Après que Royal Air Maroc a été l’une des premières compagnies aériennes du continent à entreprendre un processus d’internationalisation en nouant un partenariat stratégique et capitalistique avec Air Sénégal en 2001, qui a pris fin en 2009, Ethiopian Airlines a pris le relai en nouant de nombreux partenariats dans le but de contrôler le ciel africain.
Toutefois, si certaines grandes compagnies africaines -South African Airlines, Kenya Airways, Tunisair, etc.- traversent des zones de turbulence, d’autres ne comptent pas laisser la compagnie éthiopienne dominer seule le ciel africain. C’est le cas d’EgyptAir.
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Seconde compagnie aérienne du continent en termes de flotte, avec 72 appareils et 31 autres commandés, EgyptAir ne compte pas se laisser distancer par Ethiopian, de loin la première compagnie aérienne du continent en termes de flotte, de destinations, de performances financières…
La compagnie égyptienne s’est engagée sur les pas d’Ethiopian en misant sur les alliances capitalistiques et stratégiques. Outre la création et le renforcement des liaisons existantes et des accords de maintenance technique avec de nombreux pays africains, EgyptAir est rentrée dans le tour de table de Sudan Airways, la compagnie aérienne du Soudan. En vertu d’un accord signé entre les deux pays, la compagnie égyptienne détiendra 49% du capital de Sudan Airways et lui fournira 4 appareils.
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Quelques semaines après cet accord, EgyptAir a signé un MoU avec le Ghana. Selon les termes de ce mémorandum, la compagnie aérienne égyptienne sera une partenaire stratégique de la nouvelle compagnie aérienne ghanéenne, dont elle détiendra 70% du capital et qui disposera d’une flotte de 8 appareils au démarrage.
EgyptAir disposera, en plus, de tous les droits de transport de la compagnie ghanéenne vers l’Afrique et le reste du monde. Ainsi, Accra va devenir un véritable hub pour la compagnie égyptienne, qui pourra ainsi concurrencer Ethiopian qui dispose d’un hub aérien à Lomé, au Togo voisin, avec sa filiale panafricaine Asky Airlines.
Avec une base au Ghana, EgyptAir va disposer d’une base solide qui lui permettra de desservir l’Afrique de l’Ouest et centrale, et même au-delà. A ce titre, EgyptAir a inauguré un centre de maintenance d’avions à l’aéroport de Kotoka, à Accra, ciblant aussi bien ses propres avions que ceux de Qatar Airways et d’autres compagnies de la région. EgyptAir pourra aussi couvrir plus facilement les régions précitées, tout en jouissant d’une plus grande proximité avec les marchés anglais et américains.
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Au-delà de ces partenariats stratégiques, EgyptAir continue d’étoffer son réseau de destination au niveau du continent. Et dans le même sillage, Air Cairo, filiale d'EgyptAir, a signé un mémorandum d'entente avec la compagnie naissante sud-soudanaise «Supreme», basée à Juba.
Reste que Ethiopian Airlines a pris de l’avance par rapport à EgyptAir et les autres compagnies du continent. Outre le fait intrinsèque qu’elle domine le ciel africain grâce à sa flotte de 139 appareils et un réseau dense de plus de 125 destinations, la 5e compagnie mondiale par le nombre de destinations desservies en 2019 a su nouer des partenariats stratégiques et capitalistiques avec de nombreuses compagnies publiques et privées du continent.
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Dernière en date, la compagnie éthiopienne a été choisie par les autorités nigériane pour la relance de la compagnie du pays le plus peuplé d’Afrique, rebaptisée Nigeria Air, dans le cadre d’un partenariat stratégique et capitalistique qui offrira à Ethiopian 49% du capital du nouveau pavillon nigérian. En plus du capital, Ethiopian apportera à la nouvelle compagnie, qui sera lancée en 2023, le personnel technique et managérial et une partie de sa flotte avec des appareils de type Boeing B737 et Bombardier Dash 8-400. Après Lomé, Ethiopian se dote ainsi d’un nouveau hub dans la région qui est proche des pays d’Afrique centrale.
Avec ses trois hubs, Addis-Abeba Bolé inclus, Ethiopian affiche ainsi clairement ses ambitions de consolider sa domination du ciel africain.
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Bien avant ce partenariat stratégique avec le Nigeria, Ethiopian avait établi des partenariats capitalistiques et stratégiques avec de nombreuses compagnies du continent dont Malawian Airlines, Zambian Airways, Tchadia Airlines ou encore Asky Airlines. Cette dernière, gérée par Ethiopian, est d'ailleurs un modèle de réussite des partenariats noués par le pavillon éthiopien en Afrique, forte d'une flotte d’une dizaine d’appareils et d'un réseau de plus de 22 destinations.
Par ailleurs, Ethiopian Airlines est aussi en discussions avancées avec la République démocratique du Congo (RDC) pour le lancement d’Air Congo. Ce qui lui conférera un nouveau hub au niveau de l'Afrique centrale.
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Bref, la bataille pour le contrôle du ciel africain est lancée. Et il faudra compter avec Ethiopian et EgyptAir, qui se préparent activement pour profiter pleinement de la prochaine libéralisation du ciel africain dans le cadre du Marché unique du transport aérien en Afrique (Mutaa).
Toutefois, la bataille ne se jouera pas seulement à deux, même si les deux compagnies semlent prendre de l'avance grâce à ces stratégies d'internationalisation. Il faudra aussi compter sur des compagnies qui ont affiché depuis longtemps des ambitions africaines et sur celles qui comptent faire du continent une priorité pour les années à venir. Parmi celles-ci figurent Royal Air Maroc qui dispose d'un des réseaux les plus denses au niveau du continent et qui jouit du hub de Casablanca, Air Algérie qui affiche de nouvelles ambitions africaines, mais aussi South African Airlines et Kenya Airlines, même si les deux compagnies, durement touchées par la crise sont en pleine restucturation, et tant d'autres petites compagnies qui se développent: Air Sénégal, Air Côte d'Ivoire, Rwand'Air,...