Le contrat d’exploitation du gazoduc Maghreb-Europe liant l’Algérie à l’Espagne, en traversant le Maroc, qui expire en novembre prochain, sera-t-il renouvelé?
Si la question n’est pas tranchée, aussi bien du côté marocain qu’algérien, après 25 ans d’exploitation sans couacs, les nuages semblent s’amonceler dans le ciel de ce projet, l’un des rares sur lesquels ont collaboré les deux pays dont la frontière terrestre commune est fermée depuis 1994.
Et si l’on s’en tient au média algérien L’Expression, le contrat d’exploitation du gazoduc qui expire en novembre 2021, après un quart de siècle d’exploitation, ne sera pas renouvelé par Alger.
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Selon le média, cette décision aurait été prise après la mise en service il y a quelques semaines de l’extension du gazoduc EGPDF allant d’El Aricha à Beni Saf sur une distance de 197 km, qui a permis de renforcer les capacités d’exportation du gaz algérien via le gazoduc Medgaz qui relie directement les installations de Béni Saf en Algérie à Almeria en Espagne. Ce gazoduc, porté par la Sonatrach et Naturgy (compagnie espagnole de distribution et commercialisation de l’électricité et du gaz), opérationnel depuis 2011, avec une capacité initiale de 8 milliards de nm3, permet à la Sonatrach de commercialiser une bonne partie de son gaz destiné au marché ouest-européen.
Grâce à cette extension, "l’Algérie, tout en anticipant tout conflit d’intérêts avec le Maroc, pourra utiliser Medgaz pour transporter la totalité des 10 milliards de mètres cubes de gaz (prévus dans le contrat, Ndlr) qu’elle a contractés avec l’Espagne sans avoir à passer par le Maroc", souligne le média.
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Pour sa part, Algérie Eco accuse le Maroc de ne pas envisager le renouvellement du contrat du gazoduc à cause des tensions diplomatiques entre Rabat et Madrid, citant El Confidencial Digital, qui avance la forte probabilité que cet accord ne soit pas reconduit.
Toutefois, une source marocaine ayant souhaité garder l’anonymat qualifie les accusations des médias espagnols et algériens de "pure intox". "Aucune décision n’a été prise concernant le renouvellement du contrat du gazoduc. Et il n’y aura pas de fermeture de l’approvisionnement en gaz de l’Espagne de la part du Maroc". Et en ce qui concerne le renouvellement, la source avance que "s’il y a une décision, celle-ci sera prise au plus haut niveau des autorités des deux pays".
Notre source estime probable qu’avec l’extension de la capacité du gazoduc Medgaz que l’«Algérie diminue l’approvisionnement en gaz de l’Espagne via le gazoduc Maghreb-Europe», sachant qu’au terme du contrat, la partie marocaine du gazoduc appartiendra au Maroc.
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Dans leur intox, les médias algériens avancent que le non renouvellement du contrat du gazoduc va priver le Maroc d’importantes redevances et impacter l’économie marocaine.
Il faut rappeler que le Maroc perçoit quelque 7% de redevances sur le gaz transitant sur son territoire, soit entre 650 et 800 millions de nm3 de gaz par an. En valeur, les redevances varient en fonction de l’évolution du cours du gaz qui est corrélé à celui du pétrole. Ainsi, la plus importante redevance a été enregistrée en 2014, lors de la flambée des cours du pétrole, avec un montant de 2,4 milliards de dirhams, contre moins de 500 millions de dirhams en 2020 dans le sillage de la chute du cours de l’or noir, de la baisse de la demande de gaz à cause de la pandémie et de la chute des exportations algériennes en gaz vers le marché espagnol à cause d’une concurrence américaine accrue.
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Pour Alger, le fait de priver le Royaume de cette manne, dans le contexte actuel, peut être considéré comme de bonne guerre. Seulement, pour le Maroc engagé dans un processus de diversification de ses sources énergétiques, la redevance en gaz est certes une aubaine, cependant si la décision de non renouvellement du contrat du gazoduc Maghreb-Europe est décidée par Alger, elle impactera très peu l’économie marocaine. En 2020, les revenus tirés du transit de gaz algérien via le gazoduc Maghreb-Europe ont chuté de 55%, par rapport à 2019, dans le sillage de la baisse des exportations algériennes vers l’Espagne, pour s’établir à 51 millions de dollars, sans avoir d'effets sur les finances publiques locales.
En outre, afin de limiter sa dépendance vis-à-vis du gaz algérien, le Maroc a déjà mis en place un plan national du gaz naturel liquéfié reposant sur trois piliers: la construction d’un terminal GNL (stockage et regazéification), la transformation du gaz en électricité (Gas to power) et l’approvisionnement gazier de l’industrie (Gas to industry).
