L’opposition, violemment réprimée et écartée de la course, avait appelé à boycotter un scrutin «joué d’avance» pour perpétuer une «dynastie Déby», et des ONG ont dit douter de la crédibilité de l’élection.
Dans la capitale N’Djamena, les bureaux de vote ont pour la majorité fermé en fin d’après-midi hormis quelques-uns qui avaient ouvert tardivement, selon des journalistes de l’AFP. Le comptage des bulletins a commencé dans la plupart des bureaux visités par les journalistes de l’AFP.
Après avoir coupé le scellé de l’urne, une assesseure en retire un a un les bulletins et lit à haute voix en le brandissant à la vue des observateurs dans un petit bureau du quartier de Chagoua, un des bastions de M. Masra. Sans surprise, le 7, son numéro d’ordre dans la liste des candidats, devance largement les neuf autres.
Il était difficile, au long d’une journée sous une chaleur étouffante, de mesurer l’engouement pour ce scrutin: les bureaux, nombreux et disséminés dans la ville, parfois de simples tables en bordure de route à l’ombre d’arbres, ne comptaient souvent pas plus de 200 à 300 inscrits, donc sans files d’attente de plus de quelques dizaines de personnes à chaque fois.
Au début de la campagne, tous les observateurs prédisaient une victoire massive du président de transition Déby après qu’il eut fait écarter ses rivaux les plus dangereux.
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Mais l’économiste Succès Masra, accusé par l’opposition d’être un «traître» rallié au système Déby et vrai-faux candidat pour «donner un vernis démocratique» au scrutin, est apparu comme un possible trouble-fête. Capable au moins de pousser le général à un second tour, après avoir drainé des foules à ses meetings.
«un bon président»
«Je suis venue pour faire mon choix, prendre un bon président qui peut changer le pays et même aider les jeunes à évoluer», résumait Angéline Goltoua, chômeuse de 24 ans, dans une classe d’école transformée en bureau de vote, aux murs lépreux, dans le quartier d’Abena.
Déby et Masra, âgés de 40 ans, se sont dits chacun convaincu d’être élu dès le premier tour. Huit autres candidats ne peuvent espérer que des miettes, car peu connus ou réputés peu hostiles au pouvoir.
M. Masra a appelé ses partisans à «voter massivement» pour un «changement massif», après avoir glissé son bulletin.
Protégé de près par sa toute puissante garde présidentielle, le général Déby, a répété, lui, son «engagement» pour un «retour à l’ordre constitutionnel».
Le 20 avril 2021, après avoir régné 30 ans sur le Tchad, le maréchal Idriss Déby Itno était tué par des rebelles en se rendant au front. Quinze de ses fidèles généraux proclamaient son fils Mahamat président d’une transition de 18 mois.
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Il était aussitôt adoubé par une communauté internationale - France et Union africaine (UA) en tête - prompte à condamner et sanctionner les militaires putschistes ailleurs en Afrique, au motif principal que le Tchad est réputé être le pilier régional de la guerre contre les jihadistes au Sahel.
Mais 18 mois plus tard, la junte prolongeait la transition de deux ans et les militaires tuaient par balle plus de 300 jeunes selon les ONG, une cinquantaine selon le pouvoir, qui manifestaient contre cette extension. Plus d’un millier étaient déportés dans un bagne en plein désert, et des dizaines exécutés ou torturés, selon les ONG.
Les principaux cadres de l’opposition étaient traqués et certains - dont M. Masra - ont fui en exil.
«ni crédible, ni libre»
L’un d’eux, resté au pays, Yaya Dillo Djérou, cousin et principal rival du général Déby pour la présidentielle, a été tué le 28 février par des militaires dans l’assaut du siège de son parti. «Assassiné», «d’une balle dans la tête à bout portant», selon l’opposition et des ONG internationales.
Vendredi, la Fédération Internationale pour les droits humains s’est inquiétée d’une «élection qui semble ni crédible, ni libre, ni démocratique», «dans un contexte délétère marqué par (...) la multiplication des violations des droits humains».
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Si Masra l’emportait, ce serait la première transmission pacifique du pouvoir dans ce pays qui a connu de nombreux coups d’État avant celui d’Idriss Déby Itno en 1990.
Le Tchad demeure, à ce jour, le premier des quatre régimes militaires au Sahel à organiser des élections dans le cadre d’une «transition».
Au Mali, Niger et Burkina Faso, où des putschistes se sont emparés du pouvoir depuis 2021, aucune date n’est encore fixée pour un «retour à l’ordre constitutionnel» réclamé notamment par l’UA.
Le Tchad reste le dernier point d’ancrage militaire de la France au Sahel, avec un millier de soldats encore présents. Le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont tourné le dos à Paris, chassé ses militaires qui y opéraient dans le cadre de la lutte anti-jihadiste, et se sont rapprochés de la Russie.
Les résultats officiels provisoires sont attendus le 21 mai, et un éventuel second tour le 22 juin.