Union africaine: mode d’emploi d'une organisation simple en apparence

Siège de l'Union africaine à Addis-Abeba, en Ethiopie.

Siège de l'Union africaine à Addis-Abeba, en Ethiopie.. DR

Le 11/02/2017 à 11h20, mis à jour le 11/02/2017 à 23h29

Le Maroc vient de réintégrer l'Union africaine. Une institution dont le siège se trouve à Addis-Abeba, en Ethiopie et qui comprend plusieurs organes et de nombreux détachements. Explications sur les rôles, pouvoirs et fonctionnements de ces différentes entités.

Alors que l'Union africaine est appelée à jouer un rôle de plus en plus important dans la vie continentale, peu de citoyens du continent sont capables de répondre à certaines questions basiques mais non moins cruciales la concernant. Car, en réalité depuis qu’elle a changé de nom en 2002, elle s’inspire du modèle européen, avec les mêmes ambitions. Saviez-vous, par exemple que depuis le mois de janvier 2017, chaque Africain est enfin obligé de payer de sa poche un petit pécule qui se retrouvera dans les caisses de l’Union africaine?

En effet, en juillet dernier à Kigali, la conférence des chefs d’Etat a décidé de mettre en place une taxe de 0,2% sur les importations. Saviez-vous par exemple qu’à partir de 2028, verra le jour la Banque centrale africaine dont le siège sera installé à Lagos au Nigeria? Son objectif sera de mettre en place une monnaie unique africaine afin de faciliter et d’accélérer l’intégration des économies. Voilà deux exemples parmi tant d’autres indiquant qu’il est devenu crucial de savoir comment cette organisation fonctionne, de comprendre quels en sont les organes et de quels pouvoir ils disposent sur ses membres et sur les Africains.

On reproche à l'Union africaine sa bureaucratie et des lourdeurs que l'on retrouve généralement dans toutes les organisations de ce genre. En apparence, mais en apparence seulement, on pourrait identifier quatre principaux organes à savoir la Conférence des chefs d'Etat, le Conseil exécutif, la Commission et le Comité des représentants permanents. C'est la conférence des chefs d'Etat qui est capable de modifier l'Acte constitutif et qui prend les décisions les plus importantes. Pour l'heure, le Parlement de l'Union africaine n'a qu'un statut d'organe consultatif. Les quatres principaux organes possèdent, cependant, des détachements de toutes sortes, allant du groupe de travail de haut niveau à ses sous-comités divers et sous-conseils variés. 

La Conférence des chefs d’Etat : le Grand Manitou de l’UA

C’est l’organe suprême de l’Union africaine (UA). Composée des chefs d’État et de gouvernement (pour les pays dont l’exécutif est entre les mains d’un seul chef de gouvernement) de tous les Etats membres. C’est vraiment le Grand Manitou du continent. En quelque sorte c’est comme si le pouvoir exécutif et législatif se retrouvait entre les mains l’Exécutif. Car, non seulement elle définit les politiques de l’UA, fixe ses priorités, adopte son programme annuel et assure le contrôle de la mise en œuvre de ses politiques et décisions, mais elle élit tous les membres de la commission de l’UA, y compris le président. De plus, elle "amende l’Acte constitutif conformément aux procédures établies", nous indique le rapport détaillé produit par la Nouvelle-Zélande et expliquant le mode de fonctionnement.

Par exemple, l’Acte constitutif de l’Union ne prévoit pas d’exclusion d’un membre. C’est une règle que la Conférence des chefs d’Etat peut changer. Mais comme ses décisions sont prises soit par consensus soit avec les deux tiers des membres, il faut rassembler 37 membres pour y parvenir.

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De la même manière, la suspension d’un membre de l’Union africaine n’est prévue qu’en cas de coup d’Etat. Mais c’est une règle que la Conférence pourrait également faire évoluer toujours dans les mêmes conditions.

C’est aussi elle, qui accepte l’adhésion de nouveaux membres, adopte le budget de l’UA, prend des décisions sur les questions majeures concernant l’UA, interprète l’Acte constitutif, même si cette prérogative incombera à la Cour africaine de justice et des droits de l’Homme dès sa prise de fonction.

