Transport aérien: pourquoi cette ruée des compagnies aériennes africaines vers les Amériques?

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Le 29/06/2019 à 17h13, mis à jour le 29/06/2019 à 17h13

Les compagnies aériennes africaines (RAM, Ethiopian Airlines, Kenya Airways,...) se ruent vers les Amériques. Alors que certaines inaugurent de nouvelles routes, d’autres s’y renforcent. Plusieurs facteurs expliquent cet engouement des pavillons africains pour les liaisons transatlantiques. Détails.

La ruée des compagnies aériennes africaines vers les Etats-Unis, le Canada et l’Amérique Latine se poursuit. Il ne se passe pas un mois sans qu’une compagnie du continent n’annonce l’ouverture d’une nouvelle ligne entre le continent africain et les Amériques. Si pour certaines compagnies, il s’agit de renforcer leur présence sur cet important marché, pour d’autres, il s’agit d’ouvrir de nouvelles destinations aériennes pour capter une partie de ce trafic Amérique-Afrique largement dominé encore par les compagnies aériennes européennes.

A travers ces vols transatlantiques, les compagnies aériennes, notamment Royal Air Maroc (RAM), Ethiopian Airlines, South Africain airlines, Kenyan Airways, EgyptAir, Cabo Verde Airlines, …, comptent attirer des passagers africains qui transitent jusqu’à présent majoritairement par les hubs d’Europe et du Moyen-Orient.

D’où la multiplication des ouvertures de lignes aériennes entre le continent et les Amériques.

C’est dans ce cadre que Royal Air Maroc a inauguré le 22 juin 2019 sa nouvelle ligne Casablanca-Boston en raison de 3 vols hebdomadaires. Sur cet axe, la RAM est concurrencé par Cabo Verde Airlines (Cap Vert) qui propose une liaison hebdomadaire entre Praia (capitale du Cap Vert) et Boston, tous les vendredis.

Cette liaison vient ainsi renforcer la présence de la compagnie marocaine aux Etats-Unis. Avec l’ouverture de cette liaison reliant Casablanca à la capitale de l’Etat du Massachusetts, la RAM offre à sa clientèle des vols directs à destination de 4 villes américaines: New York, Washington, Boston et Miami.

Cette dernière liaison Casablanca-Miami a été lancée le 3 avril 2019 en raison de 3 vols hebdomadaires et constitue la première liaison directe entre l’aéroport international de Miami et le continent africain.

A noter qu’en plus des Etats-Unis, la RAM dessert aussi Montréal (Canada), Sao Paolo et Rio De Janeiro (Brésil).

Sur Montréal, la compagnie marocaine réalise de bonnes performances grâce aux expatriés marocains et au hub de Casablanca qui draine des passagers à destinations du reste de l’Afrique.

Pour sa part, Cabo Verde Airlines poursuit le renforcement de son réseau à destination des Amériques. Depuis mardi 25 juin 2019, la compagnie cap-verdienne relie le Cap Vert à la ville brésilienne de Salvador en raison de 3 vols hebdomadaires.

Ce vol vient renforcer la présence de la compagnie cap-verdienne sur la destination Brésil après les dessertes de Recife et Fortaleza. En outre, Cabo Verde Airlines connecte le Cap Vert aux Etats-Unis via la liaison Praia-Boston.

Quant à Ethiopian Airlines, la première compagnie aérienne africaine, elle relie depuis le 17 juin 2019, Addis-Abeba à New York via l’aéroport Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, en raison de 3 vols hebdomadaires. La compagnie éthiopienne est sans concurrence sur cette route. A noter qu’avant le lancement de cette ligne, 60% du trafic de l’aéroport d’Abidjan à destination de l’Amérique passait par Paris et donc capté par Air France et le reste via Bruxelles, Istanbul et Casablanca.

Les initiateurs de la ligne Abidjan-New York tablent sur 70.000 à 80.000 passagers au titre de 2019, contre 29.000 en 2012 et 55.000 en 2016. Outre les 10.000 employés de la BAD, cette ligne devrait être alimentée par la diaspora ouest-africaine vivant aux Etats-Unis, notamment les libériens, ivoiriens, sénégalais, etc.

Ethiopian Airlines relie aussi Newark (plus important aéroport de l’agglomération new-yorkaise) du New Jersey via son hub de Lomé (Togo) en raison de 4 vols hebdomadaires. Du coup, la compagnie éthiopienne effectue un vol quotidien sur New York, une destination couverte par d’autres compagnies du continent dont Royal Air Maroc, Kenya Airways, etc.

