Le rêve espagnol des jeunes Sénégalais

Des milliers de jeunes déposent leurs dossiers pour espérer figurer parmi ceux qui seront retenus pour la migration saisonnière en Espagne.

Le 31/01/2025 à 14h56

Vidéo«Rester ici sans espoir, ce n’est pas possible». Cette sentence, qui a la sincérité du désespéré, émane d’un jeune ouvrier dakarois, candidat parmi des milliers d’autres au programme de recrutements d’ouvriers agricoles saisonniers en Espagne durant trois mois renouvelables.

L’afflux a été tel que le Secrétaire d’État aux Sénégalais de l’Extérieur s’est vu contraint de dédier une plateforme électronique aux dépôts de candidatures pour la migration temporaire en Espagne. Les bureaux submergés par les milliers de candidats à la cueillette de fruits en terre ibérique, trahissent le désespoir de la jeunesse rongée par des conditions de vie qui ne les satisfont pas.

«Rester ici sans espoir, ce n’est pas possible. Si on ne peut même pas manger à sa faim, on est obligé d’aller chercher ailleurs. Aujourd’hui, l’Europe représente l’unique alternative», Ibrahima Ba, ouvrier, fait partie de ces milliers de jeunes qui ont saisi au vol l’opportunité d’aller cueillir, entreposer et stocker des fruits en Espagne.

Mais pourquoi l’Espagne? La réponse vient des chiffres: entre le 1er janvier et le 15 août de l’année dernière, 22.304 migrants sont arrivés aux Canaries, contre 9.864 pour la même période de 2023, soit une augmentation de 126 %. Pour l’ensemble de l’Espagne, la hausse est de 66% (de 18.745 à 31.155). Ces migrants sont essentiellement ouest-africains, raison pour laquelle le Premier ministre espagnol s’est rendu, l’été dernier, en Mauritanie, en Gambie et au Sénégal, pour parler essentiellement de migration irrégulière.

Avec le Sénégal, un programme de migration circulaire a été donc activé grâce auquel les personnes âgées entre 25 et 55 ans dont on exigé aucun niveau scolaire, peuvent être embauchées dans les champs espagnols.

Et ce fût la ruée. Si certains critiquent cet engouement, les concernés eux le justifient par l’absence d’alternatives. Malick Ka, mouleur de profession, dresse un constat amer. «La jeunesse a tout donné à ce régime qui lui avait promis monts et merveilles. Mais après dix mois au pouvoir, ils sont toujours à la recherche de solutions

Le débat sur la migration des jeunes revient sans cesse, opposant les autorités aux populations concernées. Le gouvernement actuel estime que l’échec des politiques d’emploi sous le régime précédent est en grande partie responsable de la situation actuelle.

Mais pour Ibrahima Ba, ces arguments ne tiennent plus. «Peu importe qui est responsable, Macky Sall et son gouvernement sont partis. Maintenant, c’est à Diomaye et son équipe de trouver des solutions». Malick Ka est plus direct. «Il est temps d’arrêter de parler du passé. Aujourd’hui, on attend du travail, pas des discours. Si les jeunes avaient un emploi, la vie serait moins pénible.»

Si ces contrats saisonniers permettent à des milliers de jeunes de travailler légalement en Espagne, ils illustrent surtout l’incapacité du pays à retenir sa jeunesse. Tant que l’emploi local ne sera pas une priorité, l’exode des forces vives continuera, au détriment du développement national.


Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 31/01/2025 à 14h56