IDE marocains en Afrique: après l’essoufflement une nouvelle dynamique attendue

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Le 10/07/2016 à 16h57

Les entreprises marocaines ont investi plus de 20 milliards de dirhams en Afrique subsaharienne depuis 2008. Après une certaine euphorie suivie d’un ralentissement, de nouveaux acteurs devraient redynamiser ces investissements marocains sur le continent en ciblant des secteurs à fort potentiel.

L’investissement intra-africain a augmenté de 12% en moyenne au cours des 10 dernières années. Le Maroc y occupe une place prépondérante. A titre d’illustration, en 2015, le royaume a même supplanté la France comme premier investisseur au niveau du guichet du Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire, avec une part de 22%, juste derrière les entreprises ivoiriennes (31%), mais devant les opérateurs français (16%).Globalement, ces investissements directs étrangers (IDE) marocains en Afrique subsaharienne fluctuent d’une année à l’autre au gré des opportunités qui s’offrent aux entreprises marocaines à la recherche d’opportunités et de relai de croissance sur le continent.Sur ces dernières années, globalement, après une tendance haussière enregistrée entre 2008 et 2010, durant laquelle ces IDE sont passés de 2,18 milliards de dirhams à 4,42 milliards de dirhams, un fléchissement a été enregistré sur la période 2011-2014, avec seulement 788 MDH en 2011, 1,61 milliard de dirhams en 2012 et 1,4 milliard de dirhams en 2014.Télécoms et banques en têteCette décélération des investissements s’explique par une conjonction de plusieurs facteurs. D’abord, les banques qui étaient à l’origine de plus de la moitié des IDE marocains sur le continent ont décéléré le rythme de leur développement sur le continent.Outre l’injonction de Bank Al-Maghrib de réguler leur croissance afin d’éviter certains risques liés à leur expansion rapide sur le continent, ce ralentissement s’explique aussi par les relais pris par les filiales africaines des banques. Ainsi, pour Attijariwafa bank, la Banque populaire et BMCE Bank of Africa, le développement sur le continent se fait désormais indirectement via leurs filiales africaines respectives : CBAO, Banque atlantique et Bank of Africa. En plus, la conjoncture économique difficile qui touche également le continent a contribué au ralentissement des investissements.Il faut noter tout de même que 2015 a été relativement faste avec des IDE dépassant les 6 milliards de dirhams. Toutefois, cette hausse est tirée par une opération exceptionnelle, l’acquisition par Maroc Telecom des participations de 6 filiales africaines de sa nouvelle maison mère l’émirati Etisalat pour un montant global de 474 millions d’euros, soit 5,1 milliards de dirhams.Ainsi, sur la période 2008-2015, et en dépit d’une conjoncture économique mondiale difficile, les entreprises marocaines ont investi un peu plus de 20 milliards de dirhams en Afrique subsaharienne, soit plus de la moitié des IDE sortant du Maroc.Par secteur d’activité, sur cette période, ce sont les télécoms, avec Maroc Telecom, qui sont les premiers investisseurs avec un montant cumulé sur la période de plus de 7,4 milliards de dirhams. Grâce à ces investissements, l’opérateur est aujourd’hui présent dans 9 pays africains avec 10 filiales.Viennent ensuite les banques -Attijariwafa bank, BMCE Bank of Africa et Banque populaire- avec environ 6,5 milliards de dirhams d’investissement sur la période. Elles sont aujourd’hui présentes dans plus d’une vingtaine de pays africains. Une présence qui contribue fortement à l’implantation d’entreprises marocaines sur le continent.Les assureurs suiventEn retrait de ce mouvement jusqu’à une période récente, les compagnies d’assurance marocaines aussi se sont réveillées. Grâce à Saham Group et l’acquisition du groupe Colina, l’assurance marocaine est aujourd’hui présente dans une vingtaine de pays du continent avec sa marque Saham Assurance.Ce dernier est suivi par Wafa Assurance et RMA Watanya. Les leaders du marché marocain des assurances, après avoir longtemps tergiversé sur la manière de pénétrer le marché africain, en misant sur des acquisitions de structures déjà existantes, ce qui a contribué à retarder leur implantation sur le continent, ont fini par opter pour des créations de filiales dans les pays ciblés : Côte d’Ivoire, Sénégal, Cameroun, etc.Du côté de l’immobilier, tous les grands acteurs locaux sont aujourd’hui engagés en Afrique dans le but de faire face à la crise du secteur immobilier marocain, via des relais de croissance sur le continent. C’est le cas d’Alliances, d’Addoha, Palmeraie développement, groupe Holmarcom, etc. Certains de ces opérateurs se sont engagés dans plusieurs pays africains: Côte d’Ivoire, Guinée, Sénégal, Cameroun, Burkina Faso, Mali, Congo Brazzaville, etc. Toutefois, rares sont les projets qui ont pu être menés à terme dans les délais.Certains promoteurs immobiliers marocains faisant face à des difficultés financiers au Maroc ont globalement revu leurs ambitions africaines à la baisse et certains d’entre eux n’ont pas pu respecter leurs engagements de livraison des premiers lots à temps.