De même, la première compagnie africaine couvre aussi les aéroports Washington DC, Los Angeles, Toronto (Canada) et Sào Paulo (Brésil).

Kenya Airways aussi propose depuis octobre 2018 un vol quotidien direct entre Nairobi-Jomo Kenyatta et l’aéroport de New York-JFK. La compagnie kenyane est la seule de la région est-africaine à relier directement l’Afrique de l’Est aux Etats-Unis, sachant qu’Ethiopian Airlines relie l’Afrique aux Etats-Unis via les hubs de Lomé (Togo) et Abidjan (Togo).

South African Airlines propose des vols quotidiens entre sa base Johannesburg-OR Tambo et l’aéroport de Washington-Dulles via les aéroports d’Accra-Kotoka (Ghana) et Dakar (Sénégal). La compagnie sud-africaine effectue aussi un vol quotidien entre Johannesburg et Sào Paulo (Brésil).

Rien que sur les Etats-Unis, désormais, ce sont 6 compagnies aériennes africaines qui desservent les Etats-Unis: Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc, EgyptAir, Cabo Verde Airlines, South African Airways et Kenyan Airways. RwandAir devrait être la 7e compagnie aérienne africaine à desservir les Etats-Unis. Elle compte pour cela relier l’Afrique aux Etats-Unis via plusieurs hubs africains dont Accra (Ghana), Libreville (Gabon), etc.

D’autres compagnies se préparent à les rejoindre. C’est le cas notamment d’Air Sénégal et de TunisAir qui envisagent d’ouvrir des lignes directes avec New York d’ici 2020.

Qu’est-ce qui explique cet engouement des compagnies aériennes africaines pour les Amériques? Les réponses sont claires.

D’abord, il y a l’important potentiel de passagers à transporter entre l’Afrique et les Amériques grâce à la diaspora africaines établies dans les Amériques et aux touristes qui se rendent de par et d'autre de l'Atlantique. Or, jusqu'à présent, seule une partie minime de ces passagers est captée par les compagnies aériennes africaines. ce qui constitue un immense manque à gagner pour celles-ci.

En effet, selon l’IATA, le trafic Afrique-Amérique du Nord est passé de 2 969 155 passagers en 2012 à 3 712 343 passagers en 2017. Mieux, ce trafic devrait croitre de 6,8% en moyenne annuelle dans les 20 prochaines années. De quoi aiguiser l’appétit de plus en plus de compagnies africaines sachant que la croissance moyenne du trafic de passagers au niveau mondial sur la période devrait s’établir autour 3,6%.

Ainsi, pour les compagnies aériennes africaines, la ruée vers l’Amérique est une occasion pour récupérer une partie du trafic international du continent capté à hauteur de 80% par des compagnies ariennes non africaines. A titre d’exemple, en 2017, selon l’IATA –Association internationale du transport aérien-, plus de 432 000 voyageurs en transit entre l’Amérique et l’Afrique sont passés par Paris.

Ensuite, l’engouement des compagnies africaines pour les Amériques s’explique aussi par l’absence de concurrence des compagnies américaines sur les liaisons Afrique-Etats-Unis. En effet, actuellement, seule la compagnie Delta Airlines relie les Etats-Unis à l’Afrique via le Sénégal, le Ghana et le Nigeria.

Reste que desservir directement les Etats-Unis n’est pas à la portée de toutes les compagnies aériennes africaines. Pour assurer des liaisons sur le sol américain, les compagnies aériennes doivent décrocher la licence de catégorie 1.

Il s’agit d’une licence qui détermine la conformité de la compagnie aérienne sur 8 éléments essentiels du programme d’évaluation internationale de la sécurité. De même, il faut investir lourdement dans les infrastructures aéroportuaires afin que celles-ci puissent répondre aux normes requises par les américains, notamment en matière de sécurité.

Ensuite, les compagnies doivent disposer des appareils de nouvelles générations à même de relier les deux continents tout en étant moins consommatrices en carburant pour assurer la rentabilité des lignes. A noter que la majeure partie des compagnies mette sur ces liaisons les nouveaux aéronefs dont les Dreamliner, Airbus 330-900 néo, Airbus A380, etc.

Bref, vu l’engouement des compagnies aériennes africaines pour ces nouvelles lignes, ces investissements s’avèrent rentables compte tenu des avantages concurrentielles qu’elles ont par rapport aux compagnies du Moyen-Orient et d’Europe à travers la possibilité de relier l’Amérique directement à l’Afrique sans passer par les hubs européens ou du Moyen-Orient.

Par Moussa Diop
Le 29/06/2019 à 17h13, mis à jour le 29/06/2019 à 17h13