’une capacité de production de 100.000 unités, a réalisé une production record de 94.801 unités l’année écoulée.
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Dans ces deux plateformes industrielles marocaines, Renault construit les modèles Logan, Sandero, Sandero Stepway, Dokker, Renault Express et Lodgy.
Du côté de Stellantis Maroc, filiale du groupe automobile multinational franco-italo-américain fondé le 16 janvier 2021 suite à la fusion des groupes PSA et Fiat Chrysler Automobiles, en combinant diverses données, la production devrait se situer autour de 153.000 véhicules, ce qui en fait l’une des plus importantes unités industrielles automobiles du continent.
Pour rappel, cette unité a démarré son activité de production de véhicules et de moteurs en 2019 avec une capacité initiale de 100.000 véhicules par an. Celle-ci a été doublée en 2022 à 400.000 unités par an auxquelles s’ajouteront 50.000 véhicules électriques.
Parmi les modèles produits à Kenitra figurent la Peugeot 208 et des véhicules électriques: Citroën Ami, Opel Tocks-e et Fiat Topolino. Avec l’extension de l’usine, d’autres modèles de la marque Fiat seront construits au niveau de la plateforme dont la future Fiat Multipla.
Stellantis s’appuie sur un écosystème de quelques 70 fournisseurs et équipementiers locaux lui permettant de s’approvisionner localement et d’accroître de manière continue son taux d’intégration qui se situe actuellement à hauteur de 69%, avec un objectif à terme de 80%.Avec le nouvel investissement de 300 millions de dollars en cours de réalisation, l’usine qui emploie actuellement plus de 3.500 salariés, créera 2.000 postes supplémentaires.
Il faut noter qu’au-delà des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers, on note aussi le montage de camions de divers tonnages au Maroc dont ceux du groupe Auto Hall qui monte les marques Foton, Fuso-Mitsubishi et DFSK avec une capacité de production de 10.000 unités.
Au-delà de la production de véhicules, la réussite du Maroc est l’intégration en amont de sa chaîne d’approvisionnement automobile. Ayant débuté avec le câblage, le Maroc possède aujourd’hui plus d’une dizaine de systèmes industriels liés à l’automobile: câbles électriques, batteries, sièges, pneus….
Le succès de l’industrie automobile fait que le Royaume est un terrain très attractif pour l’investissement direct étranger, attirant de nombreux fournisseurs et équipementiers mondiaux. Parmi ceux-ci figurent: l’américain Lear qui gère 11 sites au Maroc. Sumitomo, spécialisée dans la fabrication de fils et faisceaux de câbles et qui dispose de plusieurs unités au Maroc, s’est engagé à construire 9 unités supplémentaires d’ici 2028. Le groupe chinois Citic Dicastal, spécialisé dans le moulage d’aluminium et la production de pièces en aluminium (jantes, composants en fonte d’aluminium des blocs moteurs et châssis…) possède trois unités au Maroc.
Au total, le Maroc compte plus de 250 équipementiers dont beaucoup de filiales de multinationales (Delphi, Yazaki, Saint-Gobain, Bamesa, Snop, Faurecia, Denso, Visteon, Plastic Omnium, Valeo, Leoni…). Ces entreprises fournissent des faisceaux de câbles, pièces de freins, sièges, pneus, filtres, pièces des freins, batteries, pièces moteurs,… Ces entreprises emploient plus de 220.000 personnes.
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C’est grâce à cet écosystème que le taux d’intégration a beaucoup progressé au Maroc où il se situe à plus de 60% pour Renault et plus de 69% pour Stellantis.
En matière de composants, le Maroc vise désormais à devenir un centre de fabrication automobile en orientant la production vers des composants complexes à forte valeur ajoutée. Et en matière d’intégration du contenu local, il vise un taux de 80% d’ici 2030.
A noter que plus de 90% de la production automobile au Maroc sont destinés à l’export. En 2023, les exportations du secteur automobile (véhicules et composants automobiles) ont augmenté de 30,2% à 13,7 milliards de dollars.
Il reste à bien négocier le virage de l’électrique
Enfin, le défi des deux géants africains de l’automobile est de mieux négocier le virage vers les voitures électriques. En effet, selon les projections, d’ici 2040, 54% des véhicules neufs vendus seront électriques. Pour ne pas rater cette transition, les deux pays se préparent activement en s’appuyant sur les groupes déjà implantés.
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Ainsi, au Maroc, Stellantis produit déjà des voitures électriques dans sa plateforme de Kénitra. L’usine Renault de Tanger s’est dotée d’une ligne de production de voitures électrique Mobilize d’une capacité extensible de 17.000 véhicules par an.
Et pour s’y préparer davantage, le Royaume compte intégrer la chaîne de valeur en développant un écosystème dédié aux voitures électriques. Le pays compte produire au moins 100.000 unités par an de voitures électriques d’ici 2025, horizon pour lequel il compte atteindre la barre de 1 million de voitures produites.