L’Afrique se déconfine et rouvre ses frontières. Timidement toutefois, car la pandémie du Covid-19 est loin d’y avoir atteint son pic, comme l’atteste la forte progression des contaminations depuis l’enclenchement des processus de déconfinement un peu partout sur le continent. Etat de fait qui incite à la prudence.
Au cours du mois de juillet, la levée progressive des mesures de confinement dans plusieurs pays à travers le monde s’est accompagnée d’une recrudescence inquiétante des contagions. Ainsi, en l’espace d’un mois, le nombre de cas positifs en Afrique a plus que doublé. On est passé de 482.828 personnes officiellement affectées le 5 juillet dernier à 980.171 cas, ce matin, mercredi 5 août, ce qui représente quasiment 500.000 cas enregistrés en un mois.
Nonobstant, les pays africains ne comptent pas revenir au confinement, dont les conséquences ont été globalement catastrophiques pour leurs économies et sources de tensions dans plusieurs pays, sachant que 70% de la population y vivent de l’informel.
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L'Afrique est le continent le moins affecté par la pandémie, après l'Océanie, et le Covid-19 y a fait moins de victimes que partout ailleurs, avec un peu plus de 21.200 morts à ce mercredi 5 août. Mais le mot d’ordre est désormais qu'«il faut apprendre à vivre avec le coronavirus», en respectant certaines mesures sanitaires: port du masque, distanciations sociales, lavage des mains, etc. Des mesures qui sont d’ailleurs de moins en moins respectées par les populations.
En conséquence, hormis de rares cas de reconfinement partiel de quelques villes ou régions dans certains pays (Algérie, Afrique du Sud, etc.), les États préfèrent poursuivre leurs processus de déconfinement et surtout ouvrir leurs frontières au reste du monde afin de redynamiser leurs économies. N'oublions pas que les secteurs liés au tourisme sont stratégiques pour de nombreux pays.
Chacun agit selon son propre calendrier. Déjà, la Zambie, la Tunisie, la Tanzanie, le Rwanda, l’Egypte et le Kenya ont rouvert leurs frontières internationales pour accueillir des touristes étrangers et relancer un secteur clé de leurs économies.
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Au Rwanda, les revenus du tourisme en 2020 devraient très fortement baisser. «Notre estimation approximative est que les revenus du tourisme en 2020 vont diminuer de 50 à 70%», a ainsi souligné Clare Akamanzi, directrice générale du Conseil de développement du Rwanda. Tout dépendra de la capacité du pays à attirer des touristes durant les cinq derniers mois de l’année, sachant que le Rwanda est le seul pays d’Afrique subsaharienne dont les ressortissants peuvent accéder à l’espace Schengen sans condition. Le Rwanda a attiré en 2019 un peu plus de 1,63 million de touristes venus surtout voir les gorilles des montagnes qui sont l’attraction touristique majeure du pays et qui ont rapporté environ 500 millions de dollars de recettes.
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L'île Maurice et les Seychelles, deux destinations balnéaires très prisées, ont elles aussi mis fin au confinement pour accueillir des touristes et relancer leurs économies très dépendantes de la manne touristique. Toutefois, les Seychelles ne misent désormais que sur les touristes «haut de gamme», ceux qui ont la possibilité de voyager en jets privés ou vols affrétés et qui se dirigent directement vers les sites touristiques sans entrer en contact avec les populations locales.
Le mouvement d'ouverture s’est accéléré depuis le 1er août date à laquelle plusieurs pays ont annoncé la réouverture de leurs espaces aériens.
C’est le cas notamment des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Treize d'entre eux ont rouvert leurs frontières. En juin, la Commission de la CEDEAO avait recommandé une «ouverture coordonnée et progressive des frontières», afin de relancer les économies des pays de la région.
Seuls le Nigeria, troisième pays le plus touché par la pandémie et le plus peuplé du continent, et le Ghana ont préféré maintenir leurs frontières fermées. Le Ghana envisage toutefois de rouvrir ses frontières à partir du 13 août courant.