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De même, les découvertes de gaz, même en faibles quantités, peuvent réduire l’impact d’une non-reconduction du contrat du gazoduc entre l’Algérie et le Maroc. Outre le gaz de Tendrara qui peut satisfaire 9% des besoins du Royaume, d’autres découvertes ont été faites au cours de ces dernières années et devraient contribuer à limiter la dépendance du Maroc vis-à-vis du gazoduc.
En clair, l’impact économique sera faible sur l’économie marocaine.
Enfin, le Royaume met depuis quelques années un accent particulier sur les énergies renouvelables (solaire et éolien) pour réduire, avec beaucoup de succès, sa dépendance aux énergies fossiles.
Reste à savoir le pourquoi de l’intox des médias algériens et espagnols durant cette période. Il pourrait s’agir d’un jeu de poker-menteur que se livrent les autorités algériennes à quelques mois de la fin du contrat du gazoduc. Car pour les intérêts des trois pays –Algérie, Maroc et Espagne–, la reconduction du contrat du gazoduc Maghreb-Europe ne fait pas l’ombre d’un doute.
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Ainsi, les annonces des médias algériens et espagnols ressemblent davantage à de l’intox s’inscrivant dans des stratégies visant à négocier en position de force sur un certain nombre de points relatifs à la durée et au montant de la redevance, sachant que la partie du gazoduc traversant le territoire marocain sera une propriété unique du Maroc au terme du contrat qui prend fin en novembre prochain.
D’ailleurs, en octobre 2018, lors du 11e Congrès arabe de l’énergie organisé par l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP), alors que les rumeurs faisaient état d’un non-renouvellement de ce contrat, le responsable algérien de l’Energie de l’époque, Mustapha Guitouni, et son homologue marocain, Aziz Rebbah, présents lors de cette manifestation, avaient exprimé la nécessité de sa reconduction.
En tout cas, plusieurs facteurs militent pour ce renouvellement. D’abord, il faut souligner qu’en presque 25 ans d’exploitation, le fonctionnement du gazoduc n’a jamais été impacté par les tensions diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, en dépit de la fermeture de leurs frontières terrestres depuis 27 ans.
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Ensuite, l’approvisionnement de l’Espagne et du Portugal est fondamental pour l’Algérie. Or, le gazoduc Maghreb-Europe qui relie le Maroc et l’Espagne via le Détroit de Gibraltar avant d’irriguer en gaz l’Espagne et le Portugal est mieux approprié que celui de Medgaz qui débouche à Almeria. Le gazoduc dont la capacité de transit a été portée à 13,5 milliards de mètres cubes normaux (nm3) permet annuellement le transit de plus de 10 milliards de nm3, assurant d’importantes recettes à l’Algérie, grâce notamment à sa compétitivité comparativement au transport via des méthaniers.
Le gazoduc a ainsi prouvé ses avantages en termes de sécurité en garantissant l’approvisionnement continu des marchés européens.
Par ailleurs, si l’augmentation des capacités du gazoduc Medgaz est avancée pour justifier l’abandon du gazoduc Maghreb-Europe, cette décision semble être trop risquée pour l’économie algérienne qui repose uniquement sur les hydrocarbures qui pèsent 95% des recettes d’exportation du pays. Reposer sur un seul gazoduc peut s’avérer périlleux dans un marché européen très concurrentiel où toute rupture d’approvisionnement peut coûter très cher. "Nous avons lancé un deuxième gazoduc pour augmenter notre capacité et pas pour fermer la voie du gazoduc Maghreb-Europe existant", avait d’ailleurs souligné en 2018, l’ancien PDG de la Sonatrach Abdelmoumen ould Kaddour.
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En plus, on voit mal, économiquement parlant, après un quart de siècle d’exploitation sans couacs, l’Algérie abandonner un oléoduc de 1.400 km (520 km en territoire algérien, 540 km en territoire marocain, 45 km constituant le tronçon maritime et 270 km en Espagne) dont les importants investissements ont été totalement amortis et qui assure en conséquence une compétitivité sur le marché espagnol et portugais.
Enfin, l’argument avancé par El Confidencial Digital selon lequel l’Espagne craint des représailles du Maroc pour son approvisionnement suite aux tensions diplomatiques entre les deux pays semble faible et sans fondement. Pour preuve, les deux pays ont traversé des tensions durant ce dernier quart de siècle dont la "crise de l’îlot Leila" et jamais le Maroc n’a joué la carte du gazoduc pour menacer l’approvisionnement en gaz de l’Espagne.
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En clair, les trois pays ont tous à gagner dans la reconduction du gazoduc Maghreb-Europe. Toutefois, le vrai problème est celui du régime algérien qui, en mal de reconnaissance interne, multiplie depuis quelques mois menaces et accusations à l’encontre de son voisin marocain et ne manquera pas d’exploiter un tel arrêt comme un signe d’indépendance vis-à-vis du Royaume, et ce quelles que soient les conséquences sur l’économie algérienne.