Cette célébration intervient à une période trouble pour la Cedeao, autrefois saluée comme un pilier de stabilité dans la région.
Le bloc ouest-africain est désormais profondément divisé, après le départ en début d’année de l’organisation de trois États dirigés par des juntes militaires: le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
La Cedeao fait également face à une recrudescence des violences jihadistes, alimentées par des tensions internes entre États membres, notamment dans le Sahel et la région du lac Tchad. Le Bénin et le Nigeria ont été frappés par une série d’attaques ces derniers mois.
Le Sahel a d’ailleurs été classé en 2024 comme l’épicentre mondial du «terrorisme» pour la deuxième année consécutive, concentrant plus de la moitié des décès liés à des attentats dans le monde, selon l’Indice du terrorisme mondial publié en mars.
Le général Yakubu Gowon, cofondateur de l’organisation et ancien chef militaire nigérian, s’est montré confiant quant au retour du trio au sein de la Cedeao devant une assemblée réunie dans un hôtel à Lagos mercredi.
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«Nos nations sœurs qui ont choisi de quitter la communauté pourraient, avec le temps, reconsidérer leur décision, car les liens historiques, culturels et de destinée commune demeurent intacts», a-t-il expliqué.
«Je suis convaincu qu’avec de la bonne volonté et un engagement sincère, elles trouveront une raison de revenir dans la famille de la Cedeao, plus fortes, plus unies et déterminées à réaliser notre vision commune pour l’Afrique de l’Ouest», a ajouté le général Yakubu Gowon.
Le ministre des Affaires étrangères du Nigeria, Yusuf Tuggar, a également déclaré être convaincu que les trois pays ayant formé l’Alliance des États du Sahel (AES) «reviendront à l’avenir».
Les intervenants réunis à Lagos n’ont pas évoqué explicitement les bouleversements engendrés par la nouvelle politique douanière de l’administration américaine, mais le président de la Commission de la Cedeao, Umar Alieu Touray, a fait référence à «l’émergence de rivalités et de compétitions géopolitiques, ainsi qu’aux difficultés économiques croissantes dues aux incertitudes de l’ordre politique et économique mondial».
Divisions internes
Au cours de la dernière décennie, les coups d’État et les tentatives de déstabilisation politique, nourris par une défiance populaire croissante envers les élites politiques, ont ébranlé près de la moitié des pays fondateurs de la Cedeao, mettant à mal la démocratie et fragilisant les liens entre pays voisins.
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Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger a porté un coup dur à la crédibilité et à l’influence régionale de l’organisation, selon plusieurs experts.
«C’est une atteinte majeure à la capacité de la Cedeao à incarner les espoirs et l’optimisme de ses débuts», estime Kwesi Aning, spécialiste de la coopération internationale au Centre international de formation au maintien de la paix Kofi Annan, basé à Accra, au Ghana.
«Cela reflète un niveau de leadership désastreux parmi les dirigeants de la Cedeao», ajoute-t-il.
Parmi les premières économies du continent africain, pays le plus peuplé de la région, le Nigeria qui assure actuellement la présidence de la Cedeao était attendu comme la «force stabilisatrice» de l’organisation, mais il est «vacillant» aujourd’hui, selon un rapport publié mercredi par le cabinet de conseil en risques SBM Intelligence.
«Ses crises internes, notamment la mauvaise gestion économique, l’instabilité politique, l’insurrection de Boko Haram et les échecs de gouvernance, ont considérablement réduit sa capacité à diriger», indique le rapport.
Troubles et commerce
Les répercussions des troubles sur le commerce entre pays sont flagrantes.
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Avant la détérioration des relations entre le Nigeria et le Niger voisin, suite au coup d’État à Niamey en juillet 2023, des commerçants nigérians expédiaient quotidiennement plusieurs camions de céréales depuis le marché de Dawanau, dans l’État de Kano, au nord-ouest du Nigeria, vers le Niger.
Si le volume de céréales fournies depuis Kano vers le Niger n’a guère changé, les coûts ont augmenté.
Plusieurs commerçants et transporteurs interrogés par l’AFP à Kano ont indiqué que les taxes sur les marchandises nigérianes importées au Niger ont quintuplé, alimentant une forte recrudescence de la contrebande à travers des frontières poreuses.
«Nous payions l’équivalent de 100.000 nairas (environ 56 euros) de droits d’importation par camion avant la sortie de la Cedeao, désormais c’est environ 500.000 nairas (près de 278 euros)», explique Aliyu Abubakar, un chauffeur de camion de 40 ans.