Covid-19 et cours des matières premières: des évolutions qui impactent diversement les États africains

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Le 31/10/2020 à 10h13, mis à jour le 01/11/2020 à 15h10

Les cours des matières premières, dont dépendent de nombreuses économies africaines, connaissent des évolutions divergentes dans un contexte marqué par la pandémie de Covid-19. Le retour au confinement dans plusieurs pays développés devrait accentuer ces évolutions.

Face à une conjoncture économique mondiale marquée par les effets de la pandémie de coronavirus, les cours des matières premières évoluent de manière divergente. Ces évolutions impactent négativement ou positivement les économies africaines qui sont globalement dépendantes des matières premières: pétrole, or, minerai de fer, cobalt, produits agricoles, etc.

Ces impacts sont globalement négatifs. De nombreux pays africains, producteurs de pétrole et de gaz, font face à la chute du cours du baril de pétrole. En effet, par rapport au cours du baril de l’or noir à fin 2019, le baril qui s‘échange à 37,41 dollars ce vendredi 30 octobre a perdu 41,85% de sa valeur depuis le début de l’année, et ce malgré les baisses des quotas des producteurs de l’OPEP+.

Ce repli intervient au lendemain de la révision à la baisse par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) de sa prévision de demande mondiale de pétrole pour 2020 qui passe de 200.000 bpj à 91,7 millions bpj, à cause des inquiétudes liées à l’impact de l’épidémie sur le rythme de la reprise économique. La recrudescence des cas de Covid-19 dans les pays développés, le confinement et l’impact sur le secteur du transport influencent négativement le cours du baril de pétrole.

Ainsi, le cours du baril de pétrole qui avait chuté autour des 20 dollars au début de la pandémie et des confinements ne devrait pas retrouver de sitôt son niveau d’avant la pandémie.

Cette situation impacte très négativement de nombreux pays africains rentiers dont les économies reposent essentiellement sur l’or noir. C’est le cas de l’Algérie dont 95% des recettes d’exportation proviennent des exportations des hydrocarbures qui représentent également 60% des recettes budgétaires du pays. C’est aussi le cas de la première puissance économique et du premier producteur de pétrole du continent, le Nigeria, dont l'économie dépend fortement des exportations d'hydrocarbures. 

Outre ces deux grandes puissances, l’Angola, le Congo, la Libye, le Gabon et le Tchad sont durement affectés par la chute du cours du baril de pétrole dont ils sont dépendants. Conséquence, tous ces pays pétroliers seront en récession au terme de l’année en cours.

Et les prévisions des institutions financières et organismes spécialisés ne sont pas rassurantes. Ainsi, selon la Banque mondiale, les cours du pétrole devraient s’établir en moyenne à 41 dollars le baril en 2020 et remonter légèrement à 44 dollars en moyenne en 2021. C’est dire que les pays africains dépendants du pétrole risquent de connaître deux années de crise aiguë.

Concernant les métaux, les cours ont évolué de manière divergente en fonction de la demande mondiale. Ainsi, au niveau des métaux précieux, le cours de l’or se porte toujours bien. Valeur de refuge, le cours de l’once d’or (31,1 grammes) se négocie actuellement légèrement au-dessus des 1.875,28 dollars (cours du 30 octobre 2020), soit une hausse annuelle de 23,55%, après avoir atteint un niveau record à 2.063,81 dollars l’once le 6 août dernier.

Les prises de bénéfices des investisseurs et la remontée du cours du baril de pétrole, dans le sillage des déconfinements et des reprises des économies, avaient contribué au recul du cours du métal jaune qui demeure à un niveau encore élevé.

En outre, la seconde vague de contagion qui touche particulièrement les pays européens et américains, avec à la clé une baisse de la demande mondiale du pétrole dont les cours ont dévissé sous le seuil des 40 dollars, suite aux annonces de reconfinement dans de nombreux pays, pourrait à nouveau bénéficier au métal jaune en tant que valeur de refuge en ces temps incertains de baisse de la production mondiale.

