Après des mois de tensions, le gouvernement malien met fin à la mission des Nations Unies (Minusma)

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Le 17/06/2023 à 08h45

La retentissante demande de retrait de la mission de l’ONU au Mali (Minusma) faite vendredi par Bamako au Conseil de Sécurité parachève une dégradation constante de leurs rapports depuis l’accession des militaires au pouvoir en 2020.

La question des raisons de maintenir la Minusma dans ce pays confronté au jihadisme et à une profonde crise multiforme n’a cessé de se poser avec plus d’acuité ces derniers mois. Notamment en raison des obstacles dressés par la junte à l’accomplissement du mandat de la mission, des obstructions ouvertement dénoncées par l’ONU.

Cette détérioration a coïncidé avec la réorientation stratégique opérée par la junte, qui a rompu la vieille alliance du pays avec l’ancienne colonie française et s’est tournée militairement et politiquement vers la Russie.

Elle a eu lieu sur fond d’aggravation continue de la situation du pays non seulement sur le plan sécuritaire, avec l’emprise exercée par des groupes affiliés à Al-Qaïda et l’organisation Etat islamique sur de grandes parties du territoire, mais aussi humanitaire, avec des centaines de milliers de personnes déplacées et des millions ayant encore besoin d’aide cette année.

Comme dans d’autres pays, la mission onusienne, présente depuis 2013, s’est vu chroniquement reprocher son impuissance par les populations et leurs dirigeants, malgré le déploiement de plus de 12.000 soldats à ce jour et un budget annuel de 1,26 milliard de dollars.

Le chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop, en demandant le départ de la Minusma devant le Conseil de sécurité de l’ONU, a proclamé « l’échec » de cette dernière et affirmé qu’elle n’était pas la solution mais faisait « partie du problème ».

Un tournant a eu lieu en mai 2021 quand les colonels putschistes de 2020 ont mené un nouveau coup de force pour écarter toute entrave à leur mainmise.

Et quand la France annonce le retrait de sa force antijihadiste en 2022, la question de la sécurité de la Minusma se pose.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres dit alors redouter le « vide » laissé par le désengagement français.

En juillet 2022, 49 militaires ivoiriens censés participer à la sécurité du contingent allemand des Casques Bleus sont arrêtés à Bamako et détenus plusieurs mois. Les autorités maliennes les accusent d’être des mercenaires.

La junte fait expulser dans la foulée le porte-parole de la Minusma, de nationalité française, lui reprochant d’avoir posté sur les réseaux sociaux des « informations inacceptables » sur l’affaire.

- « Instrumentalisation » -

Dans ce contexte, un certain nombre de pays dont l’Allemagne, le Royaume Uni ou la Côte d’Ivoire annoncent la fin de leur participation à la Minusma, compliquant considérablement des opérations, par exemple pour mener des missions de reconnaissance.

Au même moment, l’ONU évoque publiquement d’innombrables interdictions de vol de ses appareils par Bamako.

La question du respect des droits humains, dont la surveillance fait partie du mandat de la Minusma, nourrit par ailleurs les tensions.

Concernant les abus dont les forces maliennes sont accusées, Bamako parle « d’instrumentalisation » du sujet. L’ONU s’émeut de ne pouvoir accéder aux lieux des abus présumés.

En février 2023, le gouvernement malien fait expulser le chef de la division des droits de l’homme de la Minusma.

La querelle culmine avec la publication en mai 2023 d’un rapport de la Minusma accusant l’armée malienne et des combattants « étrangers » d’avoir exécuté au moins 500 personnes lors d’une opération présumée antijihadiste à Moura en mars 2022.

La junte dénonce non seulement un « rapport biaisé, reposant sur un récit fictif », mais annonce l’ouverture d’une enquête contre la mission d’enquête pour « espionnage, atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat » et « complot militaire ».

L’ONU s’interrogeait sur l’avenir de la Minusma, dont le mandat, renouvelé chaque année, expire le 30 juin, et avait engagé une revue stratégique.

Le secrétaire général Antonio Guterres a recommandé mardi au Conseil de sécurité de « reconfigurer » la mission pour la concentrer sur un nombre limité de « priorités » pour la rendre plus efficace.

Un plan qui apparaît bien compromis par la demande malienne de voir la Minusma quitter le pays « sans délai ».

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 17/06/2023 à 08h45