Plus rien n'étonne en Algérie, pas même, le fait de voir un ancien Premier ministre faire l'objet des pires humiliations à l'enterrement de son frère. Les images d'un Ahmed Ouyahia, ancien Premier ministre sous Abdelaziz Bouteflika, ont ému beaucoup en Algérie.
Lundi, il a assisté aux funérailles de son frère, Laïfa décédé dimanche, menottes aux poignets, entouré d'une bonne vingtaine de gardes pénitentiaires et d'un nombre aussi important d'agents des forces de l'ordre et de sécurité. Bien triste spectacle dont les caméras de téléphones portables et celles des chaînes de télévision, mais aussi les yeux curieux de dizaines de badauds n'ont pas manqué une miette.
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C'est d'autant triste qu'Ahmed Ouyahia n'était pas n'importe quel Premier ministre algérien. De toute l'histoire de l'Algérie moderne, c'est l'homme qui a le plus occupé cette fonction. Il a été chef de gouvernement à quatre reprises, sans parler de sa carrière de diplomate et de ses nombreux postes de ministre.
Dans une publication mardi sur sa page Facebook, Abdelaziz Rahabi, ancien diplomate et ancien ministre de la Culture et de la communication, estime que "l’autorité judiciaire qui a autorisé le prévenu Ahmed Ouyahia à assister à l’enterrement de son frère aurait dû également assurer au citoyen Ouyahia les conditions de dignité et de sérénité".
Selon lui, ce spectacle "donne une image indigne d’un pays dont le peuple est reconnu pourtant pour ses valeurs de compassion devant la mort et de tolérance devant l’adversité".
"J‘ai honte pour nous", s'est-t-il désolé dans un article du site d'information Algérie Eco.
Pour sa défense, le ministre algérien de la Justice évoque "une mesure légale instituée par l’article 56 de la loi relative à l’organisation des prisons et de la réinsertion sociale des prisonniers" qui autorise les prisonniers à assister à l'enterrement de leurs proches.
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Mais en réalité, le pouvoir algérien savait bien ce qu'il faisait. Il voulait tirer les dividendes de cette sortie inopportune d'Ahmed Ouyahia et le montrer le visage rabougri derrière un masque, les bras frêles trahissant des conditions de détention très rudes, et tenant à peine sur ses jambes sur le sentier cahoteux menant vers la dernière demeure de son frère.
Cette mise en scène funeste qui humilie, devant les caméras des chaînes de télévision, un homme jadis si puissant est peut-être un message subliminal pour montrer aux Algériens que le régime sans pitié est plus que jamais là. A ceux qui auraient tendance à penser que les 36 ex-ministres internés à El Harrach sont dans une prison dorée, c'est l'occasion de leur montrer tout le contraire.
Pourtant, pendant ce temps, Khaled, le fils d'Abdelmadjid Tebboune, empêtré dans une sombre affaire de trafic de drogue, a été acquitté en février dernier.