Carburants: voici les pays où les prix sont les plus ou les moins chers en Afrique de l’Ouest et centrale

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Le 30/07/2022 à 15h49, mis à jour le 30/07/2022 à 15h51

Les prix à la pompe ont presque partout augmenté au niveau du continent, malgré les importantes subventions supportées par les Etats afin d’atténuer l’impact sur les citoyens. Ceux-ci varient fortement d’un pays à l’autre (Cf. Tableau) et les différences sur les tarifs sont parfois très importantes.

Bien avant la guerre Russie-Ukraine, la tension était palpable sur les prix à la pompe à cause de la hausse des cours du baril de pétrole et du coût du fret maritime, sachant que les pays africains sont presque tous importateurs de carburants, y compris les grands producteurs de pétrole (Nigéria, Angola…). La crise ukrainienne est venue accentuer cette tendance haussière et a entraîné des pénuries de carburants et des hausses de prix à la pompe dans de nombreux pays, et ce, malgré les interventions des pouvoirs publics à coup de subventions sur les hydrocarbures dont les factures ont partout explosé au niveau du continent.

Du fait que les produits pétroliers sont importés, outre la flambée des cours et du fret maritime, la dépréciation des monnaies africaines, notamment du franc CFA (FCFA), vis-à-vis du dollar américain renchérit le coût des importations des hydrocarbures.

Conséquence, les prix à la pompe ont fortement augmenté, partout en Afrique, à quelques exceptions. Les dernières augmentations ont été enregistrées au Togo où depuis le 19 juillet, les prix à la pompe des carburants Super sans plomb et gasoil ont augmenté de respectivement 17,64% passant de 595 FCFA à 700 FCFA/litre (0,92 à 1,09 dollars) et 40,49% passant de 605 FCFA à 850 FCFA (0,94 à 1,01 dollars). Les autorités avaient déjà revu à la hausse les prix des carburants en mars dernier.

Globalement, selon les données relevées par nos correspondants en Afrique de l’Ouest, centrale et de l'Est, les prix à la pompe divergent fortement d’un pays à l’autre (Cf. Tableau). Cette situation s’explique par plusieurs facteurs: disponibilité de pétrole et de raffinerie, enclavement du pays, niveau des taxes sur les hydrocarbures, coût du transport des carburants…

C’est au Niger, nouveau pays pétrolier, qu’on enregistre les prix à la pompe les plus bas de la région avec 540 FCFA, soit 0,84 dollar, pour le litre d’essence, et 538 FCFA, soit 0,84 dollar, pour celui du gasoil. Cela s’explique par le fait qu'il s'agit d'un pays pétrolier, mais surtout par le fait qu’à la découverte des hydrocarbures, l’ancien président, Mamadou Baba Tandia, avait exigé des exploitants chinois l’installation d’une raffinerie de pétrole sur le territoire nigérien. Une vision stratégique qui permet à ce pays enclavé de ne pas être dépendant des importations d’hydrocarbures. Derrière suivent le Gabon et le Cameroun, un petit producteur d’hydrocarbures où les prix sont sous la barre d’un dollar, aussi bien pour l’essence que pour le diesel.

Comparaison des prix du carburant dans 10 pays africains

Essence Gasoil
Pays Monnaie locale En dollars Monnaie locale En dollar
Burkina Faso 715 F CFA 1,11 645 F CFA 1,01
Cameroun 630 F CFA 0,98 575 F CFA 0,9
Côte d'Ivoire 735 F CFA 1,15 615 F CFA 0,96
Gabon 605 F CFA 0,94 585 F CFA 0,91
Guinée 12.000 F guinéens 1,38 12.000 F guinéens 1,38
Mali 870 F CFA 1,36 850 F CFA 1,33
Mauritanie 56,6 ouguiyas 1,5 49,96 ouguiyas 1,33
Niger 540 F CFA 0,84 538 F CFA 0,84
RDC 2.495 F congolais 1,25 2.485 F congolais 1,24
Sénégal 890 F CFA 1,39 655 F CFA 1,02

Parmi les pays où le carburant coûte plus cher figure la Mauritanie avec 56,6 ouguiyas, soit 1,5 dollar, pour le litre d’essence et 49,96 ouguiyas, soit 1,33 dollar, pour celui de gasoil, depuis la dernière hausse des prix à la pompe de 30%, mi-juillet. Malgré cette forte hausse justifiée par la flambée de ces prix à l’international, l’Etat assure qu’il continue de subventionner le carburant à hauteur de 21,5 ouguiyas pour l’essence et 29 ouguiyas pour le gasoil.

Derrière la Mauritanie, c’est la Guinée qui suit. Dans ce pays, il faut débloquer 12.000 francs guinéens, soit 1,38 dollar, pour un litre d’essence ou de gasoil. Idem pour le Sénégal où il faut compter 890 FCFA, soit 1,39 dollar, pour le litre d’essence et seulement 655 FCFA, soit 1,02 dollar pour le gasoil. C’est le cas aussi pour le Mali où il faut 870 FCFA (1,36 dollar) pour le litre d’essence, et 850 FCFA (1,33 dollar) pour le gasoil.

Chose difficile à comprendre, l’essence coûte moins cher au Burkina Faso (715 FCFA, soit 1,15 dollar), pays pourtant enclavé et non-producteur de pétrole, qu’en Côte d’Ivoire, au Sénégal et en Mauritanie, pays côtiers. Cela s’explique grandement par les importantes taxes sur les produits pétroliers mises en place par certains Etats et qui représentent une part importante du prix des carburants à la pompe. Les hausses dépendent aussi de la politique d’ajustement des prix adoptée par les Etats.

