"On a entendu dire qu'ils avaient signé la paix mais ici, on n'en voit pas les résultats", explique à l'AFP Mary Nyang, une habitante de 36 ans de Kandak, un village de l'est du pays où la faim est le lot quotidien et les combats entre armée et rebelles de très récents souvenirs.
La guerre civile a éclaté en décembre 2013 lorsque le président Salva Kiir a accusé son ex-vice président, Riek Machar, d'avoir fomenté un coup d’État. Le conflit a progressivement gagné l'ensemble du pays et a été marqué par des atrocités à grande échelle comme le massacre de populations civiles, le recours au viol comme arme de guerre et des pillages systématiques.
Mary fait partie des quelque 4,2 millions de personnes qui ont dû fuir leur foyer, soit près d'un tiers de la population du pays. Une récente étude statistique menée par une université londonienne a établi qu'au moins 382.000 Sud-Soudanais avaient perdu la vie à cause de la guerre et de ses conséquences néfastes, telles que les maladies et la difficulté d'accès aux soins des populations.
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En 2017, deux régions contrôlées par l'opposition ont été déclarées en famine et les dernières projections sur la sécurité alimentaire, publiées vendredi, indiquent que 6,1 millions d'habitants vont nécessiter une aide alimentaire dans les prochains mois.
"La guerre est le principal facteur de cette situation désespérée", confirme Pierre Vauthier, de l'agence des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Kandak est situé dans une zone contrôlée par l'opposition et à ce titre, la localité est délibérément négligée par le régime: on n'y trouve aucun service public, école ou centre de santé.
Les récoltes et l'approvisionnement des marchés y ont été largement perturbés par la guerre et la population dépend lourdement des agences humanitaires pour la distribution vitale de nourriture.
L'absence de routes, l'insécurité et le fait que les travailleurs humanitaires ont été régulièrement pris pour cible - 107 ont été tués depuis le début de la guerre - contraignent les ONG et l'ONU à distribuer la nourriture par les airs. "Nous sommes dans l'incapacité d'acheminer les approvisionnements par route ou par les cours d'eau", constate Tomson Phiri, du Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM).
Trop c'est trop
Dès lors, les habitants de cette région en sont réduits à survivre, péniblement. "La nourriture, c'est ça le problème. Il y en a très peu", témoigne John Jal Lam, 28 ans et père de huit enfants, alors qu'il vient de collecter la ration de sorgho pour sa famille.
De l'autre côté du pays, à Kerwa, près de la frontière avec l'Ouganda où plus d'un million de Sud-Soudanais sont partis se réfugier, la situation est encore pire, avec la persistance de combats malgré l'accord de paix du 12 septembre. "Le gouvernement ne respecte pas la paix", affirme le général de brigade Moses Lokujo, un des commandants de la rébellion de Riek Machar (SPLA-IO).
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Chaque camp accuse régulièrement l'autre d'être l'agresseur et dans tous les cas, la réponse est militaire. "Nous nous battons toujours pour la liberté et la démocratie dans notre pays, (et nous le ferons) jusqu'à ce que nous atteignions cet objectif", poursuit le commandant rebelle.
Dans cette région de Central Equatoria, les derniers combats sont directement liés à l'accord de paix, l'armée gouvernementale et les rebelles s'affrontant pour le contrôle de la zone, qui déterminera notamment qui supervisera le cantonnement des soldats prévu par l'accord de paix. La poursuite des hostilités signifie que les habitants de Kerwa, contrairement à ceux de Kandak, sont privés de toute distribution de nourriture.
"Nous sommes à bout", explique Jocelyn Kako, interrogée par l'AFP dans un camp de déplacés géré par les rebelles, à Korijo. Tandis que les plus pauvres continuent de souffrir et d'avoir faim, les dirigeants du Soudan du Sud préparent la mise en place, d'ici à la mi-décembre, d'un nouveau gouvernement d'union nationale, dans lequel Riek Machar doit retrouver un poste de vice-président, au côté du président Kiir.
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Au sein de la population, le nouvel accord de paix a été accueilli avec lassitude et méfiance, au regard notamment de l'échec du précédent, qui avait volé en éclats en juillet 2016 lors de violents combats à Juba. Pour les civils pris au piège de cette guerre de près de cinq ans, le message aux dirigeants est simple: "Je veux leur dire que trop c'est trop", explique Mary Nyang. "A présent, vivons en paix".