Les pénuries et hausses des prix sont devenues le quotidien des Algériens. Si le prix du kilogramme du poulet qui est passé de 320-340 dinars à 480 dinars, voire 500 dinars fait jaser, cette flambée touche pratiquement toutes les marchandises, même si les produits agricoles frais et les denrées alimentaires sont les plus affectés par cette inflation, tant les produits locaux qu’importés.
Et cette inflation touche de plus en plus les produits de première nécessité qui sont consommés par les citoyens algériens, notamment les familles pauvres: lait, pâtes, pain, sardines, viandes de poulet, huile… Certains sont pourtant subventionnés et les prix règlementés. Toutefois, à cause des pénuries, les commerçants et les boulangers arrivent à trouver des artifices pour accroître les prix. C’est le cas de la baguette de pain qui était vendue à 10 dinars et dont le prix est monté à 15 dinars. Idem pour le lait subventionné vendu à 25 dinars a disparu des radars pour laisser la place au lait conditionné à 90 dinars jugé plus rentable par les producteurs. Pour les pâtes ordinaires, très consommées par la population, les prix sont passés de 40 à 80 dinars subitement.
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Bref, les hausses concernent tous les produits de base. Conséquence, la majorité des salariés algériens ne vivent plus, mais survivent. Une situation qui n’est pas sans rappeler à certains les dures années d’indépendance où tout manquait.
La situation est telle que «le travailleur algérien ne peut plus supporter la cherté de la vie», explique Boualem Amoura du SETEF, syndicat du secteur de l’éducation, qui explique que pour survivre, «les gens se privent, c’est la seule façon pour eux de faire face à la cherté», ajoutant que la situation est si dramatique qu’«il y a beaucoup de parents qui sont contents que leurs enfants se restaurent dans les cantines scolaires. Ce sont des bouches de moins à nourrir à la maison».
Cette flambée des prix trouve son origine dans une panoplie de facteurs. D’abord, il y a l’effet des pénuries de toutes sortes, consécutives à la production insuffisante de divers produits, aggravé par les politiques d’interdiction des importations de nombreux produits. Ainsi, il y a déséquilibre entre l’offre et la demande ce qui entraîne nécessairement une hausse des prix. C’est le cas actuellement pour la viande blanche. Pour un besoin compris entre 5 et 6 millions de poules, 40% seulement sont produits localement par les privés. Le reste est normalement importé. Or, les interdictions d’importations entraînent automatiquement des pénuries et par ricochet, des hausses de prix.
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Parallèlement, les autorités algériennes se glorifient d’avoir réduit considérablement le niveau du déficit commercial. Seulement, ce qu’elles ne disent pas, c’est que cette réduction du déficit s’explique très grandement par la politique d’interdiction des importations de produits finis destinés à la consommation et des intrants nécessaires à la production de biens.
C’est cette politique qui est grandement à l’origine des diverses pénuries: produits alimentaires, médicaments, véhicules… La loi de l’offre et de la demande fait le reste. Et comme l’Algérie ne produit pas grand-chose, l’économie du pays reposant sur la rente pétrolière, c’est logiquement que les prix des produits augmentent sensiblement.
Ensuite, ces hausses des prix s’expliquent également par la «dévaluation» déguisée du dinar par les autorités. La dépréciation de la monnaie algérienne vis-à-vis des devises, dollar et euro notamment, se traduit par un renchérissement de la facture des importations poussant les importateurs à répercuter l’impact de la dépréciation du dinar sur le consommateur algérien, ce qui induit la hausse des prix des produits importés ou ceux incorporant des intrants importés.
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Par ailleurs, l’effet de cette dépréciation du dinar est aggravé par l’impact de la crise économique mondiale et l’augmentation des coûts du fret qui pèsent sur le prix des produits importés (produits finis et intrants). Et dans ce cas de figure, la hausse des prix des produits importés est aggravée par les importateurs et spéculateurs véreux qui profitent de la passivité des autorités en matière de contrôle des prix pour gonfler davantage leurs marges face à des consommateurs désarmés.
Enfin, le circuit de distribution, avec une cascade d’intermédiaires, renchérit les produits avant leur arrivée au consommateur final. D’où la nécessité à ce que l’Etat joue son rôle de régulateur du circuit de distribution.
Conséquence de ces hausses des prix, les Algériens s’appauvrissent davantage au moment où le chômage ne cesse d’augmenter à cause du faible soutien étatique aux entreprises durant cette crise sanitaire dû au Covid-19 et des politiques prises par les autorités à l’égard de certains secteurs (automobile, électroménager, électronique…) et qui ont entraîné des licenciements de plusieurs centaines de milliers de travailleurs dans divers secteurs d’activité.
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Et bizarrement, c’est dans ce contexte que les autorités ont annoncé leur intention d’éliminer les subventions sur les produits de première nécessité et les remplacer par des aides directes aux populations les plus pauvres.
Une chose est sure, cette décision risque de provoquer une explosion sociale fragile et apparente. C’est en effet grâce aux transferts sociaux, dont particulièrement les subventions que les autorités ont réussi, jusqu’à présent, à acheter la paix sociale dans le pays.