Enfin, les deux autres institutions majeures de l’UA que sont la Commission et le Conseil exécutif sont entièrement entre les mains de la Conférence des chefs d’Etat. C’est dire que rien ne peut se faire sans la Conférence des chefs d’Etat, mais que tout est possible avec elle, à condition d’avoir l’accord de 37 pays membres sur les 55 que comptent l’UA.

Par ailleurs, il faut noter que l’Union africaine est gouvernée en partie grâce à des comités ou groupes de haut niveau qui se penchent sur des questions particulières, comme le conflit libyen, la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU), le changement climatique, le commerce africain, etc. Et pour l’ensemble de ces groupes, c’est la Conférence des chefs d’Etat qui décide de la composition.

Le Conseil exécutif: les chefs de diplomatie pour seconder les chefs d'Etat

Même si le Conseil exécutif est l’organe qui regroupe les 55 ministres des Affaires étrangères de l’Union Africaine, il ne s’occupe pas que de diplomatie. En effet, il "assure la coordination et décide des politiques dans les domaines d’intérêt commun pour les États membres, examine les questions dont il est saisi et suit la mise en œuvre des politiques arrêtées par la Conférence des chefs d’Etat". C’est ce conseil qui procède à l’élection des commissaires qu’il propose ensuite pour leur nomination. C’est dire que son rôle est plus que déterminant et sa responsabilité très importante. Par exemple, sa responsabilité est pleinement engagée dans les irrégularités constatées au moment de l’élection des commissaires. Elle n’est pas non plus écartée concernant les soupçons évoqués çà et là concernant les achats de voix et les votes multiples.

Le Comité exécutif qui est présidé par le pays qui a la présidence en exercice se réunit au moins deux fois par an en session ordinaire. Et à l’image de la Conférence, il peut également se retrouver en session extraordinaire.

Bien sûr à l’instat des groupes de haut niveau de la Conférence, le Comité exécutif dispose également de sous-comités comme celui chargé de promouvoir les candidatures africaines dans les organisations internationales ou encore le sous-comité dédié à la ratification des traités de l’Union africaine.

Le Comité des représentants permanents (Corep): des ambassadeurs pas comme les autres

Il est évident qu’on ne peut pas gérer toutes les questions africaines grâce uniquement à deux conférences des chefs d’Etat et deux sessions ordinaires du Comité exécutif. Ces deux organes sont donc secondés par des représentants permanents des 55 pays membres, lesquels se retrouvent dans un comité (Corep) au moins une fois par mois. Ce Corep est ainsi l’organe consultatif au sein du Comité exécutif, auquel il doit rendre compte et à qui il fait des recommandations. C’est lui qui examine également le budget de l’Union africaine ou encore le rapport financier de la commission. C’est d’ailleurs pourquoi il dispose de sous-comités sur les questions budgétaires, sur l’audit ou encore sur les questions économiques et commerciales.

Le Corep se réunit au siège de l’UA, au moins une fois une fois par mois. Il peut également organiser des sessions extraordinaires. Le quorum est fixé aux deux tiers des Etats membres autorisés à voter.

La Commission de l’Union africaine: objet de toutes les convoitises

C’est le secrétariat de l’Union Africaine, mais il renferme les postes les plus convoités. La Commission est placée sous l’autorité et agit sous le mandat de la Conférence et du Comité exécutif. C’est dire qu’elle est loin de pouvoir agir comme bon lui semble, à l’image de ce que voulait faire Nkosazana Dlamini Zuma, la présidente que vient de remplacer le Tchadien Moussa Faki Mahat. Elle représente l’UA et défend ses intérêts. Elle élabore des propositions à soumettre aux deux organes supérieurs que sont la Conférence et le Comité exécutif. C’est également le dépositaire et le garant de l’Acte constitutif. La Commission doit également être en contact permanent avec les organes de l’Union africaine.

On retrouve dans cette Commission le président, le vice-président ainsi que huit autres commissaires des postes tous aussi convoités les uns que les autres. Et c’est de plus en plus le cas. Puisque dans la courte histoire de l’existence de l’Union africaine sous sa forme actuelle, à deux reprises, le poste de président de la Commission n’a pas pu être pourvu. Cela a été le cas en janvier 2012 où aucun des deux candidats d’alors n’avait réussi à obtenir les 2/3 des voix nécessaires. Finalement le mandat de Jean Ping a été prorogé jusqu’en juillet. Bis repetita en 2016. Les trois candidats en lice se sont retrouvés dans le même cas. S’il y a une réforme urgente à mener c’est celle de son mode de désignation.

