"Il y avait tellement de joie dans l'air", se rappelle Munya Chihota, 41 ans. "On était tous là. Des jeunes, des vieux, des Noirs, des Blancs. On espérait qu'après les épreuves que la nation avait endurées, les choses allaient changer. Le sentiment général était que le système devait tomber."
Le vieux Robert Mugabe, 93 ans, a effectivement cédé, sous la pression de la rue, de l'armée et de son parti, la Zanu-PF. Son ancien bras droit, Emmerson Mnangagwa, lui a succédé en novembre 2017.
Après trente-sept ans de règne autoritaire et une descente aux enfers sur le plan économique, nombre de Zimbabwéens avaient espéré que le départ de Robert Mugabe serait synonyme de nouveau départ pour le pays.
"Malheureusement, seulement une personne et une poignée de parasites ont été renvoyées et le système est resté en place", constate amer Munya Chihota.
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Son entreprise de plastique n'a elle jamais été en aussi mauvaise posture. "Beaucoup de choses ont mal tourné. On se n'attendait pas du tout à ça", confie-t-il.
Belina Mlilo, 24 ans, se rappelle aussi l'ivresse du mois de novembre 2017.
"On a fêté ça comme jamais auparavant", se souvient avec émotion cette diplômée en commerce qui survit de petits boulots.
En novembre 2017, elle s'était jointe à la foule qui avait été stoppée par les forces de sécurité à l'approche du palais présidentiel.
"On a fait l'erreur de penser que Mugabe était le seul problème", estime-t-elle a posteriori. "On a été utilisés comme des pions dans la lutte entre les factions de la Zanu-PF et maintenant ils se fichent de nous."
"C'est pire"
Emmerson Mnangagwa, légitimé par les urnes en juillet, s'est engagé à relancer l'économie moribonde, attirer les investissements et créer des emplois.
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Un an après, les banques manquent toujours de liquidité, l'inflation annuelle a atteint officiellement 20,8%, sur fond de pénuries de pain, sucre, riz ou encore huile.
"On attend toujours que les investisseurs viennent, on attend toujours que des emplois soient créés et que les prix baissent", résume l'économiste John Robertson.
"Le président a fait des progrès en arrêtant des personnes coupables de corruption, mais les répercussions des décisions (de Robert Mugabe) sont toujours là."
Les pénuries de biens de consommation courante alimentent un marché noir, où les prix explosent. Un litre d'huile se monnaie jusqu'à 12 dollars contre 3,7 dollars dans les supermarchés aux étals clairsemés.
Les espoirs de liberté ont aussi été douchés par la violence des forces de sécurité qui ont ouvert le feu, en août lors de manifestations post-électorales, contre des partisans de l'opposition. Six personnes ont été tuées.
Depuis les élections, les opposants accusent les autorités de harcèlement permanent.
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Pour Ibbo Mandaza, à la tête du groupe de réflexion Southern African Political and Economic Series Trust, "rien n'a changé". "Au contraire, c'est pire."
La Zanu-PF défend, elle, le bilan de la première année au pouvoir d'Emmerson Mnangagwa. "Beaucoup de choses positives se sont produites depuis que le président Mnangagwa est aux commandes", estime le porte-parole du parti, Simon Khaya Moyo.
"Les gens sont libres d'organiser des réunions", explique-t-il à l'AFP. Aux élections, "on a eu des observateurs" internationaux qui ont pu travailler "sans restriction aucune".
"L'économie montre aussi des signe de croissance avec de nombreux étrangers intéressés à investir. On a eu de nombreux touristes. Ce sont des signes évidents que les choses ont changé", affirme-t-il.
Le chômage plafonne pourtant toujours autour des 90%. "Les pénuries sont toujours aussi intenses et le gouvernement continue à intensifier les souffrance du peuple", lui répond le principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC).
Et Robert Mugabe vit, lui, une retraite dorée et paisible dans sa somptueuse villa de "Blue Roof" à Harare.