Sénégal: le parti présidentiel au bord de l’implosion à cause de l’ex-président du Parlement de la Cédéao

Moustapha Cisse Lo
Moustapha Cisse Lo. DR
Le 07/07/2020 à 08h02, mis à jour le 07/07/2020 à 14h47

Le parti présidentiel vient de décider l’exclusion de Moustapha Cissé Lô, vice-président de l’Assemblée nationale sénégalaise. Il est coupable d’avoir tenu des propos injurieux contre plusieurs hauts responsables.

Depuis la semaine dernière, circule sur les réseaux sociaux un enregistrement sonore dans lequel beaucoup ont clairement identifié la voix de Moustapha Cissé Lô, vice-président du Parlement et ex-président du Parlement de la Cédéao. Le personnage atypique, surnommé "El Pistolero" pour son caractère fougueux et sa gâchette facile, y tient un langage de charretier. En l’espace de quelques minutes, il a professé au moins une vingtaine d’insultes évoquant clairement en wolof les parties intimes des parents des personnes à qui il s’adresse, en l’occurrence Yakham Mbaye et Farba Ngom, respectivement directeur général du journal Le Soleil et maire des Agnams.

De mémoire de Sénégalais, jamais on n’a entendu des termes aussi crus sortir de la bouche d’un haut responsable. Au pays de la Teranga, le choc est terrible et cet enregistrement fait les choux gras de la presse. Tandis qu’au niveau de l’opinion publique, même si beaucoup comprennent la colère de Moustapha Cissé Lô, personne ne cautionne ses propos d’une extrême gravité au pays du puritanisme absolu.

"Citadelle de tous les raffinements, sous le magistère du poète-président Léopold Sédar Senghor, le Sénégal devient inexorablement le bastion de toutes les grossièretés", se désole l’éminent politologue Babacar Justin Ndiaye.

"Les observateurs interloqués s’interrogent: par quelle malvenue alchimie, le fécond choc des idées s’est mué en triste télescopage des insanités?", écrit-il avant de pointer du doigt le sommet de l’Etat.

"L’une des explications (la liste des causes est évidemment longue) renvoie globalement à la dégradation accélérée de la gouvernance étatique et à la vie politique subitement au rabais. Le culte de l’ascension sociale –via la politique– et l’absence d’initiation à la responsabilité nationale en sont les nettes illustrations", selon lui.

Evidemment, dans ce fichier largement partagé dans les réseaux sociaux, il ne faut pas seulement y voir les insanités, puisque le responsable politique y dénonce une république de passe-droits. En effet, il cite une série de scandales qui devaient pousser le procureur à le convoquer pour l’entendre.

Il y affirme, en citant leurs noms respectifs, que de hautes personnalités de l’Etat, sans lien aucun avec l’agriculture, ont reçu des tonnes de semences d’arachides certifiées subventionnées. Or, cette arachide d’excellente qualité est vendue grâce au soutien de l’Etat à 150F, au lieu des 400F le kilogramme sur le marché. C’est dire combien ceux qui en ont obtenu plusieurs milliers de kilos se sont enrichis au passage.

Moustapha Cissé Lô, affirme également savoir qui a détourné l’argent du Train express régional, qui a été inauguré par le président Macky Sall en janvier 2019 et qui ne parvient toujours pas à transporter ses premiers passagers. Il dit aussi que le Building administratif, nom donné à l’édifice qui abrite une dizaine de ministères en face du Palais de la République, est victime des mêmes pratiques de détournement.

De quoi relancer la vaste polémique sur le coût réel de ces deux chantiers, l’un de construction, l’autre de réhabilitation.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 07/07/2020 à 08h02, mis à jour le 07/07/2020 à 14h47

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