Cet anniversaire tombe en effet alors que le pays, déjà miné par les divisions entre institutions concurrentes à l'Est et à l'Ouest, se retrouve depuis le 10 février avec deux Premiers ministres rivaux à Tripoli, après avoir manqué l'échéance électorale cruciale de décembre.
Le Parlement siégeant à l'Est a désigné l'influent ex-ministre de l'Intérieur Fathi Bachagha pour remplacer Abdelhamid Dbeibah -tous deux originaires de l'Ouest- à la tête du gouvernement intérimaire, mais ce dernier assure qu'il ne cèdera le pouvoir qu'à un pouvoir élu, un imbroglio politico-institutionnel qui fait craindre la résurgence d'un conflit armé.
A l'occasion de l'anniversaire de la révolte déclenchée en plein Printemps arabe, les principales avenues de Tripoli ont été pavoisées de rouge, noir et vert, couleurs de l'emblème national adopté après la chute de l'ancien régime.
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Concerts, chants révolutionnaires, feux d'artifice... des célébrations sont prévues vendredi -elles ont été reportées d'un jour en raison du mauvais temps attendu jeudi- place des Martyrs au coeur de Tripoli, où l'ancien "Guide" aimait prononcer ses discours, avant d'être emporté par la révolte déclenchée le 17 février 2011.
Démonstration de force
Le pays d'Afrique du Nord est depuis englué dans une interminable transition politique, miné par des rivalités, les ingérences étrangères et une insécurité chronique, au détriment d'une population de sept millions d'habitants auxquels les abondantes réserves pétrolières sont pourtant censées garantir un niveau de vie confortable.
"La situation a même empiré", pointe Ihad Doghman, 26 ans, qui cumule deux emplois à Tripoli, comme beaucoup de ses compatriotes: fonctionnaire le jour, il gère une épicerie après son service, "seul moyen de s'en sortir" selon lui.
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Sur le front politique, la Libye a connu depuis la chute de Kadhafi pas moins de neuf gouvernements, vécu deux guerres civiles et n'est jamais parvenue à organiser une élection présidentielle.
Signe des tensions exacerbées après la désignation controversée d'un nouveau Premier ministre, des groupes armés de Misrata ont convergé ce weekend vers Tripoli pour témoigner leur soutien à l'actuel chef du gouvernement, se livrant à une démonstration de force au coeur de la capitale.
Arrangement
L'espoir d'une pacification était pourtant bien réel. Fin 2020, peu après l'échec du maréchal Khalifa Haftar -homme fort de l'Est- à conquérir Tripoli, un accord de cessez-le-feu a été signé, suivi du lancement d'un processus de paix parrainé par l'ONU.
C'est dans ce cadre que Dbeibah a été désigné, il y a an, à la tête d'un nouveau gouvernement de transition, avec pour mission d'unifier les institutions et de conduire le pays à des élections présidentielle et législatives en décembre.
Mais des querelles persistantes ont entraîné le report, sine die, de ces élections, sur lesquelles la communauté internationale fondait de grands espoirs pour stabiliser un pays devenu à la faveur du chaos une plaque tournante de l'émigration clandestine vers l'Europe.
En dépit de cet échec politique, il reste "une myriade de sujets sur lesquels la Libye progresse", nuance Jalel Harchaoui, chercheur spécialiste de la Libye.
"La Libye n'a connu aucun échange de feu majeur depuis juin 2020. Parmi les élites, de nombreux ennemis mortels d'il y a deux ans se parlent, voire s'allient dans certains cas. Ceci constitue le début d'une réconciliation", note-il.
En décembre, alors qu'un report de l'élection se profilait, Bachagha, une figure de l'Ouest et candidat à la présidentielle avortée, s'est ainsi rapproché du camp rival en se rendant à Benghazi (Est), où il a rencontré, au nom de la réconciliation nationale, le maréchal Haftar.
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Il ne s'agit désormais plus d'un conflit Est-Ouest, mais d'un arrangement entre acteurs clefs des deux régions.
Fort du soutien du Parlement siégeant dans l'Est, du Haut Conseil d'Etat (HCE) --chambre haute libyenne basée à Tripoli (ouest)-- et de l'armée de Haftar, Fathi Bachagha a jusqu'au 24 février pour former son gouvernement et le soumettre au Parlement.
Reste à savoir si Dbeibah accepte de céder le pouvoir.