Rentabilité: McKinsey décline les domaines dans lesquels les banques africaines doivent agir pour améliorer leur productivité

Le 06/01/2023 à 12h24

Selon un rapport de McKinsey, les banques africaines doivent accroître leur productivité afin de mieux renforcer leur résilience et leur profitabilité. Pour cela, le cabinet décline 6 domaines autour desquels ces banques doivent recentrer leurs efforts.

En dépit d’un environnement économique de plus en plus complexe et marqué d’incertitudes macroéconomiques, les banques africaines poursuivent leurs stratégies de croissance. C’est ce que révèle une étude du cabinet McKinsey publiée en ce début d’année et qui porte sur la productivité du secteur bancaire africain. On y apprend notamment que «les revenus des banques du continent ont connu une nette amélioration: certaines banques en Afrique affichent même aujourd’hui des revenus supérieurs à avant la pandémie, et ce, du fait de l’augmentation des volumes, mais aussi des taux d’intérêt et de la stabilité des coûts liés aux risques».

Toutefois, cette croissance des revenus ne s’est pas accompagnée d’une amélioration identique des rendements. «Le rendement des fonds propres (RoE) des banques africaines, à l’exception de celles du Kenya, demeure encore inférieur par rapport aux niveaux enregistrés avant la pandémie, malgré un fort rebond constaté en 2021», remarque l’étude, ajoutant que le facteur fondamental qui explique le décalage entre la croissance des revenus et les rendements du secteur bancaire est lié à la productivité des institutions.

En se basant sur l’indicateur du RoE, McKinsey explique que la rentabilité des 5 plus grands marchés bancaires d’Afrique (Afrique du Sud, Egypte, Kenya, Maroc et Nigeria) a connu un déclin constant, avec une baisse moyenne de 2% au cours des 6 dernières années. Mais cette baisse n’a pas été uniforme au niveau des 5 marchés. Par exemple, les banques égyptiennes affichent la plus forte baisse avec un recul de 9,5%, alors que seules les banques nigérianes ont réussi à enregistrer un RoE en hausse (3,6%). Une situation qui s’explique par les réformes du secteur bancaire nigérian et le bon comportement du secteur pétrolier, moteur de la croissance économique nigériane.

Qu’est-ce qui explique cette rentabilité déclinante des banques africaines? «Les banques africaines sont coûteuses à gérer: elles possèdent un ratio coût/actif moyen entre 4 et 5%, soit deux fois plus élevé que celui de la moyenne mondiale. Dans le même temps, l’environnement économique dans lequel de nombreuses banques africaines opèrent est souvent caractérisé par des taux de bancarisation et par des ratios prêts/dépôts beaucoup plus faibles, ce qui signifie des pools de revenus bancaires plus petits et donc moins d’économies d’échelle», explique François Jurd de Girancourt, directeur associé du bureau de McKinsey à Casablanca et responsable du pôle de compétences Institutions financières de McKinsey en Afrique.

Ainsi, pour améliorer leur rentabilité, les banques africaines doivent revoir leur base de coûts et leurs modèles opérationnels. Et cela passe nécessairement par une plus grande digitalisation des services bancaires. La pandémie du Covid-19 a déjà poussé les banques à s’engager sur cette voie, mais elle n’est pas la seule à mettre en place. En tout, pour améliorer leur productivité, les banques doivent recentrer leurs efforts autour de 6 domaines.

D’abord, il s’agit de s’ancrer dans la réalité «phygitale». En effet, le taux de digitalisation des services au niveau des banques africaines se situe autour de 20 à 30%, alors qu’il a atteint les 50% en Amérique latine et en Asie et qu’il s’approche des 75% au niveau des marchés développés. C’est dire que les banques africaines, qui ont jusqu’à présent mis l’accent sur l’agrandissement de leurs réseaux d’agences, ont des marges de manœuvre importantes en matière de digitalisation de leurs services.

Ensuite, les banques africaines doivent tendre vers l’objectif de «zéro opérations manuelles» grâce à la digitalisation en suivant la tendance de l’hyperdigitalisation du travail au niveau des grandes banques occidentales grâce à l’automatisation et à la numérisation de toute la chaîne de valeur bancaire. «Nos recherches suggèrent qu’il existe un potentiel d’automatisation de plus de 50% pour ce qui est des fonctions centrales liées à la vente ou à l’administratif», souligne le rapport de McKinsey. Pour le moment, en dépit des importants investissements dans les nouvelles technologies, une partie importante de la chaîne de valeur bancaire en Afrique dépend encore des tâches manuelles.

Aussi, les banques africaines doivent passer de back-office à «partenaire à forte valeur ajoutée» en adoptant les méthodes de travail «lean», approche qui vise la réconciliation de la satisfaction des clients, l’engagement des équipes et la réduction des coûts globaux de l’entreprise dans les fonctions centrales.

De même, les banques du continent doivent accélérer l’adoption des nouvelles technologies et la migration des applications et des infrastructures vers le cloud. Selon l’étude de McKinsey, «les banques pourraient doubler la productivité informatique en déployant des plateformes technologiques plus modernes».

En outre, avec la digitalisation, les banques pourraient offrir à leurs employés davantage de flexibilité sur le lieu de travail. Et grâce au travail hybride qui tend à devenir la norme, cela donne aux banques africaines l’occasion de repenser l’utilisation qu’elles font de leurs actifs physiques (immobilier).

Enfin, les banques africaines doivent investir dans les capacités numériques qui leur permettront d’automatiser leurs process achats, d’améliorer l’efficacité opérationnelle et de générer davantage de transparence.

Bref, pour Jurd de Girancourt, «si les banques africaines commencent à appréhender leur productivité à partir de ces six domaines critiques, alors elles pourront réussir à optimiser leur base de coûts, mais aussi mieux allouer leurs ressources financières vers leurs segments de croissance, tout en réagissant plus efficacement face à l’érosion du RoE. Elles parviendront en outre à réduire le coût du service apporté aux consommateurs, ce qui est nécessaire pour faire progresser l’inclusion financière».

Les banques africaines n’ont pas le choix. Face à un environnement globalement difficile, elles doivent améliorer leur productivité, pour améliorer leur compétitivité et renforcer leur résilience, si elles souhaitent continuer à se développer et pouvoir tenir tête à la concurrence étrangère.

Par Moussa Diop
Le 06/01/2023 à 12h24