Avec 95% de la flotte des compagnies aériennes africaines cloués au sol à cause de la crise du coronavirus, les compagnies de transport africain se sont engagées dans des zones de turbulence dont certaines ne sortiront pas indemnes.
Ainsi, confrontés structurellement à des difficultés de trésorerie, bien avant le déclenchement de la pandémie, la quasi-totalité des transporteurs aériens sont dans la tourmente. Et pour cause, les experts de l’IATA estiment à seulement deux mois leurs réserves de liquidités moyennes, pour une crise qui dure depuis plus de 4 mois et qui ne devrait pas s’estomper de sitôt.
Du coup, les pertes de revenus sont colossales. Selon l’Association africaine des compagnies aériennes (AFRAA), les compagnies pourraient accuser une perte de chiffre d’affaires estimée à 8,1 milliards de dollars en 2020.
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Toutes seront affectées et beaucoup seront en faillite. C’est déjà le cas pour SA Express d’Afrique du Sud qui a été mis en liquidation provisoire après 26 ans d’existence. Air Namibia, fondée en 1946, risque de suivre le même chemin, alors qu’Air Mauritius est placée en redressement judiciaire.
Et l’horizon bouché sur la reprise du trafic mondial n’offre que peu de perspectives aux transporteurs dans les mois à venir.
La survie de nombreuses compagnies aériennes du continent dépendra de la volonté des Etats à les soutenir. Ce qui n’est pas une chose acquise pour des pays qui doivent faire face à la crise sanitaire et aux dépenses budgétaires complémentaires occasionnées par la pandémie.
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En conséquence, le salut de plusieurs transporteurs du continent dépendra de programmes douloureux de restructuration.
Les recettes sont partout, ou presque, les mêmes: licenciements massifs, départs volontaires, cession d’avions et d’actifs et parfois nationalisation pour les compagnies qui ne sont pas totalement publiques. Et ce sont presque toutes les compagnies du continent qui sont concernées par ces restructurations.
South African Airways: licenciement massif et importante cession d’appareils
C’est le cas de South African Airways, l’ancien fleuron du transport aérien africain, en quasi-faillite après une décennie de crise aiguë. La compagnie devrait être cédée au privé pour la sortir de la crise structurelle dans laquelle elle est plongée. Elle devrait licencier 2.700 travailleurs, suite à un accord négocié entre le ministère des Entreprises publiques et les syndicats du transporteur, excepté ceux des pilotes qui avaient accepté un plan de départ volontaire. Ainsi, avec ces licenciements, seuls 1.000 employés seront maintenus.
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Pour ces licenciements, les indemnités de départ sont évaluées à 2.277 milliards de rands, soit 134 millions de dollars, dont 1,96 milliard de rands (70,4 millions de dollars) iront au corps des pilotes.
Toutefois, les parties ont prévu «un plan social et un programme de développement des compétences» sur une période de 12 mois au profit des personnes qui ont été licenciées.
Outre les licenciements, la compagnie va aussi réduire fortement sa voilure en ramenant sa flotte à seulement 6 avions, entre le second semestre 2020 et le premier trimestre 2021. Ensuite, en cas de succès de l’opération de restructuration, la compagnie densifiera sa flotte avec de 19 appareils à fuselage étroit et 7 gros porteurs à fin 2021 pour porter sa flotte à 26 appareils à fin 2021 pour un total de 2.900 employés.
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Reste que malgré ce plan de restructuration, la compagnie aérienne sud-africaine ne devrait pas renouer rapidement avec les bénéfices, après 10 ans de pertes consécutives. Selon les prévisions établies, la compagnie devrait perdre 349 millions de dollars au cours des trois prochaines années de redressement.
Et pour sauver la compagnie, après ce plan de restructuration, une réunion des créanciers est prévue le 14 juillet pour entériner un plan de sauvetage de la compagnie.
Royal Air Maroc: départ volontaire et forte réduction de la flotte
Afin de maintenir le cap, Royal Air Maroc met en place un plan de redressement drastique avec à la clé une réduction importante des effectifs et de la flotte.
Du côté des effectifs, la compagnie marocaine annonce une suppression de 858 postes dont 180 pilotes et 500 PNC (Personnel navigant commercial).
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Toutefois, la compagnie marocaine a négocié un plan de départ volontaire avec les syndicats. Celui-ci est proposé au personnel âgé de 56 ans avec 15 ans d’ancienneté. Mais si les départs volontaires n’atteignent pas le nombre de postes à supprimer, ce qui serait certainement le cas, la direction va envisager des licenciements pour atteindre la suppression des 858 postes jugés nécessaires dans le cadre du plan de restructuration.
Outre cela, Royal Air Maroc envisage aussi de réduire la voilure de sa flotte, en cédant 20 appareils sur une flotte totale de 59 avions.
Selon les données de l’IATA, la compagnie marocaine devrait perdre 5 millions de passagers en 2020 et 720 millions de dollars en revenus.
Kenya Airways : nationalisation, licenciement et réduction de la flotte
A l’instar de South African Airways, Kenyan Airlines affiche des pertes depuis 8 années consécutives. Ainsi, le Covid-19 est venu donner un coup fatal à une compagnie en difficulté financière. Pour l’exercice en cours, la compagnie devrait perdre entre 42 et 53 milliards de shillings (400 à 500 millions de dollars) de revenus, à cause d’une baisse estimée à 50% de la demande.
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Face à la crise aiguë, l’Etat kényan, qui détient 22% du capital de la compagnie, a décidé de nationaliser le transporteur qui devra également suivre une cure d’amaigrissement notable pour faire face à la crise. Il est ainsi prévu une réduction du réseau, la vente d’actifs et des licenciements du personnel dans le cadre d’un processus de rationalisation progressive du personnel.
Pour le moment, Kenyan Airways qui emploie 3.734 salariés pour une masse salariale de 13,5 milliards de shillings (127 millions de dollars), soit 11% des coûts d’exploitation totaux de la compagnie, n’a pas arrêté des chiffres définitifs sur la restructuration à mener.
Reste que toutes les compagnies africaines ont adopté presque les mêmes recettes: licenciements, départs volontaires, vente d’appareils, etc. Dans une conjoncture aussi difficile pour le secteur aéronautique mondial, la cession des avions équivaut actuellement à les brader.
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Mais les transporteurs n’ont pas le choix. L’entretien d’un avion qui n’est pas exploité coûte très cher et ils manquent de visibilité quant à la reprise réelle du secteur, sachant que pour certains experts, il faudra au moins 3 ans pour retrouver une situation identique à celle d’avant le Covid-19.
D’ici là, il ne faut pas exclure une profonde restructuration de toute l’aéronautique africaine, avec à la clé l’arrivée de nouveaux acteurs, asiatiques notamment, disposant de grandes assises financières à même de sauver certaines compagnies structurellement en crise.