Universités françaises. Covid-19: une année universitaire difficile en perspective pour les étudiants africains

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Le 23/08/2020 à 11h49, mis à jour le 23/08/2020 à 22h47

La rentrée universitaire s’annonce difficile pour les étudiants africains poursuivant leurs études dans les universités françaises. Fermeture des frontières, retard des examens du bac et inscriptions, frais de scolarité, manque de petits boulots, etc. Explications. 

La rentrée universitaire en France est prévue dans quelques jours et les autorités françaises privilégient le présentiel, mais avec des mesures sanitaires dans les espaces clos (port du masque, distanciation physique, etc.). En clair, les autorités françaises comptent mettre fin à la désertion des amphithéâtres depuis le 16 mars dernier à cause de la pandémie du coronavirus.

Mais si les universités et grandes écoles françaises devront ouvrir leurs portes, globalement, chez les étudiant africains, qui représentent plus de 46% des étudiants extra-communautaires, l’année qui démarre est source d’incertitudes et d’inquiétudes, du fait des conséquences de la crise sanitaire qui prévaut, et surtout du manque de visibilité quant à l’évolution de la pandémie dans les semaines et mois à venir. 

A quelques jours du démarrage de l’année universitaire 2020-2021, c’est l’expectative pour de nouveaux bacheliers, qui souhaitent poursuivre leurs études en France et pour de nombreux étudiants déjà inscrits mais qui se trouvent encore bloqués dans leur pays. 

Visa et voyage

D’abord, le premier problème auquel font face les étudiants, les nouveaux plus précisément, est celui du visa d’entrée en France. Les autorités consulaires françaises sont autorisées depuis le 18 août à délivrer des visas aux étudiants et aux chercheurs internationaux pour séjourner en France, selon Campus France, dans certains pays, les étudiants sont toujours dans l’attente. «Je suis pré-inscrite et au consulat on m’a demandé d’attendre encore», affirme une étudiante mauritanienne, qui s’apprête à rejoindre une université française pour y poursuivre des études en master. 

Les autorités françaises avaient annoncé que tout sera mis en œuvre pour faciliter l’arrivée des étudiants étrangers. Seulement, entre les promesses et les actes, il y a souvent un fossé qui peut se creuser avec les effets du coronavirus. 

Il faut dire qu’à cause de la pandémie du Covid-19, la situation des étudiants africains a connu un véritable chamboulement. En effet, l’Union européenne, a mis en place une liste rouge des pays dont les ressortissants sont soumis à des restrictions pour entrer dans l’espace Schengen. En plus, les procédures pour entrer en France diffèrent, selon les pays d’origine des étudiants.

Globalement, les étudiants venant des pays classés sur la liste rouge européenne (tous les pays africains, hormis le Rwanda et la Tunisie) doivent obligatoirement disposer d’une attestation de déplacement dérogatoire (à télécharger sur le site du ministère de l’intérieur) qu’ils doivent présenter aux compagnies aériennes et au niveau des contrôles aux frontières. 

En outre, ils doivent se munir d’une attestation sur l’honneur d’absence de symptômes d’infection au Covid-19, et de contact avec un cas confirmé. De même, l’étudiant doit indiquer son lieu de résidence en France. Une condition qui n’est pas évidente pour les nouveaux arrivants, qui ont l’habitude de se débrouiller en attendant de se stabiliser, en logeant chez des amis ou des parents, le temps de régler leurs problèmes d’inscription et de logement.

Par ailleurs, certains étudiants venant de certains pays africains (Afrique du Sud, Madagascar, Guinée Equatoriale, etc.) doivent fournir un test PCR datant de moins de 72 heures avant le jour d’arrivée, ou le réaliser une fois en France. 

Au Maroc, ils sont près de 10.000 étudiants qui partent pour la France, dont une grande partie d’étudiants nouvellement inscrits pour l’année universitaire 2020-2021 et donc munis d’un visa étudiant. Un programme lié au départ de ces étudiants est en cours de finalisation et les premiers vols sont prévus dès la fin de ce mois d’août en cours. 

