Transport aérien: l'Union africaine va-t-elle acter la libéralisation du ciel africain?

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Le 07/01/2018 à 17h09, mis à jour le 07/01/2018 à 17h12

Le marché unique du transport aérien en Afrique sera lancé à la fin du mois de janvier courant en marge du 30e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine. 23 Etats se sont engagés à la libéralisation du ciel en Afrique. Les retombées positives sont considérables, mais,...

Si les vœux du Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mohamed, dans son message du nouvel an, sont exhaussés, le lancement de l’ambitieux projet de libéralisation du ciel africain devant les compagnies aériennes se fera à la fin du mois de janvier. Et ce, en marge du 30e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine qui se tiendra du 22 au 29 janvier 2018 à Addis-Abeba, en Ethiopie.

Selon Moussa Faki Mohamed, 23 pays africains se sont engagés solennellement en faveur de cette libéralisation, «dont la mise en œuvre augmentera le nombre des liaisons aériennes, réduira le coût du transport aérien et contribuera à l’expansion du commerce intra-africain et du tourisme».

Concrètement, qu’est-ce que le Marché unique de transport aérien africain (SAATM ou Single african air transport market)? Il s’agit d’un projet phare de l’Agenda 2063 (1) de l’Union africaine qui vise à créer in marché unique du transport aérien unifié en Afrique et qui est censé être le moteur de l’intégration économique africaine.

C’est en 2015, lors de l’Assemblée générale des chefs Etat et de gouvernement de l’Union africaine, qu’a été adoptée la Déclaration sur la création d’un marché unique de transport aérien en Afrique. Les Etats ont pris l’engagement pour la mise en œuvre des décisions de Yamoussoukro dans le but de créer un marché du transport aérien en 2017. Au départ, 11 Etats ont défendu la Déclaration et ont signé leur engagement. La Commission de l’Union africaine a été chargée de coordonner et de faciliter l’opérationnalisation de ce marché unique.

La libéralisation du transport aérien en Afrique, dans le cadre de la Décision de Yamoussoukro de 1999, prévoit la libéralisation totale en termes d’accès au marché entre Etats africains, le libre exercice des droits de trafic (autorisation donnée à un Etat pour transporter des passagers depuis ou vers un autre Etat) de 1er, 2e, 3e, 4e et 5e liberté pour les services aériens réguliers et de fret par les compagnies éligibles, l’élimination des restrictions à la propriété et la libéralisation complète des fréquences, des tarifs et des capacités. Il édicte également les critères d’éligibilité pour les transporteurs africains, les normes de sûreté et de sécurité, les mécanismes de concurrence déloyales, le règlement des différends, etc.

Il faut souligner que l’octroi de droits de trafic de 5e liberté est très important pour la croissance du marché intra-africain. La 5e liberté permet à un transporteur aérien africain de relier deux autres pays africains sur un vol en provenance ou à destination de son propre pays avec le droit de transporter et de débarquer des passagers aux escales intermédiaires. Ainsi, on évoluera vers un espace aérien commun avec la suppression des accords bilatéraux de services aériens entre Etats africains.

Si aucun obstacle de dernière minute ne vient bloquer ce projet, son lancement se fera en marge du sommet de l’Union africaine qui se tiendra à Addis-Abeba du 22 au 29 janvier 2018.

Cette libéralisation du ciel a des effets positifs indéniables. Elle va entrainer une concurrence entre les compagnies aériennes du continent, et donc une baise des prix des billets d’avion comprises entre 25 et 35%. Selon David Kajange, chef de la Division du transport et tourisme de la commission de l’Union africaine, «l’Afrique est devenue le marché du transport aérien le plus coûteux au monde en raison des politiques individuelles et des réglementations des nations qui entravent la connectivité aérienne». Ainsi, la connectivité intra et panafricaine est si médiocre que n’importe quel passager se trouve obligé de parcourir des milliers de miles en dehors du continent juste pour rejoindre une autre destination africaine.

En outre, cette baisse du trafic va stimuler le voyage par l’avion et accroitre sensiblement le nombre d’Africains voyageant par avion. En effet, alors que l’Afrique abrite 15% de la population mondiale, elle ne représente qu’une proportion relativement faible du trafic aérien, soit moins de 3% du trafic mondial, avec un total d’un peu plus de 100 millions d’Africains transportés par an.

Ainsi, grâce à ce projet, de moins de 40 millions de passagers transportés en 2004 par les compagnies aériennes africaines, le nombre de passagers qui est passé à 73,8 millions en 2013 pourrait dépasser les 300 millions de voyageurs africains à l’horizon 2035 grâce à l’ouverture de nouvelles lignes et a baisse des prix.

A titre d’illustration, selon l‘IATA, l’accord d’un marché aérien plus libre entre l’Afrique du Sud et le Kenya, au début des années 2000, a conduit à une hausse de 69% du trafic dd d'e passagers. De même, l’accor«Open Sky» signé en 2006 entre le Maroc et l’Union turopéenne a permis une augmentation de 160% du trafic avec la multiplication par quatre du nombre de lignes entre les deux zones. Il permet ainsi de booster le tourisme intra-africain, surtout au cas où les pays du continent élimineraient les restrictions de visas.

Par ailleurs, cette libéralisation va générer des gains de temps substantiels. En effet, aujourd’hui, à cause des restrictions imposées par certains pays africains, pour relier deux Etats du continent, il faut parfois passer par Dubaï, Istambul ou Paris.

De même, cette libéralisation et la concurrence accrue vont pousser les compagnies africaines à améliorer la qualité de leurs services à la clientèle et à accélérer la mise en place des standards les plus élevés en termes de sécurité.

Grâce à ces avantages, ce marché unique est fortement soutenu par les membres de l’African airlines association (AFRAA), association qui regroupe des transporteurs du continent qui représentent 85% du trafic international total transporté par les compagnies aériennes africaines dont Ethiopian airlines (Ethiopie), EgyptAir (Egypte), South african airlines (Afrique du Sud), Kenya airways (Kenya), etc.

Le projet compte ainsi une quarantaine de signatures dont 23 pays africains membre de l’Union africaine. Seulement, ce sont les 54 Etats du continent qui sont invités à adhérer à ce projet.

Malgré les multiples avantages qu’offre le ciel unique, la réalisation de ce marché n’est pas encore gagnée. Et pour cause, cette libéralisation du ciel africain, partie intégrante de l’Agenda 2063 de l’Union africain, ne fait pas encore l’unanimité au sein des pays et des compagnies aériennes du continent. Ainsi, à fin décembre 2017, 22 pays africains (2) ont signé l’engagement solennel d’ouvrir leurs marchés de transport aérien respectifs immédiatement et sans conditions.

Bref, le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de ce fin du mois de janvier à Addis-Abeba sera crucial pour l’avenir du transport aérien en Afrique.

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- (1) Agenda 2063, Agenda mis en place lors de la commémoration des 50 ans de l’OUA/UA en 2013 et visant un développement socio-économique et une intégration poussée du continent grâce à des projets phares qui ont le potentiel de changer le visage du continent dont le SAATM, la création d’un passeport unique, etc.

- (2) 22 pays signataires: Afrique du Sud, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Cap-Vert, République du Congo, Côte d’Ivoire, Egypte, Ethiopie, Gabon, Ghana, Guinée, Kenya, Libéria, Mali, Mozambique, Nigeria, Rwanda, Sierre Leone, Swaziland, Togo et Zimbabwe.

Par Moussa Diop
Le 07/01/2018 à 17h09, mis à jour le 07/01/2018 à 17h12