Se projeter, planifier, anticiper... Ces notions basiques de management moderne ne font décidément pas partie du vocabulaire des dirigeants algériens. Un an après avoir été impuissant devant les feux de forêt qui ont dévasté la Kabylie en 2021 et tué une centaine de personnes, dont 33 miliatires, le gouvernement algérien n'a toujours pas acquis de bombardiers d'eau. Il a fallu qu'Abdelmadjid Tebboune se balade dans les allées de la Foire d'Alger, qui s'est ouverte hier lundi, pour que la vue du stand de Lockheed Martin lui rappelle le drame vécu un an plutôt et que son sang ne fasse qu'un tour. Sa réaction révèle une gouvernance épidermique dans toute sa splendeur.
«On achète tout de suite», a dit le présent algérien qui découvrait curieusement l'urgence de se doter de ces bombardiers d'eau, seuls appareils capables de lutter contre les incendies dans le relief accidenté de la Kabylie. Et d'ajouter: «Nous vous demandons de nous faire rapidement une proposition pour les avions destinés à la lutte contre les incendies». Puis est intervenue la déclaration en français à l’adresse de l'exposante américaine, avant de préciser en arabe que ces avions doivent fonctionner avec l’eau de mer.
Lire aussi : Algérie: sanctions après la mort de deux hommes dans le train d'atterrissage d'un avion
Curieusement, lors du drame de l'année dernière dont le véritable bilan n'a toujours pas été révélé, Abdelmadjid Tebboune himself avait, dans le feu de l'action, promis de lancer une commande de Canadairs russes pour renforcer les moyens aériens de la protection civile algérienne. Mais c'était juste un autre signe de son tempérament sanguin, à la limite adolescent. Finie, donc, la promesse d'achat chez le partenaire historique russe, le chef de l'Etat algérien se tourne désormais vers les Américains.
Il faut pourtant rappeler que les incendies de l’été dernier en Algérie avaient mis à nu les failles du régime, incapable d’y faire face à cause de l’absence de bombardiers d'eau. Le gouvernement a fini par envoyer des sapeurs-pompiers et surtout des militaires armés de pelles pour éteindre le feu qui avait fini par ravager des milliers d’hectares, détruire des villages entiers et entraîner des dizaines de pertes en vies humaines, sans compter les dégâts matériels estimés à plusieurs milliards de dollars.
Face à cette catastrophe, Tebboune avait ainsi annoncé un contrat portant sur l’acquisition de Beriev Be-200 russes, appareils destinés à lutter contre les incendies. Seulement, les autorités d'Alger ont laissé entendre que la construction d’un hydravion de ce type ne se fait pas en un claquement de doigts. Elles se sont donc projetées sur 2023 pour la réception de cette hypothétique commande. Mais le fait que Tebboune se souvienne subitement du besoin d'avoir des bombardiers d'eau montre que la promesse ne visait simplement qu'à calmer la colère populaire.
Cela pose la question de savoir si sa décision de ce lundi est sérieuse ou, cette fois encore, s'il elle est similaire à celle d'un enfant dans un magasin de jouets. Il les veut tous, tout de suite.
