"Dévaluations déguisées": le remède amer du FMI aux pays africains

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Le 20/11/2016 à 20h04, mis à jour le 20/11/2016 à 21h16

Sous le diktat du FMI, dévaluations «déguisées» et baisses des subventions sont prescrites à tous les pays en difficulté de trésorerie. Pénuries et flambées des prix des carburants et produits de base sont devenues courantes, avec des tensions sociales qui couvent.

On croyait que les fameux Programmes d’ajustement structurel (PAS) du milieu des années 1980 étaient bannis à jamais. Que nenni. Ils sont de retour à cause de la crise économique aiguë qui affecte particulièrement les pays producteurs de pétrole et qui ont fait reposer toute leur économie sur cette unique ressource. C’est le cas de nombreux pays africains qui dépendent uniquement de la rente pétrolière. Surtout qu'aucun pays africain exportateur de pétrole n’a profité de la manne née de la flambée des cours de l’or noir au cours des dernières années.

Et, malheureusement pour eux, le retournement de la conjoncture a été difficile à absorber. Conséquence, des pays qu’on croyait solides et qui trônent aux premiers rangs des puissances économiques du continent sont presque à genoux. C’est particulièrement le cas du Nigéria et de l’Egypte, 2e et 3e puissances économiques du continent. C’est le cas également de l’Algérie et de l’Angola.

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La chute des cours du pétrole a mis à nu ces économies fragiles, très faiblement diversifiées, et dont la rente pétrolière et gazière a longtemps servi pour acheter la paix sociale à coup de subventions.

Traitements de choc du FMI

Du coup, et face aux déséquilibres des fondamentaux économiques de ces pays où les recettes et les réserves en devises ont fondu comme du beurre au soleil, seul le pompier FMI –Fonds monétaire international- pourrait aider à atténuer l’effet de la crise.

Seulement, le traitement du FMI est douloureux pour ces pays. Un traitement de choc dont les deux fondamentaux sont dévaluation et suppression ou baisse des subventions.

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Seulement, concernant la dévaluation, et se rappelant des conséquence des PAS qui ont fait chuter pas mal de dirigeants politiques, la formule a été emballée autrement via la formule magique de «flexibilité du taux de change». Autrement dit, au lieu d’une mesure administrative de dévaluation, les pays sont appelés à laisser flotter librement leur monnaie et laisser «le marché faire son travail». Aussi douloureuse soit-elle, c’est la seule formule pour bénéficier des concours du FMI en ces temps de vaches maigres.

Le Nigeria, le géant aux pieds d'argile ouvre le bal

La premier pays à s’y piquer est le géant africain aux pieds d’argile, le Nigéria. Sur les conseils du FMI, la seconde puissance économique africaine a fini par «laisser sa monnaie flotter», refusant de parler de dévaluation. Du coup, le jour de l’annonce de ce flottement, le lundi 21 juin 2016, le naira, monnaie nigériane, s’est déprécié par rapport au dollar, passant en quelques heures de 197 à 262,5 nairas pour un 1 dollar soit une dépréciation de 33%. Aujourd’hui, 1 dollar vaut 316 nairas, soit une dépréciation de 60% par rapport au cours d’avant flottement.

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Conséquence, c’est la flambée des prix alors que de nombreux produits importés sont introuvable, sinon hors de portée des bourses des citoyens nigérians. En plus, le gouvernement a été obligé de baisser les subventions, en reculant tout de même au niveau des hydrocarbures afin d’éviter une révolte populaire.

Au même titre que le Nigeria, l’Egypte aussi a été obligée de recourir au FMI pour faire face à la crise aiguë qu’elle traverse. La Banque centrale locale s’est vu contrainte de laisser la livre flotter afin d’obtenir un prêt du FMI de 12 milliards de dollars. Ainsi, alors que l’Egypte a toujours fixé son taux de change, le flottement s’est traduit par une «dévaluation» de près de 48% de la valeur de la monnaie. On est passé de 1 dollar pour 8,8 livres à 1 dollar pour 13 livres lors de la première journée du jeudi 3 novembre.

