Cameroun: les effets indésirables des faux tradipraticiens

Des produits de la pharmacopée traditionnelle au Cameroun.

Le 27/01/2025 à 13h47

VidéoDepuis deux décennies, le 31 août de chaque année est célébrée la Journée de la médecine traditionnelle africaine, signe de la reconnaissance internationale à ce savoir que se transmettent les seuls initiés. Mais au Cameroun, la renommée des tradipraticiens a suscité une récente concurrence déloyale pratiquée par des individus qui proposent aux malades des médicaments illusoires.

Des potions bien rangées dans un porte-tout ou simplement tenues à la main, le tradipraticien passe d’un lieu à un autre faisant l’éloge de ce qu’il présente comme état des remèdes: «Nettoyez complètement votre organisme, combattez l’hypertension artérielle, dites aurevoir à la faiblesse sexuelle. Trompes bouchées et kystes ovariens…c’est terminé. Achetez votre remède et recouvrez rapidement votre santé».

De telles scènes sont monnaie courante dans les rues de la capitale politique, Yaoundé, comme un peu partout dans le pays. Les pharmacies ambulantes qui proposent des produits naturels destinés à soigner une panoplie de maladies ont étendu leurs tentacules au Cameroun, un phénomène très peu connu il y a quelques années.

Si certains observateurs voient en cette proximité une manière logique de promouvoir la pharmacopée traditionnelle, d’autres par contre évoquent la désacralisation des valeurs culturelles ancestrales selon lesquelles le remède qui soigne ne doit pas être exposé aux forces extérieures. Cette même opinion discrédite ces tradipraticiens, comme sieur Léonard qui soutient que «ce sont des faux tradipraticiens qui se baladent avec leurs produits. Il s’agit en réalité d’individus sans foi ni loi qui extorquent de l’argent aux pauvres citoyens en leur faisant croire qu’ils soignent des maladies.»

Martin Deffo, un tradipraticien rencontré au quartier Mvog Betsi, lui ne se reconnait pas dans cette description, «j’ai été formé par un Pygmée dans les forêts du sud-Cameroun et je suis actuellement spécialiste des maladies infectieuses. Je soigne sans aucune hésitation les maladies de la prostate, les hémorroïdes. J’aide les femmes et leurs maris à procréer. C’est moi-même qui compose mes médicaments à base d’écorces, de feuilles, de racines et de fruits». Il faut rappeler que les Pygmées ont une grande réputation dans la médecine traditionnelle. D’après le docteur Thierry Simo Kenmogne, pharmacien et ethnopharmacologue de l’université de Douala, des études ont permis d’inventorier plus de 500 espèces de plantes utiles à la pharmacopée traditionnelle, permettant «la prise en charge de nombreuses pathologies.»

En règle générale, les Camerounais sont favorables aux produits naturels utilisés en pharmacopée traditionnelle mais peinent à faire confiance à cette nouvelle vague de tradipraticiens. Pour eux, un bon tradipraticien se distingue par sa discrétion, le coût insignifiant de son traitement et son honnêteté car lorsqu’il ne peut pas soigner une pathologie, il déclare son incompétence à son patient.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, 40 pays se sont dotés de politiques sur les médicaments issus de la pharmacopée traditionnelle, contre huit pays en 2000. Depuis deux décennies, le 31 août de chaque année est célébrée la Journée de la médecine traditionnelle africaine, signe de reconnaissance mondiale.

Par Jean-Paul Mbia (Yaounde, correspondance)
Le 27/01/2025 à 13h47