Ce niveau élevé du cours du métal bénéficie aux principaux producteurs d’or africain que sont le Ghana, l’Afrique du Sud, le Soudan, le Mali et le Burkina Faso.

Outre l’or, certains métaux ont bénéficié d’un rebond considérable. C’est le cas du minerai de fer. Après une baisse en janvier dernier et durant la période de confinement, à cause notamment d’une baisse de la demande dans le secteur de la construction, le cours du métal le plus utilisé dans le monde est remonté à partir de début mai avant de dépasser son niveau d’avant Covid-19 pour se situer à 120,28 dollars la tonne actuellement, soit une hausse de 33,85% par rapport à son niveau de fin 2019.

Les problèmes rencontrés par le géant Vale (rupture d’un barrage et inondation des sites de production au Brésil), premier producteur de fer du monde, expliquent en partie cette envolée du cours du fer. Il faut souligner que ce métal est dominé par deux producteurs: l’Australie et le Brésil qui assurent 80% des transactions principalement destinées à la Chine qui en achète les deux tiers.

Un niveau du cours qui bénéficie fortement à certains pays africains, comme la Mauritanie dont le fer représente la première source d’exportation et de devises du pays, ou l’Afrique du Sud, le Libéria, la Sierra Leone et la Guinée. Rappelons qu’en 2015, le cours du fer avait touché le fond à moins de 40 dollars la tonne.

Pour sa part, le cours du cobalt a gommé une partie de ses pertes enregistrées fin 2019 en s’appréciant de 18,86% à 33.313,28 dollars la tonne.

Ce métal est essentiel pour la fabrication des batteries de voitures électriques. Près de 65% de la production mondiale de cobalt est assurée par la RD Congo, où le cobalt est extrait des gisements de cuivre.

Pour le phosphate, le cours s’est établi à 79,38 dollars la tonne métrique à fin septembre, contre 72,5 dollars en début d’année, soit une hausse de 9,5% et s’inscrit sur un trend haussier. Et selon les prévisions de la Banque mondiale, le cours du phosphate brut devrait se négocier en 2020 autour de 80-85 dollars la tonne métrique.

Ce marché est contrôlé à 70% par l’OCP (Maroc), les firmes russes, la Jordan phosphate mines Ltd (Jordanie), la Compagnie des phosphates de Ggafsa (Tunisie) et un groupe de 8 firmes américaines formant le Phosrock. Le groupe OCP est leader mondial des exportations de phosphate avec une part de marché de 34% en 2019.

Quant aux produits agricoles exportés par le continent, on note que le cours du cacao, principal produit agricole d’exportation de la Côte d’Ivoire, du Ghana et de certains pays africains, a baissé de -8,74% à 2.298 dollars la tonne. Ce qui impacte négativement les deux premiers producteurs mondiaux -Côte d’Ivoire et Ghana- qui assurent environ 60% de la production mondiale de cacao.

De même, le cours du café a dévissé de -17,51% à 104,85 dollars la livre. Une situation qui impacte négativement les nombreux pays exportateurs, dont l’Ethiopie, l’Ouganda, la Tanzanie, la Côte d’Ivoire et le Cameroun.

Pour les autres produits agricoles –blé (+6,53%), riz (-3,63%), sucre (+8,00%), soja (+9,73%)-, qui sont globalement des produits importés par le continent, les prix ont légèrement augmenté du fait du spectre de l’insécurité alimentaire qui continue de planer sur de nombreuses économies émergentes ou en développement. Certains pays ont enregistré des pics d’inflation des prix des produits alimentaires.

Au final, selon les projections, l’économie mondiale ne devrait parvenir à recouvrer son niveau d’avant la crise qu’en 2022. Du coup, le comportement des cours des matières premières va impacter négativement la croissance économique de nombreux pays africains.

Par Moussa Diop
Le 31/10/2020 à 10h13, mis à jour le 01/11/2020 à 15h10