La pénurie: tout manque

A cela s’ajoutent d’autres injonctions du FMI, dont la réduction des subventions publiques. Du coup, le prix des carburants a augmenté entre 30 et 47% et le prix du gaz domestique a explosé de 87%. En plus, de nouvelles taxes sous forme de TVA ont été mises en place. Les pénurie des denrées alimentaires importées (riz, sucre, etc.) et des médicaments sont devenues courantes à cause du niveau très bas des réserves de change qui avaient baissé au dessous des 20 milliards de dollars, contre 36 milliards de dollars à la veille du déclenchement de la révolution, et ce malgré les importantes aides offertes par les pays du Golfe. Le ralentissement de l’activité du Canal de Suez et la chute des recettes touristiques, notamment à cause du terrorisme et de l’insécurité, sont globalement derrière cette situation.

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Après que l’Egypte ait accepté les recommandations du FMI, en laissant flotter sa monnaie, l’institution a accordé 12 milliards de dollars pour soutenir l’économie égyptienne.

Seulement, la pilule est amère pour l’Egyptien qui avait du mal à joindre les deux bouts bien avant cette dévaluation qui a réduit à néant son pouvoir d’achat. Autant de mesures qui risquent d’entraîner des manifestations dans un pays où 28% de la population vivent sous le seuil de pauvreté et où l’inflation dépasse officiellement les 15%.

A qui le tour?

Après l’Angola, le Nigeria et l’Egypte, à qui le tour? Le FMI demande à de nombreux pays de dévaluer leurs monnaies pour alléger la pression sur les réserves des Banques centrales et renforcer les réserves.

Ainsi, le même traitement est demandé à la Tunisie. Pour le FMI, la monnaie tunisienne est toujours surévaluée. Pourtant, depuis le «Printemps arabe», le dinar tunisien a perdu 60% de sa valeur. Une nouvelle dévaluation, légère soit-elle, aurait un impact négatif du fait du niveau d’endettement élevé du pays alors que l’impact positif est seulement de court terme sur la balance commerciale.

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Si la dévaluation n’est pas actée, la Banque centrale du pays s’est engagée à réduire ses interventions sur le marché des changes tout en adoptant une politique de change plus flexible. Une décision prise pour obtenir un accord de prêt du FMI de 2,9 milliards de dollars.

L’Algérie également est sollicitée pour plus de flexibilité dans la gestion de sa monnaie par le FMI. Pourtant, le dinar algérien s’est déprécié fortement depuis une année de 25 à 30% par rapport au dollar. Une dépréciation qui a impacté négativement sur les prix de l’ensemble des produits de consommation. Le FMI demande par la même occasion à Alger de diminuer les subventions concernant les hydrocarbures et les produits alimentaires de base. Des subventions avec lesquelles le pouvoir achète la paix sociale. A noter que les subventions des hydrocarbures avaient atteint 6 milliards de dollars en 2016.

Responsabilités des dirigeants

Reste que pour l’Algérie, une dévaluation n’aurait pas d’effets positifs en ce sens que le pays n’exporte que des hydrocarbures. Au contraire, une telle opération rendrait les importations plus coûteuses et aggraverait le déficit commercial déjà abyssal.

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Reste qu’aussi amer soit le remède du FMI, on ne peut pas mettre tout sur le dos de cette institution. La faute revient aux dirigeants africains qui n’ont pas su mettre en place des politiques économiques à même de les prémunir contre des retournements de conjoncture. Malheureusement, c’est toujours le petit peuple qui trinque, comme à chaque fois d’ailleurs, et très rarement les dirigeants.

Par Moussa Diop
Le 20/11/2016 à 20h04, mis à jour le 20/11/2016 à 21h16