Par ailleurs, d’autres acteurs se sont bien implantés. C’est le cas de Ciments de l’Afrique (CIMAF) qui compte aujourd’hui 12 unités opérationnelles sur le continent et 7 autres en cours de développement, devenant ainsi un acteur majeur du secteur du ciment en Afrique.De même, au niveau du secteur des métaux, Managem est aujourd’hui implantée dans 6 pays africains (Gabon, Ethiopie, Soudan, Congo, etc.) et ambitionne de porter son portefeuille dans au moins 15 pays à l’horizon 2018.En plus de ces grosses entreprises, il faut souligner aussi les investissements réalisés par de nombreuses enseignes marocaines de taille plus modeste et de PME dans l’optique de se rapprocher de leurs marchés : IB Maroc, Stroc, Sothema, etc.Facteurs favorablesDerrière le développement des investissements des entreprises marocaines, il y a bien évidemment la présence de banques marocaines qui facilitent les flux d’investissement des autres entreprises. Ensuite, il a aussi un cadre politique de coopération entre le Maroc et de nombreux pays africains, notamment ceux de l’Afrique de l’ouest et centrale. En outre, les pays africains offrent des opportunités d’investissement dans divers secteur, notamment dans ceux où les entreprises marocaines ont acquis de l’expertise et de l’expérience.Cette expansion des banques et entreprises marocaines s’explique aussi par la volonté de celles-ci de trouver des relais de croissance en Afrique subsaharienne afin de faire face à la relative saturation et à la maturité du marché marocain.A ce titre, il faut noter que certaines grandes entreprises marocaines réalisent actuellement une partie non négligeable de leur volume d’affaires et de leur bénéfice en Afrique subsaharienne via leurs filiales. A titre d’exemple, en 2015, 41% du chiffre d’affaires de Maroc Telecom sont réalisés en Afrique subsaharienne. De même, 31% du résultat net part du groupe de BMCE Bank of Africa sont réalisés en AFrique. C’est dire que les filiales africaines jouent leur rôle de relai de croissance pour de nombreuses entreprises marocaines.Perspectives prometteusesEnfin, du côté des perspectives, tout semble indiquer que les années à venir verront les investissements marocains se renforcer davantage au niveau du continent. Outre la volonté des banques d’aller vers des régions non francophones du continent, de nouveaux acteurs solides affichent clairement leurs ambitions d’investir en Afrique.C’est le cas notamment de la SNI -Société nationale d’investissement- qui s’est muée en fonds d’investissement panafricain à long terme. C’est à ce titre que la SNI et LafargeHolcim ont créé LafargeHolcim Maroc Afrique qui établira son siège au sein de Casa Finance City (CFC). Cette filiale commune va se lancer dans la production et l’exportation de ciments et de clinkers en Afrique. Elle va finaliser sa première opération d’investissement en Afrique avec l’acquisition du leader ivoirien du ciment, la Société ivoirienne de ciment et des matériaux (SOCIMAT).Cette société de matériaux de construction compte également investir dans de nombreux autres pays africains : Burkina Faso, Mali, Sénégal, RD Congo, Mauritanie et Congo. Des terminaux d’ensachage, de broyeurs et d’usines intégrées seront implantés dans ces pays.Outre le secteur du ciment et des matériaux de construction qui connaît une dynamique grâce au développement des infrastructures (routes, autoroutes, ponts, barrages, ports, etc.), Nareva Holding, filiale du groupe SNI et producteur indépendant d’énergie électrique, et Engie, acteur mondial de l’énergie, ont signé un protocole d’accord visant à développer ensemble des projets de production d’électricité en Afrique en ciblant l’Egypte, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Ghana et le Cameroun. Les deux partenaires comptent construire un portefeuille d’actifs de 5000 à 6000 MW entre 2020 et 2025 sur le continent.il faut, enfin, souligner l’ambition du groupe OCP, leader mondial des phosphates, qui prépare son expansion sur le continent en démarrant ses activités par des filiales en Côte d’Ivoire et en Ethiopie avec l’ambition de l’étendre dans une quinzaine de pays du Continent.

Par Moussa Diop
Le 10/07/2016 à 16h57