La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a récemment publié son rapport annuel sur les investissements directs étrangers (IDE) dans le monde. Il en ressort que la reprise de ces investissements est une réalité au niveau mondial, avec des flux qui ont dépassé ceux d’avant la crise sanitaire du Covid-19. En 2021, ces flux ont atteint 1.582 milliards de dollars, contre 963 milliards de dollars en 2020 et 1.481 milliards de dollars en 2019. Cette hausse s’explique surtout par la reprise de l’économie mondiale et l’effet de rattrapage après les reports de nombreux projets d’investissement en raison des incertitudes liées à la crise sanitaire et les perspectives qu’elle a fait peser sur l’économie mondiale.
L'Afrique en particulier a affiché une forte hausse de 113% des flux d’IDE avec un volume qui a atteint 83 milliards de dollars, contre 39 milliards en 2020 et 46 milliards en 2019. Le continent a ainsi attiré 5,2% du volume mondial l'année dernière. Mais, cette forte hausse est à relativiser, car environ 45% du total de ces IDE est lié à une seule transaction financière intra-entreprise en Afrique du Sud. En dehors de cette opération exceptionnelle, la croissance des flux d’IDE destinés au continent ressort à 17% comparativement à 2020, année pourtant marquée par une chute à cause de la crise sanitaire. Ce flux serait même identique à celui de 2019, soit 46 milliards de dollars.
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Les flux d'IDE à destination de l'Afrique ont principalement concerné un nombre réduit de pays, les 10 premiers bénéficiares concentrant à eux seuls 87,50% du montant global. Par région, grâce à cette transaction financière sud-africaine, les flux à destination de l’Afrique subsaharienne ont augmenté de 149,66% à 73,65 milliards de dollars. A contrario, en Afrique du Nord, les flux d’IDE ont baissé de 5% pour s’établir à 9,3 milliards de dollars. Une baisse principalement due à la contreperformance de l’Egypte dont les flux ont baissé de 12%.
Par pays, c’est l’Afrique du Sud qui a chipé la première place à l’Egypte avec un flux de 40,90 milliards de dollars, contre 3,06 milliards de dollars lors du précédent exercice. Toutefois, il est utile de préciser que l’essentiel des flux porte sur un échange d’actions entre Naspers et sa filiale Prosus. L’Afrique du Sud a aussi connu d’autres investissements étrangers dans les domaines des énergies renouvelables pour un montant global de 4,6 milliards de dollars, ainsi que la construction par la société américaine Vantage Data Centers de son premier site sur le continent avec un investissement de 1 milliard de dollars.
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Vient ensuite l’Egypte, dont le flux des IDE a baissé de 12% en 2021, par rapport à l’année précédente, pour s’établir à 5,12 milliards de dollars. Il faut souligner que 2020 avait connu d’importants investissements étrangers dans les industries extractives et d’exploration pétrolière et gazière qui ne sont pas reproduits l’année dernière. Néanmoins, le pays des pharaons pourrait, dès cette année, retrouver sa place de leader des bénéficiaires d’IDE du continent grâce aux nombreuses promesses d’investissement des pays du Golfe qui disposent de matelas financiers importants grâce à la forte reprise des cours pétroliers et qui se sont engagés à investir quelques 22 milliards de dollars dans divers secteurs de l’économie égyptienne dans les années à venir. Parmi les projets phares annoncés figure celui du groupe émirati Reportage Properties pour la réalisation d’un projet immobilier de 1,5 milliard de dollars.
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Juste derrière l’Egypte, le Mozambique continue à attirer les investisseurs étrangers avec un flux de 5,10 milliards de dollars en 2021, en hausse de 68% par rapport à l'année précédente. Outre les investissements dans le secteur gazier, dont il est en voie de devenir un géant, le pays attire des investissements dans d’autres secteurs liés à l’énergie. Notamment, l’entreprise britannique Globeleq Generation va construire des centrales électriques pour 2 milliards de dollars.
