Le Premier ministre algérien, Aïmene Benabderrahmane, a répondu hier jeudi 6 octobre aux questions des députés de l’Assemblée populaire nationale (APN). Il a été notamment interrogé sur le bilan élogieux qu'il a fait lundi dernier de l'action du gouvernement et sur la déclaration de politique générale.
Sur le premier sujet, le chef du gouvernement algérien a été submergé de questions par des députés qui voyaient surtout un bilan marqué par des pénuries et des flambées des prix qui ont érodé leur pouvoir d’achat et aggravé la paupérisation de nombreuses couches de la population.
Ces députés, d'une manière inhabituelle, avaient déjà donné le ton en menaçant, il y a quelques jours, avant la présentation du bilan du gouvernement, de présenter une motion de censure pour faire tomber le Premier ministre. Alors, après la présentation d’un bilan reluisant aux chiffres embellis par la flambée des cours du baril de pétrole, les élus ont assailli le responsable de questions relatives au calvaire quotidien des Algériens.
Tout y est passé: pénuries des produits de grande consommation, flambée des prix, interdiction des importations, en particulier celles des voitures, avec à la clé un vieillissement du parc automobile, hausse des accidents mortels sur les routes… Autrement dit, la coupe était pleine. Pour une fois, les députés se sont rebiffés et ont présenté le véritable bilan du gouvernement tel que ressenti par les populations.
Concernant les pénuries et la flambée des prix, Benabderrahmane a voulu d’abord relativiser le problème en soulignant qu’il va donner des clarifications dans l’optique de «ne pas laisser le terrain» aux «individus tendancieux pour noircir volontairement la situation». Mais, craignant certainement les conséquences d’une minimisation de la baisse du pouvoir d’achat et des risques qui pèsent sur son gouvernement, il est rapidement revenu à la raison.
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Chose inhabituelle chez les dirigeants algériens, le Premier ministre a reconnu, sans l’avouer, que le bilan élogieux présenté lundi dernier était loin de correspondre au vécu quotidien des Algériens. Il a ainsi présenté «ses excuses à l’endroit de tous les chefs et toutes les cheffes de famille ayant trouvé des difficultés pour se procurer des produits de large consommation». Il faut dire que ces pénuries de semoule, de pain, de farine, de lait en sachet, d'huile de table, de médicaments, etc., tous les Algériens, hormis les généraux et la classe dirigeante.
Mieux, «très ému», le Premier ministre a même marqué un temps d’arrêt, versant quelques larmes et peinant à enchainer, avant qu’un tonnerre d’applaudissements de certains députés ne l’encourage pour qu’il puisse reprendre ses esprits. En réaction à cette attitude du chef du gouvernement, Le Matin d'Algérie n'a pas été tendre: «Un Premier ministre, ça ne pleure pas parce que le pays est en crise. Il trouve des solutions ou il démissionne. Quand on dirige un pays, on n’est pas dans l’affect, mais dans la responsabilité», a écrit vendredi le média.
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Malheureusement, après l’émotion, les vieux réflexes ont rapidement repris le dessus. Et pour tout remède, le Premier ministre, dans le sillage du président Abdelmadjid Tebboune: «L’Etat va frapper d’une main de fer toute personne qui tenterait de jouer avec la nourriture des Algériens et créer l’instabilité pour pousser l’Etat à revenir à l’importation sauvage qui a épuisé les ressources du peuple et de la nation», a-t-il-martelé, expliquant que les pénuries étaient tout simplement créées par les spéculateurs et que les produits alimentaires de grande consommation sont disponibles en quantités suffisantes. Pourtant, en février dernier, une commission d'enquête parlementaire avait contredit les autorités en reconnaissant bel et bien l'existence de pénuries de certains produits alimentaires.
Poursuivant, pour rassurer les Algériens, le gouvernement n’a pas trouvé mieux que de faire des spéculateurs des terroristes. Ainsi, les affaires liées à la spéculation seront dorénavant traitées au niveau central, devant la section anti-terroriste et de lutte contre le crime organisé du tribunal de Sidi M’hamed d’Alger, où sont jugées des grandes personnalités comme Said Bouteflika ou encore l'ex-intouchable général Toufik. Et les spéculateurs encourent des peines de prison allant jusqu’à la perpétuité.
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Sans surprise, l’émotion du Premier ministre est passée comme un éclair, loin d'avoir convaincu ou ému qui que ce soit. La crise de confiance entre les Algériens et leurs dirigeants est une réalité, et ce, depuis longtemps. Et ce ne sont pas les excuses et les larmes de crocodile du Premier ministre qui rétabliront cette confiance alors que le pouvoir d’achat des citoyens continue de s’éroder.