Quatre-vingt chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union africaine (UA) et de l’Union européenne (UE) participent les 17 et 18 février 2022, au 6e Sommet UE-Union africaine à Bruxelles pour poser les nouveaux jalons d’une coopération entre les deux partenaires.
Les discussions se tiennent autour de 7 tables rondes dans le but d’éviter la litanie des discours et d’aller directement à l’essentiel.
Le président français, Emmanuel Macron, actuellement président du Conseil de l’UE, a donné le ton en soulignant, à la veille de la rencontre, selon TV5 Monde, «nous voulons un sommet qui change la donne». Lui emboîtant le pas, Macky Sall, président du Sénégal et de l’Union africaine, a appelé à «un partenariat rénové, modernisé et surtout orienté vers l’action».
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Il faut dire que la donne a commencé à changer depuis quelques années. Les pays africains se libèrent jour après jour de leurs liens historiques avec les anciennes puissances coloniales. Et la tendance devrait même s’accélérer durant les toutes prochaines années avec la nouvelle génération de leaders africains qui aspirent à l’émancipation vis-vis des puissances européennes.
Ainsi, les deux parties sont désormais sûres qu’il faut rompre avec les relations passées qui n’ont pas du tout contribué à l’émancipation du continent africain et encore moins à son développement au cours de ces 60 dernières années. Et à ce titre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a cru faire une offre alléchante à l’Afrique en annonçant, à Dakar, au Sénégal, un pactole de 150 milliards d’euros pour la période 2022-2027 au profit du continent et ce, dans le cadre d’un méga-plan d’investissement dénommé Global Gateway (Portail mondial), soit une moyenne de 25 milliards d’euros par an. Selon elle, ces financements vont aller à «des projets voulus et portés par les Africains pour la transformation de leurs économies. Plus question de leur dire ce qu’il faut faire. C’est ça, la nouvelle donne du partenariat».
C’est un changement de taille concernant le partenariat Europe-Afrique, même si Bruxelles continue de souligner que les l’Etat de droit et le respect des droits humaines continueront à être surveillés de près dans le cadre des relations avec les pays africains.
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Toutefois, en parlant d’un «New deal économique et financier avec l’Afrique», le président français a donné une idée sur l’affectation de ses ressources qui iront dans des projets liés aux infrastructures, au numérique, à l’énergie, à l’éducation, à la santé et au climat. Autant de secteurs clés pour le développement du continent africain. Les pays africains qui présenteront des atouts en termes de compétences, de sécurité, de potentiels de développement des énergies renouvelables, de progrès numériques et de stratégies de développement qui tiennent la route seront certainement ceux qui seront les mieux servis.
L’enveloppe sera déployée par les 27 pays membres de l’UE, les institutions européennes et le secteur privé du vieux continent.
C’est une enveloppe intéressante quand on sait que l’Afrique a besoin d’un financement additionnel d’au moins 252 milliards de dollars sur la période 2021-2025 pour contenir le choc de la pandémie du Covid-19 et amorcer la relance économique.
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C’est dire que le budget alloué par le programme Global Gateway, si important soit-il, restera largement insuffisant face aux besoins de financement du développement du continent. En effet, il ne couvre que 70% des besoins de financement additionnel pour cette période 2021-2025.
Reste que derrière ce sommet et cet engagement financier historique, beaucoup d’observateurs y voient une volonté manifeste de l’Europe de vouloir contrer la percée des nouveaux partenaires du continent, dont particulièrement la Chine.
En effet, l’annonce de ce financement du programme Global Gateway est perçue comme une réponse européenne à celui du Belt and Road Initiative, lancé par la Chine en 2013 et dont les financement se situent autour de 1.000 milliards d’euros actuellement et qui a permis la réalisation de bien des projets d’infrastructures en Afrique, contribuant aux performances économiques de nombreux pays du continent, notamment ceux qui figurent parmi les plus dynamiques au cours de ces dernières années (Ethiopie, Kenya, Ouganda, Tanzanie…).
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Avant l’annonce du financement des 27 pays européens, la Chine s’était engagée, lors du dernier Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA), qui avait réuni 55 pays -54 pays africains et la Chine- à Dakar, capitale du Sénégal, sur un nouveau Plan d’action pour la période 2022-2024, dans le cadre de la Vision 2035 de la coopération sino-africaine. Ainsi le géant chinois avait-il promis une enveloppe de 40 milliards de dollars.
La Chine est de loin le premier partenaire économique du continent depuis une décennie. Et aujourd’hui, l’essentiel des projets d’infrastructures réalisés et/ou en cours de réalisation au niveau du continent sont le fait de Pékin et des entreprises chinoises et financés par le partenaire chinois. Ainsi, actuellement, l’essentiel des projets structurants (barrages hydroélectriques, autoroutes, chemins de fer, ports, centrales électriques…) du continent, notamment en Afrique subsaharienne, sont financés et réalisés par la Chine. Actuellement, ce sont plus de 10.000 entreprises chinoises qui y opèrent. C’est dire que la Chine reste un partenaire incontournable de l’Afrique.
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Pékin est très généreux avec les pays africains en leur évitant les affres procédurales et très couteuses (taux d’intérêt) du FMI et des institutions financières occidentales et surtout en ne conditionnant pas ses financements à des problèmes d'Etat de droit et de respect des droits humains dans le cadre des politiques à géométrie variables selon les Etats.
Certes, cela se traduit par un endettement massif des pays africains, mais ceux-ci n’ont pas d’autres choix, surtout à cause des prêts conditionnés des institutions financières telles que le FMI et la Banque mondiale, et des pays européens.
Bref, la révision du partenariat Europe-Afrique est plus que nécessaire. Toutefois, les Européens doivent savoir que celle-ci ne doit pas se faire en pensant que le continent doit revoir ses relations avec ses autres partenaires dont particulièrement la Chine, mais aussi la Russie et la Turquie qui affichent leurs ambitions en Afrique. Et ce d’autant plus que les besoins de financement du continent sont énormes.
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Mieux, ce sont les pays africains qui doivent aujourd’hui, plus que jamais, penser à la transformation de leurs économies en sortant du modèle économique global d’exportateurs de matières premières (pétrole, minerais, gaz…) et d’importateurs de produits finis, hérité de la période coloniale et dont ils ont du mal à se départir plus de 60 ans après les indépendances.
A ce titre, l’Europe, qui a subi les conséquences néfastes de la crise sanitaire du Covid-19, qui a montré sa dépendance vis-à-vis de l’Asie, a les atouts et les moyens pour diversifier géographiquement ses approvisionnements en relocalisant certaines unités gourmandes en main d’œuvre en Afrique où les coûts salariaux sont plus bas. Des relocalisations qui pourraient créer des emplois et atténuer la pression migratoire africaine sur l’Europe. C’est sur ce point stratégique de reventilation du système productif européen dans un espace géographique intégrant l’Afrique que l’Europe pourra créer un partenariat gagnant-gagnant avec le continent et non en continuant à baser ses échanges uniquement sur l’importation des matières premières sans valeur ajoutée.
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La formation des ressources humaines sur le continent et la réorientation des centres de sous-traitances au niveau des pays africains peuvent contribuer, dans un avenir proche, à l’émergence en Afrique de pôles à fort impact technologique et au développement du continent.
En clair, au-delà des 150 milliards d’euros annoncés, ce qu’attendent les Africains de ce 6e sommet UE-UA, c’est un véritable changement de paradigme dans la relation entre les deux parties.