Le Nigeria, première puissance économique et premier producteur de pétrole du continent, continue d’attirer les investisseurs étrangers. Le pays a attiré 4,8 milliards de dollars d’IDE, tirant profit de la recrudescence des investissements des majors pétroliers. Une tendance qui devrait se confirmer cette année et durant les années à venir dans le contexte actuel marqué par des changements au niveau de la géopolitique énergétique mondiale, au moment où les pays occidentaux ont décidé de se passer des hydrocarbures (pétrole et gaz) russes. Ainsi, plusieurs pays européens cherchent de nouveaux fournisseurs de gaz au niveau du continent, et le Nigeria figure parmi les pays ciblés.
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En plus des hydrocarbures, le Nigeria attire aussi des investissements dans les infrastructures. Par exemple, Mercury Maritime Concession Company (MMCC) a investi 2,9 milliards de dollars à Escravos pour réaliser un port en eau profonde et contribuer à décongestionner les ports de Lagos dans le Delta. Dans le détail, le projet Escravos Seaport inclut la construction d’un complexe industriel avec une raffinerie, un aéroport, une zone industrielle et une zone franche. D'autres important projets dans l’immobilier résidentiel et le commercial sont également annoncés.
L’Ethiopie aussi continue à attirer les IDE, notamment chinois, qui ont triplé en 2021 pour atteindre 4,3 milliards de dollars. Il faut dire que l’Ethiopie est une plaque centrale de l’initiative chinoise «La Ceinture et la Route». Outre les investisseurs chinois, qui délocalisent en Ethiopie une partie de leurs industries pour bénéficier d’une main-d’œuvre abondante et très bon marché, d’autres investisseurs du Golfe s’intéressent également au pays qui figure parmi les plus dynamiques du continent. C’est le cas des Emiratis qui investissent dans le secteur énergétique avec le projet solaire Masdar de 500 MW d’Abu Dhabi Future Energy.
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En 6e position des grands bénéficiaires des IDE à destination de l’Afrique, le Congo a attiré des investissements en hausse de 8% à 3,7 milliards de dollars, et ce, dans plusieurs secteurs, notamment le pétrolier. Le Ghana (+37,40% à 2,61 milliards de dollars), le Sénégal (+20,54% à 2,23 milliards de dollars), le Maroc (+51,41% à 2,15 milliards de dollars) et la RDC (+13,33% à 1,87 milliard) complètent ce top 10.
Top 10 des bénéficiaires des flux d'IDE en Afrique
Pays | IDE en 2021 (milliards de dollars) | IDE en 2020 (milliards de dollars) | Var (%) |
Afrique du Sud | 40,9 | 3,06 | 1236,60% |
Egypte | 5,12 | 5,85 | -12% |
Mozambique | 5,1 | 3,03 | 68% |
Nigeria | 4,84 | 2,38 | 103,36% |
Ethiopie | 4,26 | 2,3 | 85,22% |
Congo | 3,69 | 4,02 | -8% |
Ghana | 2,61 | 1,9 | 37,40% |
Sénégal | 2,23 | 1,85 | 20,54% |
Maroc | 2,15 | 1,42 | 51,41% |
RD Congo | 1,87 | 1,65 | 13,33% |
Le Ghana a vu ses flux d’IDE croitre de 37,40% pour atteindre 2,61 milliards de dollars, tirés par les projets industriels, dont la construction d’une unité d’extraction d’or de 850 millions de dollars par Newmont Corp des Etats-Unis et la construction d’une cimenterie par le marocain Ciment d’Afrique pour un investissement de 436 millions de dollars. Pour le Sénégal, il s’agit surtout d’investissements liés au secteur des hydrocarbures, le pays devant intégrer dès l’année prochaine le cercle des producteurs de pétrole et de gaz.
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Enfin, concernant le Maroc, les flux d’IDE ont augmenté de 51,41% pour atteindre 2,15 milliards de dollars, contre 1,5 milliard de dollars en 2020. Le royaume continue d’attirer des investissements dans l’industrie, notamment l’automobile. Et il pourrait améliorer ses flux d’IDE dans les années à venir grâce à de nombreux projets dans le pipe, dont celui colossal de la réalisation d’une ligne de transmission électrique de 3.800 km devant relier le Maroc au Royaume-Uni et dotée d’une capacité de 3,6 GW, mené par le britannique Xlinks.