Le visa n’est pas le seul casse-tête pour certains étudiants. Ainsi, à quelques jours de l’ouverture de l’année universitaire, de nombreux étudiants africains souhaitant poursuivre leurs études dans les universités et écoles françaises sont plongés dans l’incertitude.

En effet, à cause du Covid-19, dans certains pays africains, comme c’est le cas pour le Maroc, le Sénégal, la Mauritanie et tant d’autres, les examens du baccalauréat ont été retardés. Certains élèves l’ont passé en juillet (Maroc), août (Sénégal) alors que d’autres l’attendent pour septembre (Mauritanie). Pour les élèves ayant obtenu des pré-inscriptions conditionnées à l’obtention du bac, c’est l’expectative. 

Malgré le fait que les universités aient allongé leurs délais du 30 avril au 30 juin pour répondre aux demandes d’admission préalable, ceux qui passent le bac en septembre, au moment où les cours débutent dans les universités françaises, le retard risque d'être lourd de conséquence. 

Et pour les étudiants qui n’arriveront pas à rejoindre la France dans les délais, ceux-ci pourront bénéficier de l’enseignement à distance, en attendant de régler les derniers détails de leur voyage, une fois leur bac en poche. 

Frais de scolarité: la hausse vertigineuse des frais d'inscription

Une fois l’étape du visa et du voyage accompli, les nouveaux étudiants doivent faire face à la hausse considérable des frais de scolarité. Le problème de la hausse des frais de scolarités dans les universités françaises pour les étudiants extra-communautaires, dont environ 46% sont Africains, connaît cette année une nouvelle tournure après que le Conseil d’Etat français ait validé la hausse des frais. 

Ces frais universitaires devraient passer pour les étudiants extra-universitaires de 170 à 2.770 euros pour la licence, soit 16 fois plus, et de 380 à 3.770 euros en master et doctorat, soit environ 10 fois plus.

Si de nombreuses universités ont trouvé des parades pour ne pas faire supporter ces augmentations aux étudiants étrangers, certains étudiants ne pourront pas y échapper. 

Cette décision du Conseil d’Etat intervient dans le contexte particulier. Selon Modibo Massaké, porte-parole du Collectif des étudiants étrangers en France, interviewé en début juillet dernier par TV5 Monde, «cette décision du Conseil d’Etat intervient déjà dans un contexte où les étudiants étrangers ont été frappé de plein fouet par la crise sanitaire», expliquant qu’«il y a des étudiants qui ont perdu leurs activités économiques et des étudiants qui ont perdu leurs logements». 

Mais il faut souligner que de nombreuses universités françaises ont trouvé une parade en recourant à un décret de 2013, qui leur permet de contourner cette réforme en exonérant des frais d’inscription certains de leurs étudiants, dans la limite de 10% du total des élèves inscrits. En conséquence, cette hausse devrait concerner surtout une poignée d’universités n’ayant pas opté pour des exonérations, et celles comptant une proportion très importante d’étudiants étrangers, dépassant 10% de leurs effectifs globaux. 

Conditions de vie des étudiants plus difficiles

Pour les étudiants qui arriveront à franchir ces obstacles, il faudra compter sur des conditions de vie qui pourraient devenir plus difficile à cause de la conjoncture, marquée par les conséquences de la pandémie.

A ce titre, il faut souligner que la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) a publié, lundi 17 août, un document alertant contre l’augmentation du coût de la vie étudiante pour l’année 2020-2021. D’abord, selon ce syndicat, le coût moyen de la rentrée pour un étudiant non boursier s’élèvera à 2.361 euros, en hausse de 3,21% par rapport à 2019. 

Cette hausse du coût de la vie est expliqué par «les effets de la crise sanitaire, sociale et économique qui touche davantage des jeunes». 

Pour faire face aux conditions de vie plus difficile, les demandes de travail émanant des étudiants vont être plus fortes, «mais avec la crise du coronavirus, il y a moins d’offres», comme le souligne le rapport de la FAGE. De plus, ceux qui avaient des petits boulots l’ont généralement perdu avec le Covid-19, et le confinement sanitaire. 

Il faut souligner qu’en tant qu’étudiant étranger, ceux-ci n’ont le droit de travailler au maximum que 20 heures par semaine. 