Ainsi, en Côte d’Ivoire, le gouvernement réajuste chaque mois le prix à la pompe en tenant compte de l’évolution du cours du baril de pétrole sur le marché international. Ce qui permet de comprendre le niveau actuel des prix des carburants. Toutefois, les autorités ont fait le choix de répercuter la hausse uniquement sur l’essence, plus généralement utilisée par les particuliers. Ainsi, depuis le début de l’année, le prix du litre d’essence a augmenté à trois reprises passant de 615 FCFA à 635 FCFA en février, de 635 à 695 FCFA en avril et de 695 à 735 FCFA en juin (de 0,95 jusqu'à 1,14 dollar).

Toutefois, pour le gasoil, le gouvernement a préféré garder le prix inchangé depuis le début de l’année. Ce choix s’explique par le fait que le gasoil est le carburant utilisé par les opérateurs du transport et un réajustement à la hausse induirait automatiquement une augmentation des tarifs des transports de voyageurs et de marchandises. En Côte d’Ivoire, depuis le début de l’année, les subventions sur les hydrocarbures atteignent 405 milliards FCFA (631 millions de dollars) à fin juin 2022, à cause notamment du maintien du prix du gasoil à 615 FCFA (0,95 dollar), du gaz, du pétrole lampant…

Au Sénégal, le 5 juin dernier, le prix à la pompe du carburant super a augmenté de 115 FCFA par litre, passant ainsi de 775 FCFA à 890 FCFA (1,20 à 1,38 dollar), soit une forte hausse de 14,83%, justifiée par la persistance des chocs exogènes qui ont occasionné la hausse des cours des produits pétroliers sur le marché international. Selon les autorités sénégalaises, en dépit de ce niveau élevé du litre d’essence, l’Etat supporte une subvention de 292 FCFA (0,42 dollar) par litre de super dont le tarif devrait ressortir à 1.182 FCFA (1,84 dollar) le litre à la pompe. Si le prix de l’essence a fortement augmenté, à l’instar de la Côte d’Ivoire, ceux du gasoil, du diesel, de l’essence ordinaire, de l’essence pirogue, du gaz butane et du pétrole lampant sont restés inchangés.

Au Cameroun aussi, les subventions visant à maintenir les prix à la pompe inchangés ont coûté 317 milliards de FCFA (494 millions de dollars) au premier semestre à l’Etat, contre 100 milliards de FCFA (155 millions de dollars) pour toute l’année 2021. Le Cameroun importe la totalité de son carburant depuis l’incendie, en mai 2019, de la Sonara, son unique raffinerie de pétrole. Ces subventions ont permis de maintenir les prix à 630 FCFA (0,98 dollar) pour le litre du super et 575 FCFA (0,89 dollar) pour le gasoil. En absence de subventions, selon les calculs des autorités camerounaises, le prix du litre d’essence et de gasoil devrait ressortir à respectivement 1.027 FCFA (1,60 dollar) et 1.016 FCFA (1,58 dollar).

Bref, les hausses des prix à la pompe sont une réalité en Afrique, malgré les efforts entrepris par les autorités afin d’atténuer leurs impacts sur les populations par le truchement des subventions. Toutefois, cette situation sera intenable si la crise et le niveau élevé des cours perdurent, sachant que les finances publiques des pays africains sont très sollicitées depuis 2020 à cause de la crise sanitaire. Il faut donc que les dirigeants africains tirent les conséquences de cette crise et optent pour des solutions durables.

Au-delà, les impacts exogènes des crises sur les économies africaines devraient pousser les Etats, particulièrement ceux qui ne sont pas producteurs de pétrole et de gaz à accentuer leur virage vers les énergies renouvelables.

D’abord, au niveau de la production d’électricité, les pays africains disposent de potentialités énormes via les énergies renouvelables très faiblement exploitées (solaire, éolien, géothermie…).

Ensuite, en plus des investissements dans les énergies renouvelables, pour des raisons économiques et sanitaires, il faut aussi que les pays africains prennent le virage des voitures électriques. Et pour cause, le secteur du transport est l’un des plus gros consommateurs d’énergie. A titre d’exemple, si on prend le cas du Maroc et 2019 comme année de référence, le secteur du transport a représenté à lui seul 41% de l’utilisation de l’énergie, devant le résidentiel (25%), l’industrie (19%), le tertiaire (8%) et l’agriculture (7%). Ainsi, les pays africains disposant de parcs automobiles vieillissants, donc consommant davantage de carburant, la part du transport devrait représenter plus de la moitié des utilisations de l’énergie au niveau de ces pays.

Sachant que le transport est un secteur très énergivore, il est donc urgent pour les pays africains de mettre l’accent sur les énergies renouvelables en exploitant toutes les potentialités offertes par le solaire, l’éolien, la géothermie, la biomasse et l’hydroélectricité, les voitures électriques…

Enfin, l’autre problème en Afrique est que si les Etats qui administrent globalement les prix des carburants ont tendance à augmenter les prix à la pompe pour faire face à l’envolée des cours sur le marché international, on note que dans plusieurs pays, les prix ne se réajustent jamais à la baisse avec la décrue des cours au niveau de ce même marché international, sinon dans des proportions négligeables. Et ce sont les Etats qui tirent profit de cette situation grâce aux impôts et taxes sur les carburants qui contribuent fortement aux recettes budgétaires des Etats.

Par Moussa Diop
Le 30/07/2022 à 15h49, mis à jour le 30/07/2022 à 15h51