Algérie: la série de crashs d'avions militaires inclut aussi des drones

Chute d'un drone algérien près de la base aérienne de Bir Rogaa dans la Wilaya d’Oum el-Bouaghi.

Chute d'un drone algérien près de la base aérienne de Bir Rogaa dans la Wilaya d’Oum el-Bouaghi. . DR

Le 26/06/2020 à 11h58, mis à jour le 27/06/2020 à 14h33

La liste d'appareils militaires algériens qui se sont écrasés s'est allongée cette semaine avec un drone d'attaque tombé vers la frontière avec la Tunisie. Il faut dire que l'Algérie fait parfois le marché aux puces pour acquérir ses avions et que ses pilotes sont formés à l'arrache.

S'il y a bien une chose à laquelle l'armée algérienne est habituée, c'est la chute de ses appareils. Des crashs d'avions de toutes sortes ont eu dans le passé et continuent de se produire, mais désormais les drones font aussi partie de cette longue liste de catastrophes. 

Hier, jeudi 25 juin, dans la localité de Berriche à l’est de la base aérienne de Bir Rogaa dans la wilaya d’Oum el-Bouaghi située à près de 500 kilomètres d'Alger, cela a encore été le cas.

Un UVA (ou unmanned aeriel vehicule) de marque et de fabrication chinoises de type CH-4 -qui s'avère être un drone d'attaque- a crashé vers la frontière avec la Tunisie. Il s'agit du troisième appareil de ce type perdu en vol depuis que l'Algérie a décidé de s'équiper. Selon la presse algérienne, deux autres étaient en effet tombés lors de la phase de tests. 

Au cours des dernières années, les crashs se sont malheureusement multipliés. La plaie est encore béante pour des centaines de familles endeuillées suite à la catastrophe de Boufarik en 2018 qui avait fait 257 morts, parmi lesquels figuraient des dizaines de membres du Polisario. 

Evidemment, aussi graves que soient ces accidents, c'est toujours une histoire de petit meurtre entre amis. On s'arrange pour que les résultats de l'enquête ne soient pas connus du grand public. Deux ans après le crash de Boufarik, rien n'a filtré sur les responsabilités des uns et des autres. Même le nombre exact et l'identité des victimes restent un secret bien gardé. Et malheureusement, la liste des accidents n'a cessé de s'allonger depuis.

Au total, cinq autres crashs d'appareils ont eu lieu dans ce laps de temps, soit une moyenne d'un avion tous les trois mois. Et au cours des vingt dernières années, le décompte porte sur une vingtaine d'accidents ayant fait plus de 400 morts. Un taux élevé, au-delà du fait que ces chiffres sont probablement minorés par les autorités militaires et civiles algériennes. 

A côté du record détenu par Boufarik en 2018, il y a également Oum El Bouaghi quatre ans plus tôt avec ses 74 victimes déclarées. 

Force est de constater que dans les autres pays d'Afrique du Nord, dont la flotte est comparable, les décès sont nettement moins nombreux. Par exemple, en 20 ans, l'armée marocaine n'a perdu qu'une vingtaine d'appareils suite à des accidents avec quatre fois moins de décès que l'Algérie. L'Egype, dont la flotte est la plus importante du continent et même la dixième dans le monde, ne compte, quant à elle, qu'une quarantaine de décès, soit dix fois moins que l'Algérie. 

L'Algérie et le Maroc disposent à peu de chose près du même nombre d'appareils. L'Egypte, dispose quant à elle, de beaucoup plus d'avions militaires que l'Algérie et comptabilise un nombre d'heures de vol nettement plus important. 

C'est dire que ces chutes ne s'expliquent que par l'état désastreux dans lequel se trouvent les appareils militaires algériens faute d'entretien, mais aussi à cause d'une série de décisions douteuses au moment de leur acquisition. 

Par exemple, là où l'Egypte et le Maroc ne prennent aucun risque en optant quasi systématiquement pour le neuf, selon le journal Mena Defense qui publiait un article en avril dernier sur le sujet, l'Algérie achète volontiers d'occasion pour grappiller quelques milliers dollars. 

C'est le cas notamment avec l'achat vers la fin des années 1990 de Mig 29 d’occasion ukrainiens et biélorusses qui avaient au bas mot une dizaine d'années de service, puisqu'ils étaient sortis d'usine en 1987.

Quelques années après, six de ces appareils avaient déjà crashé et des pilotes avaient perdu la vie. 

Enfin, il faut aussi dire que la formation des pilotes algériens laisse à désirer. Toujours selon Mena Defense qui a analysé les nombreux accidents survenus dans cette période, le facteur humain pèse pour 45% dans la cause des accidents. 

Quoi qu'il en soit, cette hécatombe pose questions, aussi bien sur la qualité des appareils acquis, leur entretien et leur maintenance, que sur la formation des pilotes et le respect des normes pour faire voler les avions. On ne note jusqu'à présent aucun signe d'amélioration dans ces domaines et force est de constater que les drones sont eux aussi entrés dans ces tristes statistiques. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 26/06/2020 à 11h58, mis à jour le 27/06/2020 à 14h33