Covid-19: "c'est en train d'exploser en Algérie", selon le Pr Éric Caumes de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière

Pr Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

Pr Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.. DR

Le 07/07/2020 à 13h06, mis à jour le 08/07/2020 à 13h47

Des citoyens algériens croyaient qu'en se rendant dans leur pays d'origine, ils échapperaient à la pandémie qui faisait rage en Europe. Ils ont non seulement été infectés, mais ils sont de retour en France avec dans leurs valises le fameux Covid-19. Un éminent professeur tire le signal d'alarme.

En France, alors que le nombre de nouveaux cas de contamination était en baisse régulière durant les mois de mai et de juin, l'épidémie semble reprendre de plus belle, et ce depuis le 26 juin. Cette progression s'est faite au moment où les Algériens binationationaux ont commencé à retourner dans leur seconde patrie. Etrange coïncidence qui fait craindre le pire aux plus éminents médecins de l'Hexagone qui croyait la France tirée d'affaire. 

Ainsi, dans un entretien paru dans le quotidien français L'Express le professeur Eric Caumes, qui est à la tête du service des maladies infectieuses à l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière désapprouve fortement cette opération de retour des Algériens binationaux du fait de la situation sanitaire qui prévaut dans le pays d'Afrique du Nord. 

"A la Salpêtrière, mon unité dédiée au Covid-19 est pleine. Il n'y a jamais eu de disparition du virus, contrairement à ce que j'ai entendu dans les médias. Il continuait à circuler à bas bruit, et il y a toujours eu des malades hospitalisés pour cela", a-t-il affirmé.

Avant d'ajouter: "Mais récemment, des vols entre l'Algérie et la France ont été organisés avant que les frontières ne rouvrent officiellement. Il y avait des personnes contaminées à bord. Depuis samedi dernier, nous avons des cas de binationaux qui sont probablement allés se confiner là-bas et qui ont été rapatriés".

En effet, ce que veut dire le Pr Eric Caumes, c'est que quand la pandémie s'est déclarée en France, un nombre important d'Algériens ont voulu fuir l'Hexagone pour y échapper. Et comme l'Algérie ne fait pas suffisamment de tests, les chiffres ont toujours montré un niveau extrêmement bas des cas de contamination, ce qui ne reflète pas la réalité. Du coup, sans le savoir, les Algériens se rendaient peut-être dans un endroit encore plus touché que la France. Ce "confinement" dans leur pays d'origine risque malheureusement d'être fatal à l'Hexagone. 

"Il y a une vingtaine de malades (algériens) dans toute la France. Cela pose la question du traçage et de l'isolement de l'ensemble des personnes qui ont voyagé avec eux, qui se trouvent maintenant disséminées sur le territoire et risquent de faire repartir l'épidémie ici, alors qu'elle est en plein boom au Maghreb. C'est en train d'exploser en Algérie", dénonce-t-il. 

Il demande qu'une décision immédiate soit prise afin d'éviter que les passagers en provenance d'Alger ne ramènent davantage le virus en France, ce qui aurait pour conséquence d'annihiler tous les efforts fournis pour se débarrasser de la maladie. Selon lui, "des tests PCR devraient d’ailleurs être mis en place pour ceux qui montent dans l’avion à Alger”. 

Fidèles à leur politique de l'autruche, les dirigeants algériens préfèrent croire qu'il n'y a que quelques milliers de cas dans le pays, au total 16.000. Evidemment quand, depuis le début de la pandémie, on n'a réalisé que 46.396 tests, selon les chiffres officiels du Center of Desease Control (CDC) de l'Union africaine, parler de 16.000 cas est facile. 

En effet, un pays comme le Sénégal, avec trois fois moins d'habitants que l'Algérie, ne compte pas moins de 76.343 tests réalisés. Le Gabon qui n'a que 2,12 millions d'habitants compte autant de diagnostics effectués que le géant d'Afrique du Nord, soit 34.774 tests. De même, le Ghana et le Maroc, qui ont choisi la politique du dépistage d'envergure, ont effectué respectivement 294.867 et 638.471 tests. 

C'est dire tout le ridicule du nombre brandi par les autorités algériennes qui font donc courir un risque extrêmement élevé à tous ceux qui ont décidé d'ouvrir leur frontière aux citoyens algériens. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 07/07/2020 à 13h06, mis à jour le 08/07/2020 à 13h47