Sénégal. Mauvaise météo: hécatombe chez les pêcheurs le jour de l’indépendance

Des morts qui auraient pu être évités, si les pécheurs écoutaient les consignes de l'agence de la météo

Des morts qui auraient pu être évités, si les pécheurs écoutaient les consignes de l'agence de la météo. DR/

Le 06/04/2017 à 10h49, mis à jour le 06/04/2017 à 12h24

Le village de Pilote Barre, à hauteur de Gandiol n’avait pas le cœur à la fête ce 4 avril 2017, jour de l'anniversaire de l'indépendance du Sénégal. Plus de 16 personnes ont péri dans le chavirement d’une vingtaine de pirogues dans cette localité, d'autres sont toujours recherchées.

C’est dans la douleur que la ville de Saint Louis a fêté le 57e anniversaire de l'indépendance du Sénégal. L’irréparable s’est produit aux environs de 7 heures ce mardi 4 avril 2017. Une vingtaine de pirogues ont chaviré à hauteur du village de Pilote Barre, dans la commune de Gandiol. Au total, 16 corps ont déjà été repêchés.

De sources concordantes, les pirogues se sont désintégrées avant de chavirer. Ce drame a été causé par la forte houle annoncée depuis quelques temps par les services de la météo. Les secouristes ont pu dénombrer 6 corps sans vie dans une embarcation dont le propriétaire n’est pas encore connu. Ngagne Sarr, un pêcheur dit avoir perdu «deux membres de son équipage», c’est également le cas des pirogues de Mbaye Ibra Dièye et Keur Seydou Kounta qui ont chacun perdu deux pêcheurs.

Les recherches qui se poursuivent ont permis de retrouver sept autres personnes noyées. Pour le moment, les espoirs de retrouver des survivants s’amenuisent à cause de la marée haute et du brouillard qui augmente les risques liés à la navigation.

Ce bilan macabre vient augmenter une dose à l’inquiétude des populations riveraines de la Langue de Barbarie qui ont perdu plusieurs concessions à cause de la houle. Certaines ont même été obligées de se déplacer pour pouvoir survivre.

Toutefois, les services météorologiques sénégalais, depuis le mois de février 2017, avertissent les populations des risques de houle pouvant atteindre plus de 2,5 mètres sur la bande maritime entre Dakar et Saint-Louis. «Des phénomènes dangereux sont prévus durant cette période», avait prévenu l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (ANACIM), dans son communiqué transmis à la presse.

Malgré ces mises en garde de l’ANACIM, les pêcheurs Saint-Louisiens sont obligés de prendre des risques au péril de leur vie. Joint au téléphone par le360 Afrique, Djibril Guèye, ancien fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères, interrogé sur la responsabilité des parents et des pêcheurs dit qu'ils «agissent souvent avec témérité et ne respectent pas les consignes de l’ANACIM». «Jusqu’au mercredi 5 avril à 23 heures, l’ANACIM avait interdit aux pêcheurs de prendre la mer, mais les jeunes pêcheurs ont bravé cet interdit ». Egalement, le Conseil local de la pêche artisanale (CLPA) de Saint-Louis les avait aussi avertis, mais ils n’ont rien voulu entendre.

Le Canal de délestage, le canal de la mort

La forte houle n’est pas la seule responsable des chavirements des embarcations de pêcheurs de Saint-Louis. Djibril Guèye pointe aussi du doigt le canal de délestage ouvert depuis octobre 2003, à 6 kilomètres de la ville, pour éviter les inondations par la crue du fleuve Sénégal. Malheureusement, il a fait plus de mal que de bien aux populations de Saint-Louis «Depuis son ouverture en 2003, le canal de délestage ne cesse de s’élargir et met en danger la vie des pêcheurs, de 10 mètres de large le premier jour, il est actuellement à 10 kilomètres et a englouti tous les villages environnants». «A ce jour, ce canal a fait plus de 300 morts, et c’est la jeunesse, l’avenir de cette ville, qui en paye le prix fort», a-t-il regretté. Lors de sa visite le 5 mars dernier, le chef de l’Etat Macky Sall a posé la première pierre du chantier pour protéger la berge maritime. Et ce projet est limité à la Langue de Barbarie alors que le nœud du problème se trouve au canal de délestage. Il faudrait, dans un premier temps, le graduer et le baliser pour que les pêcheurs puissent l’éviter.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 06/04/2017 à 10h49, mis à jour le 06/04/2017 à 12h24