A l'état actuel des choses, on est plus proche d'une grosse farce que d'une expression de la volonté populaire. Après les élections de mai, les réseaux sociaux et la presse internationale ont été choqués par les nombreuses vidéos filmées par des amateurs et montrant une étonnante mascarade.
Lire aussi : Vidéos. Législatives en Algérie: les champions du bourrage d'urnes en action
Par-ci, on découvrait une lumière éteinte intentionnellement pour procéder au bourrage en catimini. Par-là, le nombre de bulletins dépouillés de l'urne fraîchement ouverte était supérieur au nombre d'inscrits dans ledit bureau de vote. Dans une troisième, on n'y mettait même pas la forme puisque l'urne était purement et simplement remplie par des jeunes présents dans le bureau. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d'autres.
Rapport empreint de diplomatie, mais accablant
Le rapport de la Mission d'expert de l'Union européenne (MEE), quant à lui, évite d'aborder ce sujet des délicat pour dresser une quinzaine de recommandations "prioritaires" correspondant à autant de défaillances de fonds et de forme dans l'organisation des élections. Evidemment, même si l'Union européenne évite qu'on l'accuse d'ingérence, on comprend aisément que si le tripatouillage est possible, c'est parce que le cadre électoral est défaillant.
"À l’évidence, la série d’incohérences, relevées par les experts européens, confirme, si besoin est, l’écrasante mainmise du pouvoir politique sur les opérations électorales dont les résultats se révèlent, toujours, comme par enchantement, favorables à certaines parties", analyse le quotidien algérien Liberté qui a eu accès au rapport. En tout cas pour l'UE, il faut pratiquement tout revoir, du cadre juridique à la proclamation des résultats, en passant les éventuels contentieux, le registres des électeurs, la transparence des opérations électorales, la traçabilité des résultats, etc.
Une démocratie stalinienne
Quand on voit le caractère basique des défaillances relevées, on se dit que l'Algérie est tout droit sortie de l'école de Staline, ce qui explique que l'opposition ne peut avoir voix au chapitre. "Tout est épluché pour démontrer que les choses ne se passent pas comme elles devraient l’être, du moins en comparaison avec les normes démocratiques en la matière", explique Liberté.
Lire aussi : Algérie. Législatives: scènes d'émeutes dans plusieurs localités
Par exemple, les lois relatives aux partis politiques, à la liberté d'association, de réunion, de manifester "doivent être amendées", en toute urgence, car au stade actuel, elles ne traduisent pas l'esprit de la Constitution. Autre grief, jusqu'à présent, l'on ne dispose pas de fichier électoral central, librement consultable. A titre d'exemple, dans un pays comme le Sénégal, il est possible de consulter le nom de tous les électeurs en se rendant sur le site internet de la direction qui organise les élections. Ce n'est toujours pas le cas en Algérie, du coup, l'opposition est obligée de croire les organisateurs de l'élection sur parole.
Le ministère de l'intérieur, seul maître à bord
D'ailleurs, à propos de ces organisateurs, c'est avec beaucoup de subtilité que la MEE attire l'attention sur le fait que le ministre de l'intérieur est roi dans ce processus qu'il contrôle entièrement. La "Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE) n'est finalement qu'une coquille vide puisqu'elle n'est pas impliquée dans l'organisation.
Du coup, quand vient le moment de contrôler, elle doit se fier entièrement à ce que lui dit le ministère de l'intérieur qui lui sert de référence. D'ailleurs, les membres de la HIISE ne comptent pas parmi eux tous les partis d'opposition, il s'agit surtout de magistrats et de membres de la société civile dont on ignore comment ils sont choisis. Et quand on sait ce que vaut la liberté de la justice algérienne, on devine qu'il s'agit d'une vraie blague.
Rôle confus du Conseil constitutionnel
Concernant la traçabilité des résultats, la Mission d'experts européens estime qu'il est crucial que l'on puisse retrouver les détails par Wilaya, département et bureau de vote.
Lire aussi : Algérie: 44.500 policiers mobilisés pour les élections législatives
Enfin, le rôle du Conseil constitutionnel (CC), qui semble avoir un rôle trop large, est finalement peu clair. En tout cas, la MEE ne comprend pas que le CC soit "à la fois l’organe destiné à corriger, arrêter et proclamer les résultats provisoires, mais aussi l’institution qui statue sur les recours en proclamant les résultats définitifs”.
Bref, tout ceci démontre bien, que le déroulement des élections en Algérie ne répond pas aux normes en la matière. A cela s'ajoute l'utilisation des moyens de l'Etat par le Front de libération nationale (FLN), parti au pouvoir depuis l'indépendance et le Rassemblement national démocratique (RND), son allié.