Durant la période estivale, propice pour multiplier les petits boulots et faire un peu d’épargne, à cause du Covid-19, les boulots d’appoint ont manqué dans certaines villes, et du coup, ce sont les revenus pour préparer les débuts de l’année universitaire qui se sont envolés.

Et c'est dans les petites villes dont certaines sont prisées par les étudiants africains que les petits boulots manquent le plus actuellement.

Du coup, la précarité estudiantine, relativement perceptible depuis quelques années dans certaines villes, risque de croître encore plus, et de manière inquiétante, pour certaines catégories d’étudiants, notamment pour les nouveaux arrivants, qui doivent consacrer du temps pour les formalités administratives et du temps pour trouver où se loger. 

Or, en dehors des étudiants qui arrivent à trouver des chambres dans les cités, les autres doivent faire face au coût du loyer de la chambre. Celui-ci varie d’une ville à une autre, et même d’un quartier à un autre dans une même ville. Dans certaines villes, come Brest, selon un étudiant mauritanien, le loyer peut se situer dans les 160 euros en colocation, alors qu'il faut 200 euros pour une chambre dans les résidences universitaires. Dans les grandes villes, le prix du loyer d'une chambre peut ateindre des sommets.

Une situation d’autant plus préoccupante qu’à cause de la crise actuelle, les soutiens des familles vivant en Afrique deviennent hypothétiques pour certains étudiants.

Et avec la reprise des cours en présentiel, se pose de nouveaux défis aux étudiants qui doivent consacrer des dépenses supplémentaires pour respecter les conditions sanitaires exigées par les autorités dans les universités, notamment le port systématique du masque (il faut 2 à 3 masques chirurgicaux quotidiennement si on respecte les exigences sanitaires) dont le coût est cher en France (entre 60 et 95 centimes l'unité) et de désinfectants, surtout pour des étudiants qui ont du mal à trouver des petits boulots qui leur permettrait de joindre les deux bouts. 

Dans certaines villes, certains étudiants se retrouvent contraints de grossir régulièrement les rangs des bénéficiaires de distribution alimentaires octroyés par certains organismes.

La conséquence de ces conditions de vie qui s’annoncent difficiles sera une situation qui pourrait impacter négativement sur les résultats des étudiants. 

Pour remédier à ces problèmes, les autorités françaises ont mis un numéro vert à destination des étudiants (0 806 000 278) et une plateforme, SupSolidaire. Campus France, l’Union nationale des étudiants d France (UNEF) et d’autres interlocuteurs essayent d’aider les étudiants étrangers durant cette période difficile.

Outre les aides financières (bourses de couverture sociale) dont bénéficient certains étudiants, des organisations viennent aussi en aide aux étudiants en situation difficile. 

Les pays africains également, en dépit de la crise, doivent soutenir leurs étudiants qui risquent de vivre une année universitaire difficile, surtout si la pandémie n’est pas vaincue avant le début de l’année prochaine. 

Le soutien des Etats devient donc une nécessité, afin que les étudiants puissent se concentrer davantage sur leurs études. A ce titre, dans le cadre du soutien aux Sénégalais de l’extérieur, les étudiants sénégalais non-boursiers ont pu bénéficier d’un forfait minimal de 200 euros revalorisé en fonction de la situation de certains étudiants dans le cadre du programme d'aide àla diaspora pour faire face au Covid-19. Si ce montant est dérisoire, il a toutefois le mérite d’exister. 

C'est dire que les soutiens des Etats africains envers leurs étudiants sont nécessaires en cette période difficile, particulièrement les nouveaux inscrits.

Enfin, rappelons que la France comptait durant l’année universitaire 2019-2020 quelques 343.000 étudiants étrangers, dont plus de 46% sont du continent africain, venant notamment du Maroc (39.855 étudiants), d’Algérie (30.521 étudiants), de Tunisie (12.842 étudiants), du Sénégal (10.974 étudiants), de Côte d’Ivoire (8.085 étudiants), du Cameroun 6.878 étudiants), du Congo (4.875 étudiants), du Gabon (4.549 étudiants), ou encore, entre autres, du Bénin (3.181 étudiants).

Par Moussa Diop
Le 23/08/2020 à 11h49, mis à jour le 23/08/2020 à 22h47