En dépit d’une situation sanitaire moins grave, par rapport au reste du monde, il n’en demeure pas moins que le continent africain est durement affecté par les conséquences de la pandémie du Covid-19. C’est au moment où le continent était engagé dans un processus de consolidation des acquis de plusieurs années de croissance que la pandémie est venue toit stopper faisant enregistrer au continent sa première récession économique depuis 25 ans.
Ainsi, selon les analystes de Policy center for the New South, «le désastre économique provoqué par le Covid-19 laissera des traces profondes sur les performances économiques et sociales de 2020 et 2021, sinon même sur le moyen terme» et ce, d’autant plus que la pandémie perdure encore.
Ainsi, les impacts économiques de la pandémie se situent à plusieurs niveaux: échanges extérieurs, problème de financement du développement, endettement, etc. Au niveau des échanges, l’Afrique se caractérise par sa dépendance des échanges extérieurs avec des échanges orientés vers les pays développés. Du coup, les économies sensibles aux produits de base ont subi de fortes perturbations en termes d’échanges commerciaux et de stabilité des taux de change. A ce titre, parmi les pays les plus touchés figurent l’Algérie, l’Angla, le Cameroun, le Gabon, le Ghana, la Guinée Equatoriale, le Nigeria, la République du Congo et le Tchad.
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Il faut dire que certains pays sont trop dépendants des matières premières. Ainsi, les exportations des hydrocarbures représentent 40% du PIB de la Guinée équatoriale et pèsent plus de 95% des recettes d’exportation de l’Algérie, plus de 90% de celles du Nigeria et de l’Angola, etc. Ainsi, en se basant sur les données de la Commission économiques africaines (CEA), les pertes de revenus des pays pétroliers du continent s’élèveraient à plus de 65 milliards de dollars en 2020 avec de lourdes conséquences sur certains pays (Algérie, Angola, etc.).
Par ailleurs, la trésorerie publique des pays africains dépendante des ressources externes a fortement pâti de cette situation, ce qui a fortement perturbé le financement du développement de plusieurs pays du continent. Ainsi, la crise est un choc majeur pour les finances publiques des Etats et plusieurs pays vont enregistrer des déficits budgétaires abyssaux du fait notamment de la contraction des recettes fiscales et non fiscales.
L’investissement direct étranger (IDE) a été aussi affecté par la situation économique mondiale. Et selon les projections, les flux d’IDE devraient baisser entre -5% et -15% par rapport aux projections pour 2020-2021. Quant aux transferts de fonds de la diaspora, ils devront chuter de 23% au niveau de l’Afrique subsaharienne.
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Conséquence des problèmes de déficits budgétaires, les pays africains se sont fortement endettés en 2020 pour financer les déficits budgétaires. Selon le FMI, la dette atteindra 64% du PIB du continent en 2020, contre 60% auparavant.
Du coup, le spectre de la dette menace l’Afrique avec un poids du service de la dette publique qui devrait fortement augmenter dans les prochaines années, après les hausses enregistrées au cours de ces dernières années pour atteindre environ 40 milliards de dollars en 2020, selon les prévisions du FMI et ce, malgré les moratoires annoncés en 2020. De ce fait, plusieurs pays africains pourraient se retrouver dans l’incapacité de rembourser leurs dettes.
Une situation qui pourrait compliquer les programmes d’endettement futurs nécessaires à la relance des économies africaines au moment où les perspectives d’amélioration des aides publiques au développement (APD) des pays développés sont incertaines.
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Et sur l’économie réelle, plusieurs secteurs ont pâti de la crise sanitaire dont particulièrement ceux du tourisme, du transport, etc. Ainsi, les arrivées de touristes devraient chuter entre 60% et 80% et impacter plusieurs pays dont l’industrie du tourisme représente plus de 10% du PIB (Seychelles, Cap Vert, Maurice, Tunisie, Gambie, Egypte Tanzanie, Botswana, Sénégal, Namibie, Comores, Rwanda, etc.) avec des pertes estimées à plus de 50 milliards de dollars et plus de 7,6 millions d’emplois directs et indirects.
Du coup, l’Afrique va enregistrer sa première récession économique depuis 25 ans et qui serait comprise entre -1,8% et -5,1%, selon les projections des institutions financières et de développement (FMI, BAD, Banque mondiale et CEA).
Pour sortir de la crise, les experts du think tank soulignent que le «retour à la normale» sera probablement progressif. Et globalement, la reprise vigoureuse des économies africaines dépendra de la refonte des modèles de développement et l’accélération de l’intégration continentale.
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En plus des effets économiques, la pandémie aura des impacts sociaux qui risquent de perdurer avec un choc massif sur l’emploi avec un taux de chômage qui passerait de 5,3% à fin 2019 à 11,4% à fin 2020. L’Union africaine prévoit la perte de 20 millions d’emplois. «dans un continent où l’emploi informel est bien souvent la norme (86% de l’emploi total, la proportion s’élevant jusqu’à 91% dans les pays d’Afrique de l’Ouest) les conséquences sur les conditions de vie des plus démunis seront dévastatrices», souligne les rédacteurs du rapport. En conséquence, la population pauvre et vulnérable du continent va croître de manière considérable, sachant qu’entre 28,2 et 49,2 millions d’Africains supplémentaires risquent d’être refoulés dans l’extrême pauvreté.
