Cameroun. Paris sportifs: les jeunes misent gros

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Le 03/11/2019 à 08h45, mis à jour le 04/11/2019 à 08h17

Les sociétés de jeux se multiplient au Cameroun, attirant de nombreux jeunes qui finissent par en devenir accros. En face, le gouvernement tente de juguler le phénomène.

Super Goal, Roisbet, 1XBet, Betoo.com… les sociétés de paris sportifs foisonnent dans les grandes métropoles du Cameroun, notamment à Yaoundé, la capitale, attirant de plus en plus de parieurs, des jeunes pour la plupart.

Tous rêvent de remporter le jackpot. Yvan, 22 ans, mise tous les jours depuis plusieurs années. «Je parie en moyenne 200.000 francs CFA par semaine. Je peux gagner le double, voire le triple. Je joue pour gagner des millions, voire des milliards», affirme cet étudiant.

Compte-t-il s’arrêter une fois ce cap franchi? Le jeune homme répond par la négative: «Non, au contraire! Si je gagne des millions, je vais miser encore plus gros», dit-il, en jetant fréquemment un coup d’œil sur l’ordinateur placé devant lui, et sur lequel sont affichés les résultats des matchs des ligues étrangères sur lesquels il a parié.

Alain, 25 ans, joue moins que par le passé, mais il ne désespère pas de faire fortune grâce à ces paris. «Au début, je jouais quasiment tous les jours, en moyenne 10.000 francs CFA. Tout mon salaire y passait. Je gagnais parfois, mais je perdais souvent. Je continue à jouer, car je sais qu’un jour, je vais gagner le gros lot», affirme ce jeune «débrouillard».

Mais tous ne sont pas aussi mesurés sur leurs mises qu’Alain. Ainsi, Nathan, 21 ans, est complètement accro aux paris sportifs. Tout son argent de poche y passe, et celui de ses parents aussi. «Grâce à l’argent de mes mises, je peux m’offrir des vêtements et des chaussures de grande marque, que mes parents ne veulent pas ou ne peuvent pas m’acheter», justifie-t-il. C’est par accident que ses parents ont appris qu’il était un parieur, et qu’il avait commencé à miser alors qu’il n’était encore adolescent.

Mineurs

Pourtant, la loi du 16 juillet 2015 fixant le régime des jeux de divertissement, d'argent et de hasard au Cameroun interdit l’accès des établissements de jeux aux mineurs. Mais on les retrouve souvent dans les salles ou devant les kiosques de paris sportifs sur les trottoirs, certains d’entre eux vêtus de leur uniforme scolaire.

Cette loi impose également aux promoteurs de jeu d’afficher clairement cette disposition à l’entrée de leurs salles, notamment devant les casinos ou les salles aménagées pour les paris. Une disposition qui est loin d’être respectée, comme dans cette salle d’une société de paris sportifs bien connue, située au quartier Nsam.

«La règlementation de la société interdit les paris aux moins de 18 ans, mais dans cette salle, j’ai décidé que cette interdiction s’applique aux moins de 21 ans», affirme Enzo, le responsable. Dans la salle, à l’observation, la moyenne d’âge des parieurs se situe dans la vingtaine.

Mais tous les établissements de jeux n’ont pas de «police interne» afin d’empêcher l’accès aux jeux aux mineurs, alors que la loi les y oblige. Face aux dérives observées dans ce secteur où la plupart des sociétés de jeux de hasard opèrent sans autorisation, et devant les comportements addictifs de certains joueurs, le gouvernement tente de juguler le phénomène.

Le 18 juillet 2019, le Premier ministre a pris un décret précisant les modalités d'application de la loi susmentionnée. «Ce décret d’application vient préciser, entre autres, les modalités d’exercice de l’activité, les différentes catégories en matière de concession pour les casinos, les paris et les autres types de jeux», explique Alain Salomon Issanda Issanda, directeur des affaires politiques au ministère de l’Administration territoriale, l’autorité en charge des jeux dans le pays.

Selon ce dernier, le gouvernement entend, une bonne fois pour toute, mettre un terme au «désordre» observé dans ce secteur en passant à la phase répressive.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 03/11/2019 à 08h45, mis à jour le 04/11/2019 à 08h17