Algérie: un médecin algérien qualifie de "débâcle" la campagne de vaccination

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Le 07/02/2021 à 13h08, mis à jour le 07/02/2021 à 13h11

La campagne de vaccination contre le Covid-19, annoncée en grande pompe pour respecter la parole du président Abdelmadjid Tebboune, est une vraie farce. Elle n’a duré que 4 jours, faute de vaccins, et fait l’objet de sévères critiques de la part des spécialistes, dont d’éminents médecins algériens.

Comme il fallait s’y attendre, la campagne de vaccination décrétée par le président algérien, sans aucune préparation en amont, est un véritable échec. Et les spécialistes algériens de la lutte anti-Covid-19 ne s’en cachent pas, critiquant ouvertement cette décision.

Tout comme la gestion de la commande de vaccins anti-Covid-19, la campagne de vaccination anti-Covid-19 des Algériens débute dans une cacophonie totale et s’annonce d'ores et déjà comme un véritable fiasco.

Evoquant cette opération, Liberté Algérie avait déjà alerté les responsables algériens, en soulignant, dès ses débuts, qu'«à première vue, l’opération de vaccination est loin d’être de tout repos. Elle s’annonce plutôt laborieuse et plus ardue que la bataille engagée par le gouvernement pour l’acquisition du sérum anti-Covid, même si un plan vaccinal a été mis au point et rendu public précédemment».

Dans tous les cas, les débuts de cette campagne de vaccination sont plus que chaotiques. Les premières doses de vaccin, destinées au personnel médical, ont été, comme il fallait s’y attendre, servies au compte-gouttes. Même la répartition des vaccins deans les différents hôpitaux du pays, pour vacciner le personnel médical, a été une véritable débâcle, dénoncée par les professionnels de la santé, en première ligne dans la lutte contre la pandémie du Covid-19.

Pourtant concernés au premier chef dans la lutte contre le virus, les professionnels de la santé ont reçu un nombre insignifiant de doses de vaccin, qui ne leur permettent même pas de vacciner ne serait-ce que 10% de leurs effectifs.

Une situation que dénoncent de nombreux et éminents praticiens, dont l’éminent Pr Kamel Bouzid, chef du service d'oncologie du CPMC d’Alger. Dans un entretien accordé à TSA, il s'insurge: «nous avons reçu 25 doses. C’est insignifiant. Il y a 1.500 employés. Le CHU Mustapha (le plus grand hôpital d’Algérie, Ndlr) a reçu 700 doses alors qu’ils sont 5.000 à y travailler. Et je parle que des hôpitaux que je connais! Théoriquement le personnel soignant est prioritaire».

Tout en confirmant la dénonciation de ce professeur, Liberté Algérie cite le cas d'un hôpital d’Alger, dont le personnel soignant n’a pu réceptionner que 10 doses seulement, pour vacciner l'ensemble de ses effectifs. «Comment allons-nous faire pour vacciner les médecins et les infirmiers qui travaillent dans cet hôpital? Doit-on procéder à un tirage au sort? La question mérite d’être posée», s'interrogent ces soignants, pourtant concernés par la campagne de vaccination.

Cette situation intenable a même créé, à l'intérieur des structures hospitalières, une ambiance désagréable. Dans les hôpitaux, les médecins et l'administration sont tiraillés devant une difficile décision: départager ceux qui seront vaccinés. Comment, en effet, effectuer ces choix cornéliens de sélectionner les médecins qui doivent être vaccinés, et en laisser d'autres? Faut-il procéder à un tirage au sort pour désigner ceux qui doivent être protégés et ceux qui ne doivent pas l’être?

Pire encore, à cause d’un nombre négligeable de doses de vaccins reçus par le pays, de l'ordre de 100.000 doses au total (50.000 du Spoutnik V et 50.000 d’AstraZeneca), la campagne de vaccination n’aura, en tout et pour tout, finalement duré que quatre jours, pour s'interrompre brutalement... Faute de vaccins. Il faut dire qu'avec 100.000 doses, à raison de 2 doses par patients, on se retrouve avec seulement 50.000 personnes à vacciner, au plus. 

Pour le Pr Kamel Bouzid, cette débâcle peut aisément s'expliquer. «Parce ce qu’il n’y a pas de doses, [La campagne vaccinale] est gérée de manière bureaucratique. Or, ce n’est pas de cette façon que [l'on doit la] gérer. De plus, il y a un déficit flagrant en communication et en matière de sensibilisation», souligne t-il dans l’entretien qu'il a accordé à TSA.

Plus encore, ce professeur de médecine explique que «les citoyens qui assistent à cette débâcle» ne vont ensuite pas faire confiance à la campagne de vaccination, et cela risque d'en décourager beaucoup à ce qui est pourtant une nécessité: se faire vacciner.

Pour calmer ces critiques, le Premier ministre Abdelaziz Djerrad a tenu, peu avant de se faire publiquement vacciner, sous les flashes des caméras, à souligner que «cette opération ne va pas se dérouler sur un ou deux jours, mais va s’étaler sur toute l’année».

Oui, mais voilà: à ce faible rythme d’approvisionnements en vaccins, et donc à une campagne de vaccination où bien peu reçoivent leurs injections, au regard de l'ensemble de la population, il faudra à l'Algérie, non une année, mais bien polusieurs années, pour vacciner 70% des habitants du pays, dont le nombre est estimé à 44 millions d’habitants.

Des années, pour vacciner, au total, 31 millions de personnes... Sachant qu’il faut nécessairement deux doses par personnes, il faut nécessairement importer plus de 62 millions de doses de vaccins anti-Covid-19.

Cette gestion catastrophique de la campagne de vaccination en Algérie démontre que le pays ne s’était pas du tout préparé à vacciner sa population, avant que le président, Abdelmadjid Tebboune, ne le décrète, et impose le démarrage de celle-ci en janvier dernier.

C'est pour respecter ses ordres, publiquement donnés via Twitter, qu'il a fallu aux responsables algériens entamer l'opération de vaccination dès lendemain de la réception des premiers lots de vaccins, dans des conditions qui se révèlent aujourd’hui catastrophiques.

Conséquence logique de cette gestion calamiteuse: à ce jour, les autorités algériennes n’ont toujours pas donné de chiffres relatifs au nombre de personnes qui ont été vaccinés contre le Covid-19 depuis le lancement de ce qui se voulait être une campagne de vaccination de masse.

Les données compilées par des spécialisées font état de 30 personnes vaccinées en Algérie au 30 janvier dernier, soit le jour du démarrage officiel de la campagne de vaccination. Et, depuis, aucune mise à jour n'a pu être effectuée, faute de données fiables livrées par les autorités.

Un comportement qui a déjà pu, d'ailleurs, être remarqué pour les tests du Covid-19, pour lesquels le pays avait refusé de partager ses données avec les institutions spécialisées. A titre de comparaison, le Maroc voisin compte, à la date du 6 février 2021, 463.966 personnes vaccinées.

Selmon les derniers chiffres officiels, l'Algérie compte 108.858 cas positifs au Covid-19, dont 74.602 guérisons et 2.911 décès. 

Par Karim Zeidane
Le 07/02/2021 à 13h08, mis à jour le 07/02/2021 à 13h11