Parallèlement, il a offert aux trois pays visités auparavant -Guinée, Congo et Burkina Faso- de renforcer leur «coopération» avec la Russie, sur les plans économique et commercial mais, aussi et surtout, militaire, pour y «détruire» «les poches de terrorisme» jihadiste au Sahel.
La Russie mène depuis plusieurs années une offensive diplomatique en Afrique pour y supplanter les puissances occidentales. Isolée sur la scène internationale et en quête d’alliés, elle y a décuplé ses efforts depuis son assaut contre l’Ukraine en février 2022.
Puzzle
M. Lavrov a atterri à N’Djamena en milieu d’après-midi à la tête d’une imposante délégation.
Le Tchad est l’une des dernières pièces manquantes au puzzle que Moscou essaie de construire dans le Sahel, ex-sphère d’influence de la France mais dont l’armée s’est fait expulser au profit de la Russie dans trois pays.
Paris entretient encore au Tchad un millier de soldats et a récemment réaffirmé son intention d’y maintenir une présence militaire, mais «redimensionnée» à la baisse.
M. Lavrov doit y rencontrer le président et général Mahamat Idriss Déby Itno, élu le 6 mai dans un scrutin très contesté par l’opposition et des ONG internationales, trois ans après avoir pris le pouvoir à la tête d’une junte militaire.
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En janvier, une visite très médiatisée de M. Deby à Moscou - et une complicité apparente affichée avec le président Vladimir Poutine - avait fait s’interroger sur les velléités du président tchadien de diversifier ses appuis internationaux.
Et ce au moment où les capitales occidentales -sauf Paris qui lui a toujours affiché un soutien sans faille- s’inquiétaient de sa volonté de se maintenir par les urnes à la tête d’un pouvoir qui réprime très violemment toute opposition.
Mercenaires
Les troupes françaises, piliers jusqu’alors de la guerre contre les groupes jihadistes au Sahel, ont été chassées par les régimes militaires installés au Mali en 2022 et au Burkina Faso et au Niger en 2023, au profit de la Russie.
Moscou y a dépêché des paramilitaires -mercenaires de Wagner notamment-, présentés systématiquement par Moscou comme des «instructeurs» militaires.
Le Tchad, encerclé par des pays accueillant ces mercenaires russes (Centrafrique, Soudan, Libye, Niger), est donc le dernier pays -du moins officiellement- à résister à leur arrivée.
Mais les comptes de réseaux sociaux et médias pro-russes bruissent de rumeurs -pour l’heure non confirmées ni infirmées de source officielle à N’Djamena- sur la présence de Russes armés aux côtés de militaires tchadiens, notamment dans le sud du pays.
En Guinée, M. Lavrov a félicité ce pays pour avoir été «à l’avant-garde du processus de décolonisation». Au Congo, il a vilipendé l’«Occident» notamment pour son soutien à l’Ukraine et de supposés «objectifs» anti-russes là ou ailleurs.
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Et au Burkina Faso, le ministre a promis d’«augmenter» la présence des «instructeurs» russes.
«Depuis six mois on assiste à un véritable réchauffement des relations» russo-tchadiennes, observe pour l’AFP Vsevolod Sviridov, expert du Centre d’études sur l’Afrique de l’Ecole supérieure d’économie de Moscou, qui souligne la rareté de délégations russes d’un tel niveau au Tchad.
«Les militaires français restent mais leur présence n’entrave pas le développement des relations entre Moscou et N’Djamena», ajoute-t-il.
Guerre d’influence
«Le Tchad est dans le pré carré français mais il y a un recul de Paris et des puissances occidentales, Etats-Unis et Union européenne aussi, et la Russie y gagne du terrain», renchérit Yamingue Betinbaye, expert en géopolitique au Centre de Recherches en Anthropologie et Sciences humaines (CRASH) à N’Djamena.
«Ce n’est pas encore une guerre froide, mais une guerre d’influence (...) et les autorités tchadiennes veulent en tirer le meilleur profit», conclut l’expert.
Et Paris ne le voit pas forcément d’un bon oeil. De manière assez symptomatique, Vladimir Poutine, puis Emmanuel Macron, ont été les deux -rares- chefs d’Etat hors Afrique à rapidement «féliciter» publiquement M. Déby pour son élection.