Sénégal. Dette cachée: les antagonistes soldent leurs comptes

L'ancien président Macky Sall (g), le Premier ministre Ousmance Sonko (au centre) et le président Bassirou Diomaye Faye (d).

Le 30/10/2025 à 15h14

VidéoIl a fallu un post sur les réseaux sociaux qui veut qu’«un père de famille n’a pas à justifier d’où provient sa dépense quotidienne» pour que le débat sur la «dette cachée» de 7 milliards de dollars reprenne de plus belle au moment où le projet de résolution de mise accusation de l’ancien président Macky Sall a été déclaré irrecevable par l’Assemblée nationale.

Beaucoup de Sénégalais saluent le courage du Premier ministre Ousmane Sonko d’avoir dévoilé une dette que le gouvernement Macky Sall avait pris soin de dissimuler. Djiby Ba, un habitant de Dakar, explique que «cette histoire de dette cachée ne date pas d’hier. Depuis qu’il était dans l’opposition, l’actuel chef du gouvernement en parlait déjà, dénonçant des détournements colossaux. Aujourd’hui, il est aux affaires et a accès aux dossiers de l’ancien régime. Il a donc des raisons valables pour faire ces révélations

Mais de quoi s’agit-il exactement? Selon plusieurs rapports, notamment ceux de la Cour des comptes et du cabinet Mazars, près de 7 milliards de dollars d’emprunts auraient été dissimulés entre 2019 et 2024, faisant grimper la dette du pays à près de 119 % du PIB. Tout a commencé en septembre 2024. Alors dans l’opposition, Ousmane Sonko accuse le gouvernement sortant d’avoir caché l’ampleur réelle de l’endettement public. Des «dettes cachées», selon lui, liées à des emprunts non déclarés et à des passifs accumulés par certaines entreprises publiques.

Quelques mois plus tard, les faits semblent donner raison à l’actuel Premier ministre. En mars 2025, une mission du Fonds monétaire international confirme les soupçons: le FMI évoque près de 7 milliards de dollars d’engagements non comptabilisés, contractés sous le régime de Macky Sall.

La réaction ne se fait pas attendre: suspension d’un programme d’aide de 1,8 milliard de dollars et exigence de mesures correctives immédiates.

En juillet 2025, la banque Barclays enfonce le clou dans un rapport alarmant. Le Sénégal y est désormais classé parmi les pays à haut risque, avec un taux d’endettement estimé à 119% du PIB. Bien au-delà des chiffres officiels publiés sous l’ancien gouvernement.

Les agences de notation dégradent alors la note souveraine du pays, contraignant Dakar à emprunter à des taux plus élevés.

Mais dans le camp de l’ancien président, la riposte fut immédiate. Les proches de Macky Sall dénoncent une instrumentalisation politique du dossier. Badou Dieng, citoyen sénégalais, se monte sceptique «il faut dire toute la vérité au peuple. Franchement, je ne crois pas à cette histoire de dette cachée. Comment peut-on dissimuler une dette validée par la Cour suprême et le FMI? C’est une manipulation politique, et ce n’est pas normal

Sur le plan économique, la situation est préoccupante. La suspension du programme du FMI a ralenti les décaissements d’aide, tandis que les investisseurs exigent désormais des taux d’intérêt plus élevés.

En octobre 2025, la directrice générale du FMI confirme publiquement les révélations d’Ousmane Sonko et appelle le Sénégal à restaurer la transparence budgétaire.

Face à cette crise, le duo Ousmane Sonko–Bassirou Diomaye Faye promet de redresser les finances publiques et de rétablir la confiance des partenaires internationaux. Une commission d’enquête parlementaire a été créée pour situer les responsabilités dans la gestion de la dette entre 2019 et 2024. Certains juristes estiment que les faits pourraient relever de la haute trahison.

Mais fin octobre 2025, l’Assemblée nationale a rejeté une première procédure de mise en accusation contre l’ancien président Macky Sall, pour non-respect du règlement intérieur, lui accordant, pour l’instant, un sursis politique.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 30/10/2025 à 15h14