G5 Sahel. Financement: le compte n’est pas bon

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Le 03/07/2017 à 13h12, mis à jour le 03/07/2017 à 14h08

Les pays du G5 Sahel ont mis la main à la poche pour enclencher le financement de leur force antiterroriste conjointe. Toutefois, le compte est loin d’être bon. L’apport de Paris est décevant et l’argent, le nerf de la guerre, risque d’être le talon d’Achille de cette force régionale.

La mise en place de la force conjointe du G5 Sahel coûte cher. Le président tchadien avait même menacé de ne pas contribuer à cette force du fait que son pays a supporté «seul» la lutte contre le terrorisme en déboursant sur «ses propres ressources plus de 300 milliards de francs CFA (457 millions d’euros)», et ce «sans un soutien quelconque de l’extérieur». Le Tchad dispose d’un contingent de 1.400 soldats au Mali, et autant au Niger et Nigeria pour combattre Boko Haram.

Le message d’Idriss Déby Itno était clair, le Tchad ne compte pas poursuivre cette politique en supportant le coût de la lutte contre le terrorisme alors qu’il fait face à une crise économique aiguë consécutive à la chute du cours du baril de pétrole. Le président tchadien est allé jusqu’à menacer de se retirer des opérations de lutte contre le terrorisme. «Tout cela coûte excessivement cher et si rien n’est fait, le Tchad sera malheureusement dans l’obligation de se retirer», avait-il menacé.

Bref, la lutte contre le terrorisme au Sahel coûte cher. C’est la raison pour laquelle la France avait souhaité avoir la bénédiction du Conseil de sécurité et par ricochet obtenir le financement des Nations Unies. C’était sans compter sur l’intransigeance des Américains de l’ère Trump qui s’y sont opposés catégoriquement en n'acceptant qu’une simple résolution édulcorée, et donc aucune contribution financière des Nations Unies.

Du coup, se pose le problème du financement de cette force qui doit coûter 423 millions de dollars. Face à cette situation, les pays du G5 Sahel –Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad- se sont engagés chacun sur un apport initial de 10 millions d’euros. Ce montant viendra ainsi s’ajouter aux 50 millions d’euros promis par l’Union européenne. La France a promis aussi une aide matérielle, avec 70 véhicules et du matériel de transmission, pour un montant estimé à 8 millions d’euros. Une misère diront certains, sachant que Paris est en quelque sorte le parrain de cette lutte, car responsable, aux yeux des Africains et de certains dirigeants comme le président tchadien, du chaos libyen, lui-même grandement à l’origine de la situation catastrophique d’insécurité qui prévaut au Sahel.

En clair, si ces contributions financières peuvent enclencher la mise en place de la force conjointe du G5 Sahel, il est clair qu’on est loin du compte, très loin même.

En conséquence, il faudra rapidement chercher d’autres sources afin que cette force puisse vraiment être opérationnelle en septembre-octobre et surtout remplir convenablement son rôle de traque des groupes terroristes. Dans ce contexte, la France table sur l’organisation d’une conférence de donateurs et sur un apport de l’Allemagne.

Rappelons que pour démarrer, cette force conjointe devrait compter 5.000 hommes et sera déployée dans les zones où les terroristes semblent être bien implantés et plus actifs: au centre du Mali et au niveau des frontières Mali-Niger et Mali-Burkina Faso.

Au delà du financement qui risque fortement de causer un problème au fonctionnement de cette force, surtout si son engagement s’inscrit dans la durée, on se demande quel sera vraiment l’impact de cette force. En effet, malgré la présence des armées malienne, française et de la Minusma –Mission intégrée des Nations-Unies au Mali-, l’insécurité ne faiblit pas au Mali.

Et beaucoup d’observateurs sont sceptiques quant à l’impact réel que pourrait avoir cette force au niveau de la lutte contre le terrorisme. Si les forces françaises, parmi les mieux équipées et entrainées du monde, n’ont pas pu réduire au silence les terroristes, il sera difficile aux 5.000 éléments du G5 Sahel de faire mieux.

Ainsi, conscient que le terrorisme se nourrit aussi de la pauvreté, et afin de répondre aux menaces du président tchadien, le président français a aussi annoncé une augmentation de l’aide au développement au Sahel avec une rallonge de 200 millions d’euros sur 5 ans via l’Agence française de développement (AFD).

Par Kofi Gabriel
Le 03/07/2017 à 13h12, mis à jour le 03/07/2017 à 14h08