Marchés: les raisons de la flambée inquiétante des cours des produits alimentaires

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Le 22/11/2021 à 16h20, mis à jour le 22/11/2021 à 16h21

Les prix de nombreux produits alimentaires flambent. L’indice de l’Organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a atteint en octobre des niveaux jamais vus depuis 10 ans, avec une augmentation de 33,3%, entraînant des hausses des prix qui impactent les populations africaines.

Les prix des céréales, du lait, de la viande, des oléagineux… flambent sur le marché mondial. Une situation qui est fortement ressentie au niveau des paniers des ménagères africaines du fait que les pays du continent sont très dépendants des importations alimentaires.

Selon l’Organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), les prix alimentaires mondiaux sont arrivés à des niveaux jamais atteints depuis juillet 2011. Et selon l’indice des prix de l’institution onusienne, à fin octobre, celui-ci s’est établi à 133,3 points en moyenne, enregistrant sa plus forte augmentation depuis juillet 2011. Ainsi, sur un an, la hausse est de 31,3%, selon la FAO. Et cette hausse est très inégalitaire et touche particulièrement certains produits de grandes consommation: blé, huiles, sucre, farine…

Parmi les hausses les plus importantes figurent celle des oléagineux dont l’indice s’est établi à 184,8 points, en glissement annuel, soit le plus haut jamais enregistré, et qui s’explique par l’affermissement des prix des huiles de palme, de soja, de tournesol et de colza. Ainsi, les consommateurs africains le ressentent sur les tarifs des huiles de table.

De même, l’indice des prix des céréales s’est établi à 137,1 points en moyenne à cause de l’augmentation des cours de toutes les principales céréales (blé, orge, maïs, riz…), et ce malgré les prévisions tablant sur un record historique de la production céréalière, notamment du maïs et du riz. Ainsi, le cours du blé a enregistré en octobre dernier son cinquième mois de hausse consécutif affichant une progression de 38,5% sur un an, atteignant son plus haut niveau depuis novembre 2012. Cela s'explique par les tensions sur l’offre en raison «de récoltes réduites dans les principaux pays exportateurs, notamment le Canada, les Etats-Unis et la Russie», selon la FAO. Sur le marché européen, malgré une légère baisse ces dernier jours, dans le sillage de la hausse du dollar et de la baisse du cours du baril de pétrole, la tonne de blé tendre s’échange contre 307 euros.

De même, les produits laitiers connaissent des hausses exceptionnelles avec un indice des prix des produits laitiers qui s’est situé en moyenne à 120,7 points en octobre, suite à la hausse des cours internationaux du beurre, du lait entier en poudre en liaison avec la forte demande mondiale à l’importation.

Idem pour le sucre dont le cours est resté supérieur de 40% des niveaux enregistrés une année auparavant, et qui s’échange actuellement autour de 524 dollars la tonne.

Ces hausses impactent négativement les populations des pays en développement, notamment ceux du continent africain disposant de faibles revenus. Les manifestations contre la vie chère se multiplient étouffées par les dirigeants politiques qui mettent en place des mesures visant à atténuer ces hausses via notamment des ventes de produits alimentaires à des prix subventionnés et les baisses des droits de douane afin de pousser les importateurs à ne pas répercuter la totalité de la hausse des cours sur le consommateur final.

En outre, ces hausses interviennent dans des contextes difficiles pour les pays africains, grands importateurs de produits alimentaires.

Bon an mal an, le continent africain, en dépit des potentialités exceptionnelles de production agricole, importe entre 70 et 80 milliards de dollars en produits alimentaires, avec un déficit commercial de la balance alimentaire autour de 18 milliards de dollars. Un déficit qui devrait se creuser à hauteur de 30 milliards de dollars avant la fin de cette décennie. Or, les finances publiques des pays du continent sont durement affectées par les effets de la crise sanitaire pour supporter de nouvelles charges de subventions des produits alimentaires importés.

Ensuite, elles interviennent dans un contexte où de nombreux Etats pensent à éliminer les subventions sur les principaux produits alimentaires de base : farine, sucre, huile… C’est le cas de l’Algérie qui consacre entre 8 et 10 milliards de dollars aux importations alimentaires, notamment aux céréales (d’environ 2,5 milliards de dollars) et au lait (1,2 milliard de dollars). Des mesures nécessaires pour atténuer les déficits budgétaires structurels de certains pays, mais qui se traduira inéluctablement par une flambée des prix des produits qui ne seront plus subventionnés.

Les raisons de la hausse des prix des produits alimentaires sont nombreuses et s’inscrivent sur la durée. D’abord, il y a l’effet climatique avec de fortes sécheresses en Amérique du Nord et au Brésil qui pèsent sur les productions de certains pays entraînant la diminution des disponibilités mondiales de certains produits dont le blé.

Ensuite, il y a l’impact de la forte augmentation du prix des engrais. A titre d’exemple, le produit phosphaté DAP a dépassé la barre des 820 dollars la tonne, soit près de 5 fois le prix du phosphate brut avec un impact inflationniste sur les produits alimentaires, notamment les céréales, utilisant les engrais. Les flambées du cours du pétrole et surtout du gaz et de certains dérivés du pétrole (ammoniac) qui entrent dans la production des engrais expliquent en partie l’origine de la flambée des cours des engrais.

En outre, il y a l’effet de la forte demande mondiale de produits alimentaires par certains pays pour reconstituer leurs stocks qui ont baissé en 2020 dans le sillage de la pandémie du Covid-19.

Enfin, il y a l’impact des coûts énergétiques (pétrole, gaz, éthanol, fuel…) sur la production et le transport des produits alimentaires.

Ainsi, cette nouvelle flambée des prix des produits alimentaires montre une fois de plus la nécessité de prioriser les politiques agricoles au niveau du continent. Avec plus de 60% des terres agricoles arables non exploitées, le continent dispose d’importantes réserves foncières à exploiter intelligemment pour assurer la sécurité alimentaire du continent et réduire sa dépendance alimentaire et donc mieux équilibrer les balances commerciales de nombreux pays du continent impactés par les importations de denrées alimentaires. 

Par Moussa Diop
Le 22/11/2021 à 16h20, mis à jour le 22/11/2021 à 16h21