Ces combats, d'une ampleur sans précédent à Tripoli depuis près deux ans et l'échec en juin 2020 de la tentative du maréchal Haftar de s'en emparer par la force, sont symptomatiques du chaos auquel la Libye est en proie depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Les combats entre milices rivales ont débuté dans la nuit de lundi à mardi après l'arrivée à Tripoli du Premier ministre désigné par le Parlement siégeant à l'Est, Fathi Bachagha, accompagné de plusieurs ministres de son équipe, selon un correspondant de l'AFP sur place, qui n'a pas été en mesure d'identifier précisément les factions s'affrontant.
En milieu de matinée mardi, après plusieurs heures de combats, le service de presse de Bachagha a indiqué dans un communiqué que ce derniers et ses ministres avaient «quitté Tripoli pour préserver la sécurité (...) des citoyens».
Bachagha, investi par le Parlement en mars, entendait par ce coup de force inattendu prendre ses fonctions à Tripoli en dépit du refus catégorique de l’exécutif actuel dirigé par Abdelhamid Dbeibah de céder le pouvoir avant la tenue d'élections. Le scrutin initialement prévu en décembre a été reporté sine die.
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Dans la région de Tripoli, les deux camps disposent du soutien de groupes armés encore très influents dans l'ouest du pays, mais dont les allégeances sont mouvantes.
"Al Nawasi", une importante milice de la capitale, s'était notamment félicitée de l'arrivée de Bachagha, avant son retrait.
Appel à la retenue
De son côté, le gouvernement siégeant à Tripoli, né début 2020 d'un processus politique parrainé par l'ONU, n'a pas réagi aux événements survenus ces dernières heures.
Selon des médias libyens, le départ de Bachagha de la capitale a été décidé lors d'une médiation menée par une brigade de l'armée loyale au gouvernement de Tripoli pour mettre fin aux combats.
La conseillère spéciale du secrétaire général de l'ONU pour la Libye, Stephanie Williams, a appelé sur Twitter à la «retenue», en insistant «sur la nécessité absolue de s'abstenir de toute action provocatrice».
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«Les Etats-Unis sont très préoccupés par les informations faisant état d'affrontements armés à Tripoli. Nous demandons instamment à tous les groupes armés de s'abstenir de recourir à la violence et aux dirigeants politiques de reconnaître que prendre ou conserver le pouvoir par la violence ne fera que nuire au peuple libyen», a déclaré de son côté l'ambassade américaine à Tripoli.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a lui évoqué une situation «devenue très grave ces dernières heures».
«Nous nous attendions à ce que quelque chose comme ça se produise parce qu'en Libye nous n'avons pas eu d'élections mais nous avons deux gouvernements (...) Et tôt ou tard, quand il y a deux gouvernements, ils s'affrontent», a-t-il déclaré à Bruxelles.
Blocus pétrolier
Dans une vidéo diffusée par des médias locaux, Bachagha, ancien ministre de l'Intérieur, avait affirmé tôt mardi avoir été «très bien accueilli» à Tripoli, et annoncé la tenue d'une conférence de presse en soirée durant laquelle il ferait «un discours d'unité au peuple libyen».
Depuis 2011, la Libye, vaste pays de sept millions d'habitants, est minée par les divisions entre institutions concurrentes dans l'Est et l'Ouest et par l'insécurité.
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La production pétrolière, principale source de revenus du pays, est otage des divisions politiques, avec une vague de fermetures forcées de sites pétroliers ces dernières semaines.
Considérés comme proches du camp de l'Est, les groupes à l'origine des blocages réclamaient le transfert du pouvoir à Bachagha ainsi qu'une meilleure répartition des revenus pétroliers.
Entre 2014 et 2021, le pays s'était déjà retrouvé avec deux gouvernements rivaux. Mais il ne s'agit désormais plus d'un conflit Est-Ouest, mais d'un arrangement entre acteurs clefs des deux régions.
Bachagha étant lui-même un poids lourd de l'Ouest de la Libye, il a noué des alliances aussi bien avec le maréchal Khalifa Haftar qu'avec le président du Parlement basé dans l'Est, Aguila Saleh, au nom de la réconciliation nationale.