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS): un département à part

Le Conseil de paix et de sécurité fait parti des organes décisionnels permanent de l’Union africaine et est l'un des 8 départements de la Commission de l'UA. Il regroupe les principaux mécanismes de l’institution panafricaine chargés de la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique. Il a pour objectif la prévention, la gestion et le règlement des conflits.

Le CPS est en session permanente et tous les membres du CPS doivent avoir, en tout temps, un représentant au siège de l’UA.

Les décisions du CPS se fondent sur le principe du consensus. Toutefois, à défaut de consensus, les décisions sur les questions de procédures sont prises à la majorité simple, alors que celles relatives à des questions de fond sont prises à la majorité des deux tiers.

UA. Commission paix et sécurité: Alger a encore acheté des voix

Cette commission a été dirigée depuis sa création par l’Algérie. C’est elle qui gère le dossier du Sahara marocain. Ce qui fait que le voisin de l’Est n’a jamais voulu se départir du poste de Commissaire du CPS. D’ailleurs, pour l’élection du 30 janvier passé, le Nigeria a usé de tous les moyens possibles pour arracher le poste à l’Algérie. Toutefois, cette dernière a eu recours à des moyens illégaux dont des achats de voix pour conserver le poste.

Le Parlement panafricain: un organe consultatif

C’est l’un des neuf organes prévus par le Traité instituant la Communauté économique africaine (le Traité d’Abuja) et dont le siège se trouve en Afrique du Sud.

Il vise à assurer la pleine participation des peuples africains au développement et à l’intégration économique du continent. L’objectif de cette institution est de servir de plateforme impliquant indirectement les Africains dans les débats et les prises de décision sur des problèmes et des défis auxquels le continent est confronté.

Les parlementaires siégeant au Parlement panafricain sont élus par les parlements nationaux des Etats membres. Chaque Etat y est représenté par 5 parlementaires dont obligatoirement une femme.

Si actuellement le Parlement panafricain a un rôle purement consultatif, l’objectif à terme, à l’instar du Parlement européen, est de le doter des pleins pouvoirs législatifs avec des membres élus au suffrage universel direct. Le Maroc qui vient d’intégrer l’Union africaine va intégrer ces différentes structures et pourra se présenter aux élections prochaines des différentes commissions.

Compte tenu de ces différentes structures, le Maroc qui vient de réintégrer l'Union africaine doit disposer d’une équipe au niveau du siège de l'institution panafricaine avec des profils pointus pour mener à bien les batailles qui s’annoncent, vu les hostilités remarquées de certains pays pour tout ce qui touche à l’intégrité territoriale du royaume.

C’est dire qu’après avoir acté son retour, c’est une véritable «Dream Team» que le Maroc est appelé à dépêcher à Addis-Abeba avec à sa tête le Chef de la mission permanente du Maroc à l’Union africaine. Le futur lauréat du poste doit être un fin connaisseur du dossier du Sahara marocain, de l’Afrique et des rouages de la diplomatie au niveau du continent. Cette équipe devra comprendre des diplomates, des experts, des juristes et des cadres de haut niveau.

En attendant, c'est Nezha Alaoui M'Hammdi, ambassadrice du Maroc à Addis-Abeba qui est la représentate permanente du royaume dau sein de l'Union africaine. 

Elle connait très bien les dossiers et l'Afrique pour avoir occupé le poste de Chef de division de la coopération bilatérale des Affaires africaines en 2009 et de faire partie de l'équipe en charge de la nouvelle politique africaine de Mohammed VI. Ensuite, elle a été ambassadrice du Maroc au Ghana, couvrant également le Bénin et le Togo avant d'occuper le poste stratégique d'ambassadrice du royaume en Ethiopie et Djibouti.

Enfin, le Maroc doit également nommer 5 parlementaires, dont une femme, qui le représenteront au Parlement panafricain qui siège en Afrique du Sud. 

Union Africaine Guide de Fonctionnement by Mar Bassine Ndiaye on Scribd

Par Mar Bassin Ndiaye et Moussa Diop
Le 11/02/2017 à 11h20, mis à jour le 11/02/2017 à 23h29