De même, l’insécurité alimentaire risque de croître au niveau de la région. Plusieurs pays risquent d’être confrontés à des crises de sécurité alimentaire dont le Niger, le Mali, la Mauritanie, le Burkina Faso, Libéria, Sierra Leone, Gambie, etc. En plus des situations chroniques de crises alimentaires au Sahel, les pays fortement dépendant des importations alimentaires souffrent des perturbations des chaînes d’approvisionnement.
Face à cette crise sanitaire et ses conséquences socio-économiques, les experts de Policy center for the New South avancent plusieurs pistes pour la relance des économies africaines, en soulignant que le retour à la normal sera probablement progressif et que l'hypothèse d’une reprise d’ici 2023 suppose une croissance vigoureuse en 2021 et 2022.
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Au préalable, si tous les pays africains, ou presque, ont mis en place des mesures pour faire face aux effets de la pandémie et relancer l’activité économique, force est de constater que celles-ci n’ont pas eu les effets escomptés. Parmi les mesures mises en place figurent des mesures budgétaires et monétaires dont l'objectif est de canaliser les liquidités vers les entreprises, notamment les PME, les secteurs stratégiques et vers les ménages en situation de vulnérabilité.
Ainsi, afin d’arriver àune véritable reprise économique en Afrique, des révisions des stratégies et politiques de développement s’imposent. «C’est dans la refonte de leurs modèles de développement et l’accélération de l’intégration continentale que els pays africains peuvent trouver les réponses à une sortie de crise pérenne», soulignent les rédacteurs du rapport. Ces modèles de développement doivent reposer sur des piliers résistant à la diversité des chocs que traverse le continent.
Ainsi, au niveau sanitaire, par exemple, les pays africains pourraient promouvoir des systèmes de santé nationaux accessibles, pérennes, résilients et de qualité en allouant 15% de leurs budgets publics nationaux à la santé d’ici 2025. Et, dans cette optique, l’Union africaine devrait contribuer à accélérer la mise en place d’un Plan de fabrication pharmaceutique pou l’Afrique et l’opérationnalisation de l’Agence africaine du médicament, en priorisant les investissements. A moyen et long termes, ces industries africaines de la santé pourront se positionner dans la cartographie des industries de la santé et réduire la dépendance de l’Afrique en biens médicaux et contribuer à améliorer les performances des systèmes de santé africains.
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Au niveau de la sécurité alimentaire, les risques exogènes liés aux changements climatiques et à d’autres facteurs environnementaux tendent à fragiliser davantage les systèmes agricoles africains. Dans cette optique, il faut savoir que «la promotion des économies vertes est le levier d’une modernisation du secteur agricole qui valoriserait davantage les richesses de la biodiversité». A ce titre, des investissements adéquats sont nécessaires pour accroître les revenus agricoles, accroitre la durabilité de la production agricole et réduire la malnutrition.
Il faut également accélérer les transitions écologique et énergétique en Afrique en privilégiant la promotion des investissements dans la transition écologique (transport, logement, industrie, agriculture…). Du coup, il faut mettre l’accent sur l’accroissement des investissements dans les infrastructures énergétiques en Afrique.
En outre, le continent doit soutenir la transformation numérique et l’innovation tant au niveau de la chaîne d’approvisionnement que du parcours du consommateur. Le Covid-19 a montré la nécessité d’accélérer cette transformation. Seulement, le continent fait face à des difficultés pour tirer pleinement profit des nouvelles technologies de l’information sachant que seulement 25% des Africaines utilisent actuellement Internet. «Le continent doit assurer la transformation numérique en visant à accéder à des infrastructures et des technologies de cyber-sécurité sûres et fiables», souligne le rapport.
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Et pour y arriver, il faut aussi et surtout valoriser le capital humain africain en misant sur la qualité de la formation et des politiques de formation orientées vers l’employabilité des jeunes.
Enfin, l’intégration des économies africaines et leurs transformations sont nécessaires pour un développement durable de l’Afrique. A ce titre, le lancement de la Zone de libre échange continentale africaine (Zlecaf), depuis le 1er janvier 2021, est un excellent évènement. En réduisant les barrières tarifaires et non-tarifaires, l’Afrique devrait stimuler son commerce régional. Et au-delà, la Zlecaf devrait contribuer à une transformation structurelle des économies africaines et à leur insertion dans les chaines de valeur mondiales et régionales.
Bref, «c’est en mobilisant ses ressources et en accélérant ses processus d’intégration, que l’Afrique peut saisir cette fenêtre d’opportunités pour faire basculer sa position dans le système de l’économie mondiale d’un statut de continent-périphérique à un statut de continent-partenaire», fait remarquer Larabi Jaïdi, Senior fellow, Policy center for the new south et coordinateur général de ce rapport.