Seulement, si elles décident d’éliminer ces subventions sur les produits de première nécessité, c’est qu’elles n’ont plus les moyens de les assurer. Le Fonds de régulation des réserves (FFR), le fonds souverain algérien, a servi un temps, lors du début de cette crise financière qui s’est déclenchée avec la chute du cours du baril de pétrole, à amortir la chute des recettes budgétaires et à couvrir les transferts sociaux dont les subventions. Mais, le FFR a été entièrement consommé et les réserves en devises du pays ont aussi été fortement entamées passant de 194 milliards de dollars en 1994 à autour de 30 milliards de dollars aujourd'hui.
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Ainsi, les autorités n’ont plus de marge de manœuvre, leur seul espoir reposant sur un niveau élevé du cours du baril de pétrole.
Conséquence, le citoyen algérien, qui fait déjà face à l’érosion de son pouvoir d’achat, sera définitivement abandonné par le gouvernement, va accentuer son désarroi car n’ayant les yeux rivés que sur un seul indicateur: le niveau des réserves en devises.
C’est surtout face à cette situation et aux perspectives inquiétantes pour les ménages que même les syndicats du régime se rebiffent. Ainsi, la Confédération algérienne des syndicats autonomes, qui regroupe 14 syndicats de différents secteurs, est montée au créneau. Elle exige des solutions à cette spirale inflationniste, ou à défaut, elle menace de déclencher des mouvements de protestation. «La situation sociale actuelle n’augure rien de bon, et nous risquons de connaître une explosion du front social à la rentrée devant la terrible baisse du pouvoir d’achat», avertissent les syndicalistes.
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Les syndicalistes dénoncent les augmentations monstrueuses des prix des produits de large consommation, alors que les autorités refusent catégoriquement d’ouvrir le dossier de la révision de la politique salariale. La dernière augmentation de salaires datant de 2012. Les syndicats estiment donc qu’ils sont tenus «de prendre leurs responsabilités syndicales et éthiques», pour défendre les fonctionnaires et leur pouvoir d’achat.
Dans une menace à peine voilée, les syndicats, qui annoncent recourir à «tous les moyens de protestation légaux», menacent le gouvernement contre l’embrasement du front social. Cette grève générale a pour but de «défendre la dignité des travailleurs et leurs droits et pour préserver leur niveau de vie face à la dégradation inquiétante du pouvoir d’achat». De plus, les syndicats veulent que des solutions soient trouvées aux dossiers en suspens: la retraite, les libertés syndicales, la santé, la sécurité sociale…
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Avec des menaces aussi claires de la part des syndicats inféodés au régime, on comprend le désespoir des travailleurs algériens dont le pouvoir d’achat se détériore dangereusement. Pour eux, l’Etat doit réguler le marché et freiner surtout la hausse généralisée des prix des produits de grande consommation. C’est une condition nécessaire avant toute augmentation des salaires. Sinon, la hausse des salaires sera une occasion d’augmenter davantage les prix alors que beaucoup d’Algériens travaillant dans le privé et dans l’informel n’en bénéficieront pas. Et une chose est sure, dans le contexte actuel de crise financière aiguë, toute hausse des salaires ne pourra être financée par le gouvernement que par la «planche à billets» qui ne fera qu’alimenter davantage l’inflation.
Il faut noter qu’à cause des hausses continues des prix, alors que les salaires ne suivent pas, l’érosion du pouvoir d’achat des Algériens se constate au quotidien au niveau du panier de la ménagère. Ainsi, la valeur du salaire moyen en Algérie a été divisée par deux, par rapport à son niveau de 2010, alors que les prix continuent de grimper.
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Ainsi, selon une étude sur les salaires rendue publique par les syndicats, il y est précisé que le salaire de base de l’Algérien ne doit pas baisser sous la barre des 50.000 dinars. Or, le SMIG se situe à 20.000 dinars, soit 147 dollars, et le salaire moyen autour de 35.000 dinars, soit 257 dollars. Du coup, selon les experts algériens, 34% des travailleurs algériens sont menacés de pauvreté
La situation touche particulièrement la classe moyenne, la colonne vertébrale de toute économie en tant que moteur de la consommation, qui a quasiment disparu en Algérie à cause de la cherté du coût de la vie induite par les hausses des prix et la fermeture des entreprises du fait de la lutte contre les oligarques qui dirigeaient les grandes entreprises du pays et des effets de la pandémie du Covid-19.
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L’Algérie qui est en stagflation -stagnation de l’activité, de la production et inflation des prix-, à cause notamment des politiques prises par les autorités, dont le recours à la «planche à billets» pour financer le déficit budgétaire abyssal. Les politiques industrielles mal pensées, quant à elles, ont conduit à la fermeture de nombreuses unités industrielles. L’arrestation d’oligarques et l’absence de soutien aux entreprises durant la crise sanitaire ont entraîné un nombre important de faillites d’entreprises et donc une baisse de la production et ce en augmentant sensiblement le nombre de chômeurs. Et enfin, une inflation galopante est constatée à cause des politiques prises par les dirigeants dont la limitation des importations qui crée la pénurie.
Conséquence de ces pénuries, inflation, pertes de pouvoir d’achat, crise politique et d’autres problèmes. Les Algériens n’ont plus confiance en leurs dirigeants et n’ont aucune visibilité. Et le dernier recours reste la rue pour déverser leur colère contre leurs dirigeants. C’est ce que prévoient les syndicats des fonctionnaires en octobre prochain.
La rentrée sociale s’annonce chaude… Et ce sera encore à cause de la "main de l'extérieur".