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A l’heure actuelle, ce sont plus d’une vingtaine de pays africains qui ont rouvert leurs frontières.
Reste qu’entre les annonces et la réalité du terrain, il y a un fossé énorme. La nouvelle vague de contaminations un peu partout dans le monde incite les Etats à une certaine prudence.
Ainsi, même ceux qui ont ouvert leurs frontières n'excluent pas de faire machine arrière, en fonction de l’évolution de la pandémie. C’est le cas du Kenya qui a ouvert son espace aérien le 1er août. «Au cours des 21 prochains jours, nous étudierons les schémas d’interactions et la propagation de la maladie. Si nous observons une aggravation de la pandémie, nous n’aurons d’autre choix que de revenir au verrouillage», a déclaré le président kenyan Uhuru Kenyatta.
Du coup, les annonces de réouverture des frontières ne sont pas suivies d’effets, et ce pour plusieurs raisons.
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D’abord, plusieurs pays africains refusent pour le moment d’accueillir des transporteurs internationaux comme Air France, Brussels Airlines, British Airways, Turkish Airlines et Emirates. Or, ce sont ces compagnies qui sont à l’origine du plus grand flux de voyageurs étrangers vers le continent africain.
Ensuite, même quand les espaces aériens leur sont ouverts, les touristes sont souvent découragés par les mises à l'isolement de 14 jours exigées par de nombreux pays.
L'obligation de se soumettre à un test PCR fait également reculer de nombreux touristes et les voyageurs locaux. En effet, dans certains pays, le coût du test est handicapant. Il faut débourser entre 500 et 700 dirhams (43 et 62 euros) au Maroc, 15.000 ouguiyas (36 euros) en Mauritanie, 35.000 francs CFA au Mali, 40.000 francs CFA (76 euros) au Sénégal et au Togo, etc. Et, parfois, les conditions ne permettent pas d'obtenir les résultats des tests dans le délai de 72 heures avant le vol. Ce que certains pays de destination exigent.
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Au Rwanda, par exemple, toute personne est obligée de produire un test TR-PCR négatif effectué 72 heures avant son arrivée sur le territoire rwandais. Et une fois sur place, le voyageur doit rester dans son hôtel durant 24 heures en attendant les résultats d’un second test PCR effectué au Rwanda. Enfin, pour visiter les parcs nationaux du pays et admirer les gorilles, il faut être muni des résultats d’un test négatif au Covid-19 ne dépassant pas 48 heures.
La Tunisie est l’un des rares pays du continent à avoir levé toutes restrictions à l’accueil des voyageurs des pays européens figurant sur sa liste verte (Français, Espagnols, Allemands, Anglais, Italiens, etc.). Et ce dans le but de relancer son tourisme. Ceux-ci peuvent circuler librement sans présenter de test Covid-19 à leur arrivée sur le territoire tunisien. Cela est valable pour les ressortissants d’environ 80 pays du monde.
Et en dépit de cela, le pays n’arrive pas à attirer grand monde. Pire, le pays qui avait presque vaincu le Covid-19 fait face à une recrudescence des contaminations.
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Enfin, les effets de ces réouvertures de frontières sont limités par la persistance des fermetures de celles de nombreux autres pays qu'ils soient africains ou, surtout, européens et asiatiques.
Cette réouverture demeure donc globalement timide sur le continent, où plus de 30 pays maintiennent encore leurs frontières fermées. Du coup, les voyages ne reprennent que très timidement au niveau du continent.
C’est le cas de l’Algérie, du Maroc et de la quasi-totalité des pays d’Afrique centrale et australe. Leurs réouvertures des frontières, limitées, ne visent qu’à rapatrier les ressortissants et les résidents bloqués à l'extérieur de chez eux. Ainsi au Maroc, seuls les Marocains et les étrangers résidant dans le pays sont autorisés à y revenir depuis le 14 juillet.