A partir du 15 octobre 2020, la Douane camerounaise, avec l'appui technique du ministère des Postes et Télécommunications, compte mettre en œuvre une réforme dans la collecte des taxes et droits de douanes sur les téléphones portables et autres terminaux importés. Une réforme qui, dans les faits, déplacerait la frontière «physique» de la douane aux ports, aéroports et frontières vers une frontière numérique.
Dans le cas où le terminal numérique n'aurait pas été dédouané lors de son entrée au pays par l'importateur, c'est l'acquéreur ou l'utilisateur qui s'en chargera désormais, lors de sa première connexion sur un réseau d’un opérateur de téléphonie au Cameroun, à travers un prélèvement effectué sur son crédit de communication, jusqu'à l'apurement desdits frais, estimés à environ 33% de la valeur du téléphone.
Le prélèvement se fera à travers une «plateforme de collecte» placée sous l'autorité du ministère en charge des Télécommunications. Il s'agit d'un dispositif institutionnel numérique interconnecté avec les serveurs et les systèmes de réseaux des opérateurs de téléphonie opérant légalement au Cameroun.
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«Dès qu’un téléphone se connecte à l’un des réseaux de ces opérateurs, la plateforme le détecte et l’identifie à travers son numéro IMEI qui est en principe unique au monde. Si elle s’aperçoit qu’il s’agit d’une première connexion, le propriétaire du téléphone recevra un message qui lui indiquera le montant des droits et taxes de douane à payer», précise la Douane camerounaise. Pour cette administration, l'enjeu est de taille: il s'agiy d'optimiser les recettes collectées sur les téléphones et terminaux importés au Cameroun.
«Aujourd’hui, moins de 100 millions de francs CFA sont collectés par mois sur les 2 milliards environ encaissés dans les années 2000. Cette baisse contraste avec l'augmentation du nombre et de la qualité des téléphones importés. Selon les estimations, près de 4 millions de téléphones sont importés au Cameroun par an, soit un potentiel de 13 milliards de francs CFA de recettes par an si l’on estime chaque téléphone à une moyenne minimale de 10.000 francs CFA. Cela représente un manque à gagner de près de 12 milliards par an», explique la Douane.
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Mais avant sa mise en œuvre, la réforme suscite déjà de nombreuses critiques. «Les Camerounais ne doivent pas être sacrifiés sur l'autel de l'incapacité du régime de Yaoundé à sécuriser de façon efficace et efficiente les recettes douanières du fait de l'incompétence et de la corruption de ses agents (…) Plutôt que de tordre le cou à nos compatriotes à travers cette nouvelle disposition, le gouvernement gagnerait à recouvrir d'abord les différentes redevances non reversées à l'Etat par les différents opérateurs de téléphonie mobile de ce secteur», indique Jean-Michel Nintcheu, député du Social Democratic Front (SDF, opposition) dans un communiqué publié le 12 octobre 2020.
Pour Cabral Libii, élu et président du Parti camerounais pour la Réconciliation nationale (PCRN), le parti devrait engager une action concertée lors de la prochaine session parlementaire pour faire annuler cette nouvelle taxation. «L'administration douanière est au service du peuple. Il est inadmissible qu'on puisse avoir une administration douanière aussi inepte, qui courbe l'échine devant la contrebande, la contrefaçon et étouffe de sa propre incurie. Dotons le Cameroun d'un appareil douanier efficace et à la hauteur des enjeux économiques du Cameroun», a-t-il écrit sur sa page Facebook.
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Par ailleurs, des associations de consommateurs appellent au boycott et recherchent des astuces pour tenter de contourner la nouvelle mesure. Ainsi par exemple, la Fondation camerounaise des consommateurs (Focaco) «conseille à tout futur acquéreur d'un nouveau téléphone ou tablette de ne pas y insérer sa carte SIM principale mais plutôt une seconde carte SIM qu'il n'utilisera que pour connecter le terminal pour la première fois au réseau de télécommunication camerounais», écrit son président exécutif, Alphonse Ayissi, dans un communiqué.
Enfin, d'autres contestent la légalité de cette mesure, en remettant en cause le principe de payer des droits de douane par le biais du crédit téléphonique, un moyen de paiement non encore reconnu dans la zone CEMAC.